À l’échelle de l’Europe, quels sont les moyens et méthodes disponibles pour évaluer les risques dus à la hausse du mercure ?
À quoi l’Union européenne et ses États membres doivent-ils se préparer ?
Face au réchauffement climatique, à quels scénarios s’attendre ? C’est ce à quoi a réfléchi l’Agence européenne de l’Environnement dans une étude publiée au début de l’année 2024.
Expert économies locales au sein du cabinet Utopies
Les dix dernières années témoignent d’une accélération du changement climatique et de ses impacts multiples sur les sociétés dans le monde. Qu’en est-il en Europe ? Quels sont les risques climatiques à anticiper d’ici la fin du siècle ?
Synthétisant et complétant les connaissances scientifiques existantes, tout en s’appuyant sur la participation d’un large éventail d’experts et de parties prenantes, cette première évaluation des risques climatiques en Europe vise à soutenir l’identification des priorités politiques liées à l’adaptation au changement climatique. Un éclairage bienvenu, alors que le continent européen est celui qui se réchauffe le plus rapidement.
Un travail d’évaluation permettant de comprendre et de mesurer les risques
EUCRA fournit une évaluation des risques climatiques reposant sur quatre éléments :
Deux scénarios climatiques contrastés : l’un, cohérent avec les accords de Paris, prévoit un réchauffement de 1,8 °C d’ici 2100, tandis que le second envisage un réchauffement de 3,6 °C.
Une série d’aléas climatiques : évolution des températures moyennes, vagues de chaleur, sécheresses, niveau de précipitation et d’enneigement, inondations, vents violents, élévation du niveau de la mer ;
Les systèmes humains (alimentation, eau, bâtiments, infrastructures, activités économiques, etc.) et naturels (écosystèmes) exposés à chacun de ces aléas ;
Des facteurs de vulnérabilité non climatiques : inégalités de revenus, vieillissement et état de santé des personnes, part de la population résidant en ville, pressions environnementales, etc.
La combinaison de ces dimensions met en lumière une série d’impacts, existants et potentiels, directs et indirects, sur les systèmes humains et naturels (par exemple, déficit d’enneigement). EUCRA identifie au total 36 risques climatiques majeurs (par exemple, risque pour le tourisme d’hiver en montagne) susceptibles d’avoir de graves effets en Europe. Ces risques sont analysés selon :
Leur niveau de gravité : limité, important, critique, catastrophique ;
Leur échelonnement dans le temps : aujourd’hui, milieu du siècle et fin du siècle ;
Les régions, les secteurs ou les groupes de population particulièrement touchés ;
Le degréd’urgence à agir ;
L’état de préparation des politiques d’adaptation européennes.
Si pour l’heure, la France ne dispose pas d’une évaluation des risques climatiques aussi poussée, les deux scénarios climatiques définis dans le cadre de la TRACC (cf. billet précédent) pourraient cependant ouvrir la voie à des travaux de ce type.
Deux clés de prise en main des résultats : par systèmes impactés ou par risques climatiques
L’étude prend le parti de restituer les résultats d’analyse selon deux approches complémentaires. La première propose d’appréhender les risques climatiques par grands systèmes impactés : sécurité hydrique, sécurité alimentaire, santé humaine, énergie, bâtiments et infrastructures, régions ultrapériphériques. Cette approche permet une vision d’ensemble des aléas pouvant impacter chaque système et de leurs conséquences en matière de risques.
La seconde approche propose quant à elle plusieurs narratifs permettant d’explorer les mécanismes et implications de certains aléas — chaleur extrême et sécheresses prolongées, inondations à grande échelle — ou de certains risques climatiques — perturbation des forêts et puits de carbone, maladies infectieuses, disruption des infrastructures critiques, ruptures des chaînes d’approvisionnement mondiales.
Une compréhension des chaînes d’impact et des effets de cascade des risques climatiques
Une forte plus-value d’EUCRA réside dans sa capacité à synthétiser de manière visuelle le processus en chaîne des risques climatiques. Par exemple, le schéma ci-dessous permet de décomposer les risques menaçant la sécurité hydrique.
Résultant de la combinaison des aléas climatiques (bleu) et des facteurs de vulnérabilité sociétale et environnementale (jaune), les impacts directs et indirects (orange) entraînent des risques (rouge) pour les systèmes concernés (blanc).
Cette approche systémique et dynamique permet de mettre en lumière les interactions complexes entre divers facteurs de risques climatiques et non climatiques, et entre systèmes impactés (voir visuel ci-dessous). Le changement climatique apparaît alors comme un multiplicateur de risques, susceptible d’exacerber les risques existants et les crises en cours.
Plusieurs évènements climatiques récents ont montré comment un évènement unique peut se répercuter en cascade d’un système ou d’une région à l’autre, y compris avec l’extérieur de l’Europe. Ces cascades de risques sont d’autant plus probables lorsque surviennent plusieurs aléas climatiques simultanément ou de manière successive.
On mesure ainsi à la lecture de ces visuels l’ampleur des efforts à fournir pour suivre les risques climatiques et les traduire en aide à la décision pour les acteurs publics et privés.
Plusieurs risques sont d’ores et déjà critiques, et bon nombre pourraient le devenir d’ici la fin du siècle
S’agissant de la gravité des risques climatiques identifiés, l’Agence européenne de l’Environnement constate que certains d’entre eux ont déjà atteint des niveaux critiques, c’est-à-dire entraînant des dommages importants, fréquents et étendus, perturbant à long terme la fonctionnalité du système impacté, ainsi que des effets en cascade au-delà des limites du système :
Écosystèmes : risques sur les écosystèmes et les puits de carbone forestiers induits par les feux de forêt en Europe du Sud ; risques pour les écosystèmes côtiers liés à l’érosion et aux inondations ; risques pour les écosystèmes marins induits par l’acidification et les vagues de chaleur marines ;
Sécurité alimentaire : risques pour les cultures agricoles liés aux différents aléas climatiques en Europe du Sud ;
Santé humaine : risques pour la santé liés à l’augmentation des situations de forte chaleur ;
Bâtiments et infrastructures : risque pour les populations, les bâtiments et les infrastructures, induit par les feux de forêt en Europe du Sud.
Il est important de souligner que, si plusieurs de ces risques critiques concernent uniquement l’Europe du Sud pour l’instant, ceux-ci pourraient s’étendre à l’ensemble de l’Europe dès le milieu du siècle.
Plus grave encore, si aucune mesure décisive n’est prise aujourd’hui, la plupart de ces risques pourraient atteindre des niveaux critiques, voire catastrophiques d’ici la fin du siècle. Des centaines de milliers de personnes succomberaient sous l’effet des vagues de chaleur, et les pertes économiques dues aux seules inondations côtières pourraient dépasser les 1 000 milliards d’euros par an.
Ces constats rappellent que si nombre de pays du Sud subissent d’ores et déjà, et subiront à l’avenir, des risques climatiques existentiels, une région développée comme l’Europe ne sera pas épargnée. Ils démontrent une nouvelle fois l’urgence des efforts à mener, aussi bien en matière d’atténuation — pour limiter l’ampleur des aléas climatiques — que d’adaptation — pour réduire les risques pesant sur les systèmes humains et naturels.
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