Expert économies locales au sein du cabinet Utopies
Face à la hausse de la sinistralité engendrée par le changement climatique ces dernières décennies, et plus encore au regard de celle à anticiper, la pérennité du système assurantiel national suscite une préoccupation croissante, en particulier concernant le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles, dit « Cat-Nat ».
L’étude publiée en 2023 par l’agence sinonvirgule, avec le soutien de la MACIF, de la MAIF et de la Caisse des Dépôts, propose quant à elle un autre regard plus prospectif, en explorant la question suivante : peut-on assurer un monde qui s’effondre ?
Un régime assurantiel sous la pression de l’inflation et la menace du désengagement de ses principaux acteurs
Pour comprendre les enjeux de l’assurabilité du risque climatique, il est important de rappeler que le régime Cat-Nat mis en place en 1982 sous l’égide de la Caisse centrale de Réassurance repose sur une extension de garantie obligatoire pour tous les contrats d’assurance de dommages aux biens (multirisque habitation, multirisque automobile, local professionnel…). Cette garantie donne lieu au paiement d’une surprime identique sur l’ensemble du territoire permettant de financer le régime.
Bien que technique dans son contenu, le rapport ministériel défend sans détour « la conviction que la mutualisation entre tous les assurés des périls climatiques couverts par le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles constitue un modèle très protecteur — et donc précieux — pour garantir une couverture assurantielle large, y compris dans les zones les plus exposées aux périls climatiques », et alerte sur la double menace pesant sur lui.
La première est celle de son déséquilibre comptable structurel. Le rapport estime à 1,3 milliard d’euros par an les besoins financiers additionnels nécessaires pour permettre le rééquilibrage du régime, sans même tenir compte des effets futurs du changement climatique sur la hausse de la sinistralité.
L’autre menace renvoie aux conséquences sur l’ensemble du système assurantiel français du désengagement de certains assureurs de zones très exposées. Cette tendance entraîne en effet un alourdissement de la charge des sinistres sur les autres assureurs encore présents dans ces zones.
Elle permet également aux premiers de réduire leurs tarifs sur les territoires moins exposés et d’y gagner des parts de marché au détriment des seconds, avec à la clé un risque d’inassurabilité pour de nombreux ménages, collectivités et entreprises.
Dans ce contexte, le statu quo apparaît intenable et le régime Cat-Nat est appelé à s’adapter lui aussi à l’amplification du changement climatique.
Adapter le système assurantiel pour le pérenniser : financement, péréquation, prévention
Face aux besoins de financement du régime à court et long termes, le rapport préconise de rehausser sans délai la surprime Cat-Nat prélevée chaque année sur les contrats d’assurance, et de l’indexer sur l’évolution future des sinistres.
Enrayer le désengagement des assureurs implique ensuite de niveler les écarts de rentabilité des contrats d’assurance entre territoires, en modulant le taux de prélèvement de la surprime Cat-Nat : nulle ou faible sur les zones très exposées, mais majorée dans les zones à moindre risque.
Le rapport rappelle également que la maîtrise du coût des dommages climatiques passe par leur prévention, ce qui met en lumière une limite du régime Cat-Nat actuel, peu évoquée dans le débat public, à savoir le fait qu’il n’encourage pas les assurés à engager des actions d’adaptation pour réduire leur exposition et/ou leur vulnérabilité aux aléas climatiques.
Investir de manière proactive pour lutter contre les inondations, les cyclones ou le retrait-gonflement des argiles (RGA) ne donne accès en effet à aucune réduction de prime d’assurance.
C’est la raison pour laquelle le système assurantiel est appelé à contribuer plus fortement aux efforts d’adaptation au changement climatique à travers notamment les mesures suivantes :
Sensibilisation des assurés, des élus, des experts de l’immobilier et du bâtiment aux risques naturels et à la prévention ;
Renforcement des obligations de travaux de prévention avant sinistre pour les résidences secondaires, les biens à usage locatif et les biens professionnels à forte valeur assurée ;
Création d’un fonds et d’un guichet de financement dédiés du type MaPrimeRénov’ ;
Renforcement de l’indemnisation assurantielle, afin de faciliter la relocalisation des assurés sinistrés le désirant.
