Responsable du service Énergie Climat du Grand Lyon
Interview de Blandine Melay
Au terme d’un hiver à sonder les possibles d’une production locale d’énergie, en phase avec les impératifs d’une transition écologique et sociale, la Veille M3 vous propose de faire escale dans le bureau de Blandine Melay, responsable du service Énergie Climat au sein de la Métropole de Lyon.
Marges de manœuvres législatives et techniques, prise en compte des dynamiques citoyennes locales, évolutions nationales de l’architecture des réseaux : on fait le point pour mieux comprendre le rôle joué par les collectivités territoriales en tant qu’autorités organisatrices de la distribution d’énergie.
Une certaine forme de « décentralisation » de la production d’énergie semble être en cours de structuration. Quelle importance accorder à ce phénomène ?
Le développement des réseaux de chaleur urbains, vecteurs efficaces d’énergies locales et renouvelables, est un pilier incontournable de la politique de transition énergétique de la Métropole de Lyon
En effet, nous nous dirigeons donc vers un nouveau modèle, avec des moyens de production diversifiés et dispersés sur le territoire, et pas seulement le long des vallées fluviales et du littoral, comme c’est le cas actuellement pour le nucléaire et l’hydroélectricité. Le nouveau mix énergétique accordera une place beaucoup plus importante au solaire et à l’éolien, et le réseau devra s’adapter à l’arrivée massive de ces nouvelles sources intermittentes, pour assurer le transport de l’électricité depuis les sites de production jusqu’aux consommateurs, dans des conditions satisfaisantes.
Ces évolutions révèlent l’appétence des collectivités et des citoyens pour une maîtrise locale de la production d’énergie. Elles s’inscrivent dans les exercices de planification stratégique et de prospective établis à l’échelle nationale : « Futurs énergétiques 2050 » de RTE, gestionnaire du réseau de transport d'électricité, « Transition(s) 2050 » de l’Ademe, etc.
Les gestionnaires de réseau engagent des réflexions sur les transformations à mener pour intégrer les énergies renouvelables sur les réseaux de transport et de distribution d’énergie, avec l’impulsion des acteurs publics. Les collectivités urbaines mènent des politiques volontaires pour encourager la production d’électricité ou de chaleur renouvelable sur leur territoire, grâce à des ressources locales, en substitution des énergies fossiles. Ainsi, le développement des réseaux de chaleur urbains, vecteurs efficaces d’énergies locales et renouvelables, est un pilier incontournable de la politique de transition énergétique de la Métropole de Lyon. La collectivité travaille également à identifier des fonciers et toitures susceptibles d’accueillir des centrales solaires.
Une production énergétique totalement décentralisée impliquerait des systèmes quasi-autonomes régis par des villes, des quartiers ou des associations de citoyens via des boucles locales, avec des choix énergétiques faits localement. Toutefois, du fait de sa densité, une ville ou une métropole française peut difficilement produire l’ensemble de ses besoins en énergie sur son territoire, même en ayant maîtrisé fortement sa demande, et en trouvant des moyens de stockage. Une approche 100% énergies renouvelables implique donc de coopérer avec des territoires qui ont la capacité de produire davantage que ce qui est nécessaire à leur propre consommation.
Au niveau local, on voit de plus en plus se développer des projets d’autoproduction d’une énergie dite « citoyenne ». En matière de gestion du territoire, dans la relation avec les gestionnaires de réseaux notamment, comment composer avec cette tendance émergente ?
On s’oriente à présent vers un modèle plus décentralisé, avec des productions plus petites et plus proches des consommateurs
Il est important de prendre acte de ces initiatives citoyennes et de les soutenir, ce que fait la Métropole, par exemple, via la convention qu’elle a passé avec l’association CoopaWatt. On voit les citoyens se réapproprier la question énergétique : plutôt que d’être de « simples » consommateurs, ils deviennent acteurs de leur approvisionnement énergétique, avec une recherche de solutions locales et responsables, de manière comparable à ce qui se passe dans le secteur de l’alimentation, ou d’autres produits de consommation courante.
