Dans un ouvrage sur le lien entre ville, urbanisme et santé [1], j’aborde cette question en distinguant trois périodes : la révolution pasteurienne, la révolution freudienne et enfin la révolution environnementale. Je suis parti du constat que la crise sanitaire a joué un rôle fondamental dans la création même de l’urbanisme. Face aux grandes crises épidémiques du 19ème siècle telles le choléra, la médecine de l’époque était incapable d’agir efficacement. Cela a amené à recourir à l’urbanisme et à la gestion de l’espace : c’est à dire l’environnement. C’est à ce moment qu’on invente l’urbanisme d’assainissement, avec des figures comme Haussmann. Et même si on avait à l’époque une vision assez erronée de l’origine et des vecteurs des maladies (on pensait que c’étaient les miasmes dans l’air qui étaient à l’origine de ces épidémies) l’urbanisme a toutefois obtenu des résultats concluants, avec par exemple la disparition du choléra. Ensuite, au début du 20ème siècle, l’origine des maladies infectieuses est découverte avec la révolution pasteurienne, à une époque où on est encore démuni de moyens thérapeutiques puisque les médicaments et les vaccins n’apparaîtront que dans les décennies suivantes. Là encore, l’urbanisme moderne va donc faire appel de manière plus radicale encore à l’hygiénisme, en bouleversant les formes anciennes et en proposant cet urbanisme moderne qui est aujourd’hui très contesté. Il s’agissait à cette époque, comme le disait Le Corbusier, de rétablir les conditions de nature dans la ville : résoudre les problèmes de santé par le soleil, l’air, la lumière, et lutter contre ce fléau dominant de l’époque qu’était la tuberculose. Les textes des urbanistes de cette époque, comme la Charte d’Athènes, font clairement apparaître la crainte de la tuberculose, qu’on appelait alors la peste blanche et qu’on comprenait encore mal – on ne disposait d’ailleurs que d’un seul remède contre elle : le sanatorium, qui est également un moyen de soigner par l’environnement. Les débuts de l’urbanisme sont donc marqués par des relations assez étroites entre la médecine et l’urbanisme.
[1] Lévy A. (dir.), 2012. Ville, urbanisme et santé, Editions Pascal, Paris.