Dans le champ de la sociologie, les mobilités sociales sont enregistrées par les statistiques à partir de l'âge de 40 ans (tables de mobilité de l’Insee), parce qu'on estime qu'à partir de là, les positions sont stabilisées. Mais du coup, tout ce qui se passe avant, les mobilités sociales heurtées, à demi réussies, ratées, reportées, tout ce qui permet d'atteindre une position, passe inaperçu [1]. Il me semblait important de saisir la dynamique des mobilités sociales en train de se faire, et d'apporter aussi un prolongement au modèle de Pierre Bourdieu sur l'espace social, qui cartographie une structure sociale relationnelle (celle de la culture, celle de l’enseignement supérieur…) à un moment donné, avec des positions, des dispositions, des capitaux, répartis entre des groupes objectivement hiérarchisés, comme on le voit par exemple dans La Distinction. Le film, ici, consiste à montrer justement comment on tente de se déplacer dans cette cartographie, par quels moyens, avec quels espoirs et quels résultats, quels soutiens et quels obstacles, bref à regarder les traversées, courtes ou longues, qui s’effectuent dans cet espace social [2]. Pour ce faire, la dynamique temporelle et biographique est la plus adaptée. En suivant les mêmes enquêtés pendant cinq ans, entre leur entrée dans une prépa jusqu’à leur premier travail, j’ai voulu apporter ma (petite) pierre à un édifice théorique qui est toujours très stimulant, contrairement à une idée reçue
[1] Voir l’article de Paul Pasquali avec Stéphane Beaud : « Ascenseur ou descenseur social ? Apports et limites des enquêtes de mobilité sociale », Cahiers Français, n°383, La Documentation française, 2014.
[2] Voir l’article de Paul Pasquali avec Julie Pagis : « Observer les mobilités sociales en train de se faire », Politix. Revue des sciences sociales du politique, n°114, 2016.