Depuis un an, les prix de l'énergie ont flambé et cela se voit sur la facture des ménages en fin de mois, malgré quelques amortisseurs actionnés par l’État, voire les collectivités. Cette envolée des prix a des causes diverses : la reprise économique mondiale post-Covid, les tensions géopolitique entre les pays consommateurs et les pays producteurs de pétrole et de gaz, la baisse de disponibilité des installations nucléaires françaises, etc. Toutefois, au-delà de cette situation conjoncturelle, la tendance structurelle est bel et bien à la hausse. Le Pacte vert européen vise la neutralité carbone du continent à 2050 : le prix du carbone, donc des sources fossiles, continuera à augmenter, et avec lui le prix final moyen de l’énergie.
Historiquement, la France a fait le choix de développer un système électrique centralisé, autour de grands moyens de production nucléaires, hydrauliques et thermiques. Le développement accéléré des énergies renouvelables depuis une décennie a entraîné une baisse de leurs coûts, et on s’oriente à présent vers un modèle plus décentralisé, avec des productions plus petites et plus proches des consommateurs, là où se situent les gisements éoliens et solaires, et parfois directement sur le toit de leur maison.
Il faut savoir que les prix de l’électricité ou du gaz découlent de l’empilement de plusieurs « briques » de coûts : une part acheminement (tarifs d’utilisation des réseaux publics de transport et distribution fixés par le régulateur), une part fiscalité, et enfin une part énergie, qui comprend les coûts d’approvisionnement, de commercialisation et la marge du fournisseur. Pour les consommateurs résidentiels, le prix de l’électricité se répartit approximativement en un tiers pour l’énergie, un tiers pour les taxes et un dernier tiers pour l’acheminement.
Pour un habitant du Grand Lyon aujourd’hui, est-ce simple de se dire « Je vais prendre ma part de production d’énergie », tant au niveau du prix du matériel que des compétences requises ?
Le marché des technologies solaires thermiques, qui permettent la production d’eau chaude sanitaire ou de chauffage, est en croissance
La Métropole de Lyon promeut l’émergence de projets citoyens d'énergie renouvelable sur son territoire, notamment en soutenant les acteurs de terrain agissant dans ce champ. Par exemple, l’association CoopaWatt intervient auprès des collectifs citoyens pour leur expliquer comment monter un projet technique, juridique et financier, et le suivre jusqu’à son émergence.
Il existe aujourd'hui sur le marché une offre de plus en plus abondante en matière d’installations de solaire photovoltaïque pour les particuliers. D’ailleurs, en France, les ventes de panneaux de petite puissance sont reparties à la hausse depuis 2017, les opérations en autoconsommation représentant près de 90 % des nouvelles réalisations. Le marché des technologies solaires thermiques, qui permettent la production d’eau chaude sanitaire ou de chauffage, est également en croissance. Un panneau solaire thermique est un système relativement simple, qui se compose d’une surface qui va capter le rayonnement solaire afin de chauffer un fluide caloporteur qui circule dans des tubes. C’est trèslow-tech !
Ces marchés existent donc, toutefois, la France reste à la traîne par rapport à ses voisins européens en matière de développement des énergies renouvelables, en partie du fait d’un prix des énergies conventionnelles relativement stable et attractif, mais aussi d’une problématique de confiance, liée à de nombreuses histoires d’escroqueries par des installateurs peu scrupuleux. Il y a donc un enjeu à mieux faire connaître les dispositifs d’aides existants, ainsi que les certifications de compétence des professionnels.
Un réseau plus maillé représente-t-il concrètement un usage beaucoup plus rationnalisé, où est-ce qu’il peut avoir une ambition équivalente à celle des infrastructures de production actuelles ?
