Le principe pollueur-payeur : un levier contre la pollution de l’eau ?

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Pollueur-payeur : un outil efficace contre la pollution de l’eau et les micropolluants ?
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Pour répondre aux besoins de sa population, la France a développé aux 19ème et 20ème siècles un réseau d’adduction d’eau potable qui représente aujourd’hui près d’un million de kilomètres de canalisations, et qui permet d’apporter une eau potable à la quasi-totalité de la population.
Dans le même temps, un réseau tout aussi impressionnant a été créé afin de collecter les eaux usées, dans une optique avant tout hygiéniste : il s’agissait d’évacuer les eaux souillées en dehors des lieux de vie.
Dans la seconde moitié du vingtième siècle, il est apparu qu’évacuer les eaux usées ne suffisait pas. Les dégâts causés par ces rejets dans les milieux naturels ont alors commencé à interpeller l’opinion publique. C’est à cette époque que le traitement des eaux usées va se généraliser sur l’ensemble du territoire. L’installation d’environ 20 000 stations de traitement au cours des dernières décennies a permis d’améliorer la situation et de boucler ce que les spécialistes appellent aujourd’hui le « petit cycle de l’eau ».
Pour limiter la pollution, les acteurs de ce petit cycle de l’eau disposent de différents moyens. La prévention de la pollution est une première manière d’agir — par exemple en protégeant les zones de captage d’eau potable. D’autres solutions, plus curatives, consistent à traiter ou dépolluer les eaux — par exemple en potabilisant l’eau captée, lorsque celle-ci n’est pas naturellement propre à la consommation ; ou encore, à l’autre bout du cycle, en traitant les eaux usées avant de les restituer aux milieux naturels.
Ces solutions ont montré leur efficacité par le passé pour faire face aux pollutions traditionnelles, qu’on appelle parfois les macropolluants. Mais elles sont aujourd’hui questionnés par la diffusion de plus en plus importante dans notre environnement de nouveaux éléments : les micropolluants.
Un micropolluant est une substance naturelle ou, le plus souvent, synthétique — et donc d’origine humaine. Même s’il n’existe pas de définition consensuelle des micropolluants, il est admis que leur principale caractéristique est qu’ils ont des effets toxicologiques importants, même lorsqu’ils sont présents en concentration très faible dans l’environnement. Souvent, les micropolluants sont également persistants, ce qui signifie qu’ils ne sont pas biodégradables et qu’ils s’accumulent dans l’environnement, et parfois même dans les organismes vivants tout au long de la chaîne alimentaire… jusqu’à l’homme.
Plus de 100 000 substances chimiques sont aujourd’hui recensées en Europe, et plusieurs centaines de nouvelles sont mises sur le marché chaque année. Parmi elles, seule une fraction fait l’objet d’un suivi régulier dans les eaux françaises. À cause de leur grand nombre et de leur diversité, il est donc très difficile d’établir une liste précise et exhaustive des micropolluants.
On peut toutefois les classer en différentes catégories, en fonction par exemple :
Ces catégories ne sont pas exclusives : un micropolluant organique peut par exemple tout à la fois être un biocide et un perturbateur endocrinien.
Les sources de micropolluants dans l’eau sont extrêmement nombreuses.
En milieu rural et péri-urbain, l’agriculture intensive est une source importante de pollution, du fait de l’utilisation de pesticides, d’engrais et d’antibiotiques chargés en molécules problématiques, qui sont lessivées par les eaux de pluie et vont ensuite migrer dans les milieux naturels et les nappes phréatiques.
Mais en réalité, les sources de pollution sont bien plus diversifiées, notamment en milieu urbain où ces molécules sont omniprésentes. En ville, les sources de pollution par les micropolluants peuvent ainsi être liées :
Comme on le constate, selon les cas, ces polluants peuvent être véhiculés par les eaux pluviales ou par les eaux usées.
Les effets des micropolluants sur la santé et l’environnement sont nombreux, complexes et préoccupants (voir l’article sur les effets des micropolluants). Malheureusement, du fait de leur diversité, de leurs effets à faibles doses et de leur omniprésence dans notre environnement, ces substances sont particulièrement difficiles à éliminer.
Lorsque les micropolluants sont recueillis dans les systèmes de collecte des eaux usées, ils sont acheminés vers des stations de traitement. Les procédés d’épuration ont toutefois été conçus pour traiter des macropolluants, et s’avèrent peu efficaces face à certains micropolluants. Les pesticides et les médicaments sont par exemple très mal éliminés par les techniques conventionnelles. Il faudrait alors faire appel à des procédés complémentaires, plus coûteux et énergivores, et qui ne parviennent pas toujours à un niveau de traitement satisfaisant (voir l’article sur les techniques de traitement des micropolluants).
Par ailleurs, la plupart des micropolluants qui sont véhiculés par les eaux de pluie ne sont pas acheminés dans des stations de traitement. Or, plus le ruissellement de l’eau de pluie en surface est important, et plus cette eau a tendance à se charger en micropolluants. Ce constat invite à changer d’approche pour privilégier l’infiltration de l’eau directement dans les sols partout où cela est possible, en rendant les milieux urbains plus perméables qu’ils ne le sont aujourd’hui. C’est par exemple l’objet de la stratégie ville perméable de la Métropole de Lyon.
Enfin, quelles que soient les techniques utilisées, de nombreux micropolluants très mobiles comme les résidus de médicaments et les pesticides s’avèrent presque impossibles à maîtriser et rejoignent donc les milieux naturels. D’autres polluants plus lourds, comme les métaux, sont piégés dans les boues ou les sous-produits des stations de traitement, ce qui rend leur valorisation problématique voire impossible.
Dans tous les cas, cette absence de traitement pose un problème de report de pollution, puisque les micropolluants continuent de circuler, au gré du cycle de l’eau. Ils obligent alors les territoires situés en aval à faire face, à leur tour, à cette pollution.
Mises bout à bout, ces limites du système curatif obligent à changer d’approche et à privilégier les actions préventives pour limiter la présence des micropolluants dans notre environnement : choisir des matériaux moins polluants, changer les pratiques des professionnels (agriculteurs, industriels, collectivités, acteurs de la santé), mais aussi informer les particuliers pour les inciter à changer de comportement et réduire l’usage de produits problématiques.
Autrement dit : prévenir plutôt que guérir !
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