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Ariella Rothberg, psychologue clinicienne : « La différence culturelle est un impensé, alors qu’elle doit être pensée et travaillée pour devenir une évidence »

Interview de Ariella Rothberg

psychologue clinicienne et anthropologue

Ariella Rothberg est psychologue clinicienne et anthropologue, spécialisée dans la pédagogie de l’interculturel. 

Elle est l’auteure d’une thèse de doctorat en ethnologie à l’École des Hautes Études en Sciences sociales (EHESS) sur « le rôle et la fonction du hammam en milieux urbain et rural marocains ».

Ariella Rothberg a été formée à la méthode des chocs culturels, ou des incidents critiques, par l’interculturaliste française Margalit Cohen-Emerique, pionnière sur ces questions en France et dans les pays francophones.

Aujourd’hui, elle développe cette méthode dans ses interventions en formation continue, auprès de professionnels dans différents secteurs : social et médico-social, santé, bailleurs sociaux, accueil des réfugiés ou encore animation socioculturelle.

Date : 01/01/2024

Les enquêtes s’intéressant à la qualité des relations avec les usagers dans les services publics de la santé, du social et du médico-social montrent qu’un certain nombre de situations conflictuelles mettent en jeu des interprétations erronées du comportement des parties en présence. Par exemple, les professionnels évoquent régulièrement avoir ressenti comme une tentative d’intimidation le fait que plusieurs membres de la famille viennent à un entretien individuel ou aux urgences. À l’inverse, certains usagers peuvent être heurtés par des comportements ou propos de professionnels. Face à ces situations, la dimension interculturelle est très rarement évoquée en tant que piste de compréhension des tensions, et encore plus rarement comme un outil de prévention, d’amélioration de la qualité du service.

La différence culturelle est clairement un impensé, alors qu’elle doit être pensée et travaillée pour devenir une évidence

Effectivement, nous sommes face à un paradoxe : des personnes du monde entier ont migré sur notre sol, faisant de la France l’un des pays les plus interculturels d’Europe et pourtant, nous fonctionnons encore dans beaucoup de pans de notre société comme si nous avions une culture homogène, unique. Aucun des professionnels de terrain avec lesquels j’ai travaillé n’a eu dans leur formation initiale de formation à l’interculturel. Ils sont démunis dans de nombreuses situations de rencontre avec un « autre » différent.

Lors de ses interventions au début des années 80, Margalit Cohen-Emerique a dressé un constat similaire à celui que, malheureusement, je ferai 20 ans plus tard : les professionnels de terrain peinent à comprendre leurs publics. N’étant pas dotés d’outils leur permettant d’analyser le comportement de l’autre, ils ne peuvent le « comprendre » autrement qu’au travers de leurs propres valeurs, stéréotypes et connaissances générales. En la matière, nous avons un retard de 50 ans !

La différence culturelle est clairement un impensé, alors qu’elle doit être pensée et travaillée pour devenir une évidence. J’aime à rappeler les propos de l’anthropologue Françoise Héritier : « Si l’école enseigne à nos enfants selon quelle loi d’agencement fonctionne l’univers, la matière, la vie, elle ne leur dit rien sur le fonctionnement des sociétés humaines ».

Sensibiliser à la différence n’empêcherait pas des incompréhensions, mais éviterait non seulement d’être surpris de découvrir que l’autre peut être tellement différent de soi, mais aussi de le comprendre au travers de ses propres codes, valeurs.

Cet impensé conduit-il chacun à considérer comme une évidence ses comportements et sa vision du monde, alors qu’en réalité ils s’enracinent toujours dans une culture singulière ?

Manger avec les doigts assis par terre peut être un choc tout autant qu’à table avec une fourchette

Chacun porte un fantasme d’universalité de sa propre culture : tout le monde sait, théoriquement, qu’il y existe des différences culturelles, mais cela reste dans la tête, ce n’est pas « pensé » dans les tripes. Ce fantasme d’universalité se rencontre dans toutes les cultures, mais il est d’autant plus fort dans les pays colonisateurs ayant exporté leur culture et leur langue dans le monde entier. Vivre cette différence peut alors être très déconcertant.

Prenez la cuisine. Toutes les cuisines du monde étant proposées dans les restaurants, chacun sait qu’il y a des différences. Pourtant, si deux familles de cultures différentes s’invitent à manger chez elles, la surprise peut être forte si elles n’ont pas réfléchi à leur rapport respectif à la convivialité, à la pratique du repas, à la nourriture, au goût, etc.

Manger avec les doigts assis par terre peut être un choc tout autant qu’à table avec une fourchette, ou bien manger bruyamment ou silencieusement… Prendre conscience de ce fantasme et le travailler peut permettre d’éviter (comme dans l’exemple précédent) des raccourcis, tels que : « Ils n’ont pas inventé la fourchette dans leur pays ? », un type de pensée qui juge et qui rapporte à soi.

 

Parmi les trois caractéristiques de ce qu’est Être un citoyen aujourd’hui, le Conseil d’État définit ainsi la citoyenneté : « Être citoyen, c’est faire preuve de la capacité de s’extraire de ses appartenances, sans les renier, pour décider des affaires d’une communauté plus large. » Est-ce que cette idée républicaine d’un citoyen mettant à distance ses appartenances a pu occulter l’importance de prendre en compte la dimension interculturelle ?

La visée assimilationniste a longtemps défendu la langue unique

Le cadre républicain, ou plutôt son interprétation, peut être parfois bloquant. Notre grand chaudron de l’universalisme républicain fait barrage à l’idée qu’il est possible de tenir compte des différences tout en traitant de manière égalitaire.