Sans un virage indispensable vers une nécessaire sobriété, on ne saura pas trouver suffisamment d’espace pour installer nos mâts éoliens et nos centrales photovoltaïques, ni suffisamment de métaux pour les construire
Historiquement, le distributeur d’électricité a pour mission d’acheminer l’électricité en tous points du territoire, d’assurer la continuité de cette alimentation dans les meilleures conditions de qualité, de coût et de sécurité, et de raccorder tous les clients qui en font la demande. Avec le développement des productions décentralisées, émergent des projets de boucles énergétiques locales ou microgrids : des réseaux électriques de petite taille conçus pour alimenter un petit nombre de consommateurs, qui agrègent des productions locales et diffuses, des installations de stockage et des outils de pilotage de la demande en énergie. Ils peuvent être raccordés au réseau de distribution ou fonctionner déconnectés du réseau, en îlotage.
Ces projets visent à limiter le volume des pertes techniques et à réduire les investissements dans les réseaux de transport et de distribution, grâce à la proximité entre production et consommation permettant d’optimiser l’acheminement de l’énergie. Mais tout cela reste encore à inventer, tant d’un point de vue technique que juridique, puisque le cadre réglementaire actuel ne prévoit pas d’encadrement des microgrids et de leur impact sur la gestion des réseaux d’électricité.
Quoiqu’il en soit, pour répondre à l’urgence climatique, il faut que nous nous affranchissions très rapidement des énergies fossiles dont dépendent aujourd’hui notre économie et nos modes de vie. Quelles que soient les options prises en matière de système de production, centralisé, décentralisé ou plus certainement hybride, on ne saura pas tenir l’objectif d’un mix 100% décarboné sans une réduction massive de nos besoins énergétiques. Sur le territoire de la Métropole de Lyon, les consommations énergétiques ont d’ores et déjà diminué de 16% depuis 2000, alors que la population a augmenté de 15 % dans le même temps. On va dans le bon sens, mais pas à la bonne vitesse : il faudrait multiplier par 3 le rythme de la diminution des consommations pour tenir l’objectif de la neutralité carbone à 2050.
Il paraît hautement déraisonnable de penser le monde d’après avec les hypothèses du monde d’avant. Sans un virage indispensable vers une nécessaire sobriété, on ne saura pas trouver suffisamment d’espace pour installer nos mâts éoliens et nos centrales photovoltaïques, ni suffisamment de métaux pour les construire. Il n’y a pas de solution miracle…
Dans quel type de relation s’inscrit le dialogue entre la Métropole et les gestionnaires de réseaux ?
Encore aujourd’hui, les collectivités ont une connaissance lacunaire de ces infrastructures énergétiques, gérées par des opérateurs historiques
La Métropole de Lyon est autorité organisatrice de la distribution d’énergie (AODE). Elle est propriétaire des réseaux publics de distribution d’énergie, qu’elle concède à Enedis pour l’électricité et GRDF pour le gaz, ces opérateurs disposant de quasi-monopoles sur le territoire français, assortis de missions de service public. Le réseau de distribution est la partie du réseau qui dessert les consommateurs finaux, jusqu’au compteur. Il achemine l'énergie depuis le point d’interface avec le réseau de transport, géré par un autre opérateur.
Comme les autres AODE, la Métropole de Lyon signe des contrats de long terme avec Enedis et GRDF : le contrat gaz a été renouvelé en 2020 pour 15 ans, le contrat électricité devrait être renouvelé en 2022, pour une durée de 20 ans. Les activités des concessionnaires sont fortement encadrées par la réglementation. Notamment, les tarifs d’acheminement de l’électricité et du gaz sont fixés par la Commission de Régulation de l’Énergie, et sont les mêmes partout en France, dans une logique de solidarité nationale : c’est la péréquation tarifaire. Pour les AODE, il y a relativement peu de marge de manœuvre dans la mesure où les contrats de concession établis à l’échelle locale doivent s’inscrire dans un modèle national. Ils permettent de fixer des objectifs adaptés au contexte territorial, en matière de qualité d’alimentation des consommateurs (par exemple, durée moyenne annuelle de coupure par utilisateur du réseau), et de renouvellement des réseaux anciens les plus sensibles.