Toutefois, la réussite de ces mesures dépend, selon les auteurs, de la définition d’un catalogue d’actions d’adaptation appropriées au contexte français. Or, comme souligné dans un précédent billet sur le coût de l’adaptation, ce principe de catalogue se heurte à la spécificité des contextes locaux, au manque de connaissances et de retours d’expérience, mais aussi aux points de vue divergents entre acteurs sur les actions à privilégier, comme le montre la question de l’eau.
Un questionnement plus existentiel sur l’avenir du système assurantiel
L’étude de sinonvirgule soulève des interrogations plus profondes encore sur les aléas climatiques futurs et la possibilité pour le système assurantiel de poursuivre sa mission, en particulier face à :
Des risques qui deviennent incalculables puisque les données passées, qui constituent la base de l’actuariat, sont de moins en moins pertinentes pour prévoir les risques futurs. Nous entrons dans un nouveau régime climatique caractérisé par des aléas de plus en plus fréquents, extrêmes et combinés, dont les évolutions sont de moins en moins linéaires. Dans ce contexte d’incertitude croissante, comment prédire la probabilité d’un sinistre et son coût, afin de pouvoir le répartir sur la communauté d’assurés ?
Des coûts qui deviennent insupportables en raison de l’effet croisé de l’augmentation simultanée des dommages et de la valeur des biens assurés. La question de la soutenabilité des coûts se pose aussi du point de vue de leur mutualisation. Comment maintenir l’adhésion au principe d’une péréquation entre assurés peu et fortement exposés, dès lors que leurs profils de risques individuels sont de mieux en mieux évalués par les assureurs ?
Elle souligne également un paradoxe : en assurant des activités fortement émettrices de gaz à effet de serre, les compagnies d’assurance contribuent elles-mêmes à maintenir le système économique à l’origine de la catastrophe climatique… qui alourdit la charge des sinistres. C’est également le cas lorsque les cotisations d’assurance collectées sont investies dans ces mêmes activités climaticides.
Vers une synergie des actions d’adaptation individuelles et territoriales ?
À l’évidence, la pérennité du régime Cat-Nat ne saurait reposer sur le seul effort des assurés, que ce soit au niveau des cotisations d’assurance ou des investissements de prévention. À la fois parce que tous n’ont pas les capacités financières suffisantes et parce que l’adaptation n’est pas qu’une affaire de responsabilité individuelle.
L’exposition et la vulnérabilité de chaque assuré dépendent aussi de multiples choix réalisés par bien d’autres parties prenantes, telles que le législateur, les collectivités territoriales en matière d’aménagement et d’urbanisme, les promoteurs immobiliers concernant les caractéristiques des logements, ou encore les agriculteurs s’agissant de leur système de production.
Dans ce contexte, les collectivités locales, à l’instar d’autres assurés, ont sans doute un rôle à jouer dans la défense du modèle universel et mutualiste du régime Cat-Nat ainsi que pour le maintien de la présence des assureurs dans tous les territoires. Mais cela implique aussi pour elles de faire tout leur possible pour prévenir la hausse des sinistres et de leur coût.
C’est toute la question de la capacité des stratégies territoriales d’adaptation à faciliter et mettre en synergie les actions individuelles et collectives. Les initiatives prises par chaque partie prenante ne sont possibles que si elles trouvent des conditions favorables localement. Mais le bénéfice collectif de ces actions dépend aussi de leur mise en cohérence à l’échelle territoriale. À l’aune de ces responsabilités partagées, les exécutifs locaux peuvent-ils faciliter l’émergence de consensus, autour de réalités communes et d’intérêts convergents ?
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