Pour ce qui est du réseau électrique, l’enjeu à court terme pour la collectivité, c’est de pouvoir accueillir de nouvelles productions d’énergies renouvelables, mais aussi de nouveaux usages, puisque l’électrification est un des leviers de décarbonation du mix énergétique national. Prenons l’exemple du développement de la mobilité électrique : elle a l’avantage d’être moins émissive en gaz à effet de serre qui contribuent au dérèglement climatique, et d’émettre moins de polluants atmosphériques qui impactent la santé des habitants. Comment le réseau électrique existant va-t-il intégrer ce nouvel usage ? Soit on redimensionne le réseau, on l’augmente, soit on trouve des marges de manœuvre pour réduire les coûts de renforcement, en réduisant les consommations, grâce aux leviers de la flexibilité et de la sobriété.
Encore aujourd’hui, les collectivités ont une connaissance lacunaire de ces infrastructures énergétiques, gérées par des opérateurs historiques, qui exercent leurs missions de service public à l’échelle nationale. Ceci peut être pénalisant quand il s’agit de planifier l’évolution des consommations et des productions énergétiques d’un territoire, sur le long terme. Toutefois, on progresse pas à pas, notamment dans le cadre d’expérimentations, sur des périmètres restreints. Deux exemples récents : depuis septembre 2021, la Métropole de Lyon travaille avec Enedis sur le quartier d’affaires de la Part-Dieu, où 11 centrales de mesure ont été installées sur le réseau électrique public. Elles vont permettre de récupérer la tension, l’intensité, la puissance et la consommation énergétique à un pas de 10 minutes, et ainsi de mieux comprendre les sollicitations du réseau électrique en temps réel. Il s’agira également d’évaluer les impacts potentiels du projet Lyon Part-Dieu (projets de rénovation ou de construction de nouveaux bâtiments, de développement du chauffage et du froid urbain…), en termes d’évolution des usages électriques. Les données collectées devront alors permettre d’identifier les leviers pour réduire les consommations et limiter les coûts de renforcement du réseau pour la collectivité.
L’autre exemple est un projet d’autoconsommation collective à l’échelle de cinq bâtiments dans le quartier Confluence à Lyon, nommé Ydeal Confluence. L’opération est montée conjointement par la SPL Confluence et le promoteur Ogic, et portée en partenariat avec EDF. La production d’électricité renouvelable assurée par 1 000 m² de panneaux solaires photovoltaïques en toiture des bâtiments, est mutualisée à l’échelle de l’îlot. Une partie de l’énergie produite est stockée dans des batteries et restituée le soir. Grâce au dispositif d’autoconsommation collective et de mutualisation énergétique, 50% des besoins en énergie des bâtiments sont couverts par l'énergie solaire produite sur place, ce qui est considérable, dans un contexte urbain dense. Enedis a travaillé avec les acteurs du projet pour définir une « clé de répartition », c’est-à-dire la part de l’électricité produite qui est allouée à chacun des consommateurs, et qui vient se déduire de sa facture énergétique. Depuis 2019, les petits producteurs d’énergie photovoltaïque en autoconsommation individuelle sont exonérés d’une partie des taxes et du Tarif d’Utilisation des Réseaux Publics d’Électricité (TURPE) : en effet, l'électricité autoconsommée ne transite pas par le réseau public. Pour l’instant, il n’existe malheureusement pas de TURPE spécifique à l’autoconsommation collective, dont pourrait bénéficier les ménages et les professionnels de l’ilot Ydeal Confluence, et qui permettrait de rendre ces projets plus attractifs, d’un point de vue économique.
Peut-on envisager une sobriété « heureuse », confortable, ou devra-t-on passer par la contrainte, la restriction ?
D’ores et déjà, des mouvements de société favorisent le recyclage, le réemploi, le ré-usage, et même la dé-consommation
On est encore loin de l’austérité. Les solutions pour faire baisser de manière importante les consommations des organisations et des ménages sont d’ores et déjà bien connues. Elles nécessitent de s’organiser collectivement pour les mettre en œuvre, mais il n’y a pas de verrou technologique. Le principal gisement d’économies, c’est la rénovation thermique des bâtiments anciens, qui nécessite d’engager des travaux lourds et coûteux. Pour les logements, ces travaux sont soutenus de manière importante par l’État, et par les collectivités locales, chez nous avec le dispositif Écoreno’v. Les gisements d’économie pour ce type de travaux vont jusqu’à 60% de réduction de consommation d’énergie, pour les « passoires thermiques ». Dans le secteur tertiaire, on peut agir sur la performance énergétique des enveloppes bâties et sur l’efficacité énergétique des équipements, mais aussi via un meilleur pilotage des installations, dans une logique de sobriété. De nombreuses organisations publiques ou privées s’organisent pour recruter des « économes de flux » ou « energy manager », un nouveau métier émergeant ! Leur mission est de faire « la chasse au gaspi », de pister les moindres gisements d’économie, pour réduire les factures d’eau et d’énergie. On peut parler de 30 à 60% d’économie pour des bâtiments rénovés et bien gérés.
Ensuite se pose la question des consommations d’énergie « importées », celles qui sont nécessaires à produire notre alimentation, nos vêtements, nos appareils électroniques, à organiser nos loisirs, etc.. Ces consommations, qui révèlent l’empreinte de nos modes de vie, plus ou moins importante selon les individus, n’apparaît pas sur nos compteurs d’énergie, mais recèlent pourtant des « gisements de sobriété » considérables. Des études récentes de l’Ademe montrent que les dépenses des ménages français sont marquées par une consommation toujours plus importante de biens, notamment dans le domaine du logement et de ses équipements (meubles et électroménagers), de la communication (technologies de l’information et de la communication) du textile et des loisirs, comme les équipements sportifs. 2,5 tonnes d’objets en moyenne sont accumulés dans les logements, soit 45 tonnes de matières mobilisées pour les fabriquer. Entre 54 et 110 millions de smartphones « dorment » dans nos tiroirs. Les Français pensent posséder 34 appareils électriques et électroniques par foyer. Ils en possèdent en réalité 99 en moyenne dont 6 jamais utilisés.
D’ores et déjà, des mouvements de société favorisent le recyclage, le réemploi, le ré-usage, et même la dé-consommation. Il y a sans doute là quelque chose qui va venir infléchir notre modèle énergétique, mais qu’il est difficile de le quantifier et de le prévoir. La Métropole de Lyon soutient des acteurs associatifs qui agissent auprès des citoyens pour provoquer des prises de conscience, accompagner les évolutions de mode de vie, et accompagner les personnes qui souhaitent mener des actions de proximité en faveur de la transition écologique, comme Anciela, The Greener Good, le réseau Feve, etc.
Les énergies renouvelable, le vent, le solaire, posent la question de leur disponibilité. Comment prendre en compte ces limites et éventuellement les opportunités posées par ces disponibilités différentes ? Devra-t-on éventuellement stocker d’éventuels surplus pour lisser la disponibilité de l’énergie ?
À l’avenir, faire fonctionner un système électrique reposant en grande partie sur les énergies renouvelables variables nécessitera le développement des « flexibilités »
L’électricité est un vecteur très pratique pour le transport de l’énergie, mais difficile à stocker sous sa forme propre. Elle est donc généralement transformée pour être stockée sous une autre forme : énergie mécanique, thermique ou chimique par exemple. Mais de manière très concrète, la question du stockage ne se pose pas encore sur le territoire grand lyonnais, puisque notre volume de consommation est sans commune mesure avec la production locale d’énergie renouvelable.
À l’échelle nationale, les possibilités de stockage de l’électricité sont limitées. En conséquence, ce qui est produit doit être consommé instantanément. Maintenir l’équilibre permanent entre l’électricité produite et ce que les Français consomment est le métier de RTE, gestionnaire du réseau de transport. Cela suppose de surveiller en permanence le réseau, de maîtriser les flux entre les régions et avec nos voisins européens, et d’anticiper les évolutions de la consommation électrique à court, moyen et long termes. L'interconnexion des réseaux électriques européens permet de sécuriser l’approvisionnement en électricité à l’échelle du continent, mais aussi de contrebalancer l'intermittence des énergies renouvelables.
À l’avenir, faire fonctionner un système électrique reposant en grande partie sur les énergies renouvelables variables nécessitera le développement des « flexibilités » : gestion intelligente de la demande en électricité dans les bâtiments et les transports, développement du stockage hydraulique (STEP) et par batteries, et renforcement des interconnexions entre la France et ses voisins. Ces différentes pistes sont à l’étude et font l’objet d’expérimentations pilotées par les gestionnaires de réseau. À titre d’exemple, le potentiel de flexibilité, voire de stockage des véhicules électriques, suscite beaucoup d’intérêt : on pourrait imaginer que demain, lorsque la production solaire est forte, les batteries des véhicules à l’arrêt stockent l’électricité renouvelable excédentaire, pour la restituer ensuite au réseau. À plus long terme, l’hydrogène pourrait contribuer à l’équilibre du système électrique en apportant une solution de stockage et déstockage, malgré son faible rendement énergétique (entre 25% et 35% selon les technologies actuelles).
Est-ce que les transformations culturelles que pourrait impliquer cette intermittence sont déjà étudiées ?
Dans le cadre du projet Nice Grid coordonné par Enedis, un système d’heures creuses solaires (entre 12 heures et 16 heures en été) a été testé à l’échelle d’un quartier intégrant une part importante de production photovoltaïque locale. Sur ces plages, étaient proposés des tarifs attractifs ou un déclenchement à distance du chauffe-eau des clients volontaires.
D’un point de vue culturel, cela induirait un certain changement de pratiques, mais cela fait partie des options réalistes pour optimiser l’usage de la ressource solaire, et éviter des investissements dans des moyens de stockage superflus.
Là encore, l’échelle locale correspond à celle de la météo. Le cadre tarifaire, réglementaire, est beaucoup plus pertinent s’il est pensé avec la plus grande subsidiarité possible donc ?
Les règlementations et les normes évoluent au gré des expérimentations faites sur les territoires
Il est vrai qu’un tel système nécessite une action coordonnée à tous les niveaux, du consommateur au gestionnaire de réseau, en passant par le producteur d’énergie. Il requiert un consommateur impliqué, qui agit sur ses consommations, voire sur sa production énergétique.
La réglementation évolue petit à petit pour faire exister les « communautés énergétiques citoyennes » d’un point de vue juridique. Cette notion nouvelle est issue du droit européen. Une communauté énergétique citoyenne peut produire, consommer, stocker et vendre de l’énergie renouvelable, ce qui n’était pas possible avant. Elle peut également fournir à ses membres ou actionnaires d’autres services énergétiques en matière d’efficacité énergétique, ou encore de recharge pour les véhicules électriques.
Les règlementations et les normes évoluent au gré des expérimentations faites sur les territoires. On teste des nouveaux dispositifs sur des périmètres réduits, qui se diffusent ensuite à plus grande échelle si elles parviennent à démontrer leur pertinence. C’est un mode de faire assez commun, entre les collectivités et les gestionnaires de réseaux.
Aujourd’hui, la modification des paysages induite par les technologies disponibles peut irriter les habitants. Comment prenez-vous en compte cette dimension dans votre réflexion ?
En complément des projets en toiture, de « petite puissance », il faudra également chercher des puissances plus importantes si l’on veut tenir les objectifs
C’est un vrai sujet. Pour tenir les objectifs de décarbonation du mix énergétique d’ici 2050, une massification du développement des énergies renouvelables est incontournable, que notre système électrique soit 100% renouvelable ou composé durablement de renouvelables et de réacteurs nucléaires fonctionnant de concert. L’éolien et le solaire photovoltaïque y joueront un rôle majeur. D’après les dernières annonces gouvernementales, il s’agira à minima de multiplier par dix la puissance installée pour la production d’énergie solaire photovoltaïque, de doubler le parc éolien terrestre, et de créer 50 nouveaux parcs offshore, dans l’hypothèse de la relance d’un programme nucléaire français…
Le propre de ces énergies, celle du soleil, celle du vent, c’est qu’elles sont diffuses : pour produire la même quantité d’énergie qu’avec un baril de pétrole ou quelques grammes d’uranium, il faut des surfaces beaucoup plus importantes, pour une énergie beaucoup moins concentrée. Tout cela a donc un impact sur le paysage. Nous travaillons actuellement à une stratégie de développement du photovoltaïque sur le territoire, en cohérence avec la feuille de route de l’exécutif métropolitain, pour quadrupler la puissance de solaire photovoltaïque installée sur le territoire d’ici à 2030, et la porter à 250 MW. Elle s’appuie sur différents axes de travail : en premier lieu, l’équipement des toitures des bâtiments publics, et l’appui aux initiatives des porteurs de projets, citoyens ou professionnels, pour la solarisation des toitures privées (logements, bureaux, commerces, etc.). Ces toitures doivent être bien exposées, en bon état, suffisamment solides, etc. On ne pourra pas mettre de panneaux partout, pour autant, cela changera déjà un peu le paysage urbain.
En complément des projets en toiture, de « petite puissance », il faudra également chercher des puissances plus importantes si l’on veut tenir les objectifs. Nous ciblons en priorité des fonciers artificialisés et dégradés, pour lesquels il n’y a pas de concurrence d’usage, et peu d’enjeu en matière de préservation de la biodiversité : des anciennes décharges, des parkings, par exemple. Ce qui n’est pas simple sur un territoire très attractif comme celui de la Métropole de Lyon, où les élus portent également des politiques publiques volontaires en matière de renaturation de la ville. Même si ces projets n’en sont qu’à leurs débuts, on voit déjà qu’ils portent à débat.
Le cadre législatif vous laisse-t-il une certaine forme d’agilité dans vos stratégies ?
Nous devrons conjuguer l’ensemble des outils à notre disposition pour massifier le développement des énergies renouvelables, de manière raisonnée et concertée : le Schéma de cohérence territoriale (SCoT) qui doit être révisé prochainement, le Plan Local d'Urbanisme et de l'Habitat qui fait l’objet de modifications régulières, le référentiel Habitat Durable, outil métropolitain qui définit des exigences en matière de performance environnementale que les projets de construction neuve doivent satisfaire, etc.
Il s’agirait là de travailler à une planification de détail appuyée sur des outils cartographiques, et d’adapter le cadre réglementaire local pour systématiser la réalisation de « toitures productives », dans les opérations de constructions neuves ou de rénovations : installations de panneaux solaires photovoltaïques ou thermiques pour les toitures bien exposées, végétalisation ailleurs, etc. À l’échelle nationale, les réglementations vont déjà dans ce sens-là, en rendant obligatoire la solarisation ou la végétalisation des bâtiments neufs de grande taille, hébergeant des bureaux ou des commerces.
Pour rester informé des évolutions de la politique du Grand Lyon en matière d’énergie, rendez-vous sur le blog du Plan Climat Air Énergie.
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