J’ai beaucoup travaillé sur les questions de discriminations au niveau européen et en France. Les premières études montraient qu’en France, nous faisions une confusion entre droit à la différence et principe d’égalité. Comme si agir pour que tous soient égaux obligeait à nier la possibilité de la différence. J’ai peur que nous ne soyons pas vraiment sortis de cette approche. De ce point de vue, le principe d’équité me semble plus intéressant que celui d’égalité stricte, car il prend en compte les situations et les obstacles que les personnes doivent franchir.

Dans les formations, je travaille beaucoup les thèmes de l’assimilation et de l’intégration. Pendant longtemps, l’assimilation a été notre idéologie d’accueil et malgré toutes les évolutions, elle subsiste encore en arrière-plan. Cela se voit particulièrement sur la question linguistique.

La visée assimilationniste a longtemps défendu la langue unique : pour devenir un bon Français, il faut que les personnes venues d’ailleurs parlent uniquement le français. Et cela passait en particulier par l’école, avec des enseignants demandant aux parents migrants d’arrêter de parler leur langue natale à leurs enfants pour ne pas nuire à leur apprentissage du français !

C’est d’autant plus grave que cette posture est complètement erronée. Les études démontrent qu’un enfant en situation d’apprentissage linguistique, qui maîtrise déjà une langue, s’appuie sur les apprentissages de la langue première pour apprendre plus facilement la langue seconde, troisième ou quatrième. Le fait de disqualifier la langue première n’aidait pas les enfants dans leurs processus d’apprentissage, sans parler de la perte des racines.

 

Dans les relations aux usagers, échanger dans une langue étrangère peut être perçu comme l’expression d’une appartenance culturelle commune, plus que comme un outil de communication au service de l’interaction. Le risque de connivence, de passe-droit est souvent évoqué, alors que cela ne l’est jamais pour d’autres types d’appartenances, par exemple, supporter le même club de foot…

Être capable d’échanger dans la langue de l’autre en en maîtrisant les codes culturels est une richesse

Cette peur de la connivence est fréquente et joue différemment selon les aires linguistiques. Parler en anglais avec un usager ne suscite pas les mêmes craintes que parler en arabe, bien que la langue arabe, prise dans toute sa diversité, représente la seconde langue parlée en France.

Voilà une situation que je rencontre classiquement dans les formations : une professionnelle reçoit une famille. Elles sont toutes deux de la même origine, par exemple d’Algérie. Les personnes ne parlent pas très bien le français et, à un moment, la dame s’énerve et se met à parler en arabe. La professionnelle lui répond en arabe pour la calmer et essayer de continuer le dialogue et l’entretien. Plus tard, une collègue d’origine française, témoin de la scène, vient lui reprocher d’avoir parlé arabe à un usager au motif que c’est « rentrer dans son jeu ». 

Au contraire, être capable d’échanger dans la langue de l’autre en en maîtrisant les codes culturels, par exemple les formes de politesse, les formes de communication non verbale, est une richesse. Changer de mode de communication peut permettre de mieux comprendre les situations, voire de les apaiser plus efficacement. Mais ces outils ont encore du mal à être utilisés en France.

Le sociologue Pierre Vidal-Naquet, dans ses travaux sur la sociologie du travail social, évoque « l’éthique de l’action oblique ». C’est-à-dire la manière dont un professionnel peut faire des pas de côté par rapport aux prescriptions de sa mission pour justement conduire à bien cette mission. Dans ce contexte, la connivence devient effectivement un outil au service de l’accompagnement et non pas une posture à exclure résolument. Est-ce que vous rencontrez de telles situations ?

Les cadres ne connaissent pas ou peu les métiers de terrain, puisqu’ils ne les ont jamais exercés

La connivence peut être un outil pertinent si elle est acceptée par les services et les cadres. Or, ces derniers ont quasiment toujours dans l’idée que l’agent de terrain va faire alliance. C’est une constante dans tous les milieux professionnels ! Le manque de confiance dans la professionnalité des agents laisse alors place à une « contrôlite » aiguë, alors que ces derniers exercent la plupart du temps leur métier du mieux qu’ils peuvent, qu’ils soient gardien d’immeubles, vigile, agent d’accueil, travailleur social… 

J’ai accompagné pendant 20 ans un bailleur social dans des formations transversales intermétiers, depuis le chef d’agence jusqu’à l’agent d’entretien. Ce qu’il se passait dépassait finalement la question interculturelle, puisque les responsables découvraient toute la richesse et la complexité du métier de leurs agents, et ils se rendaient compte qu’ils pouvaient leur faire confiance !

Cette démarche reste rare, alors qu’elle est d’autant plus nécessaire que l’évolution des profils des cadres a changé dans tous les secteurs : en privilégiant des profils « gestion des ressources humaines », les cadres ne connaissent pas ou peu les métiers de terrain, puisqu’ils ne les ont jamais exercés.

 

Comment donner des outils aux professionnels en matière interculturelle ? Est-ce que de l’information, de la sensibilisation aux différentes cultures est suffisante ?

Pour Margaret Cohen-Emerique, « Le plus grand obstacle à la rencontre de l’autre, c’est soi-même »

Après ma thèse, on me demandait souvent d’intervenir pour sensibiliser les professionnels à la culture marocaine, que je connaissais bien, mais ce n’était pas concluant. En réalité, donner des connaissances générales sur telle ou telle culture ou pays est totalement insuffisant pour outiller les professionnels à naviguer au quotidien dans des situations d’interculturalité.

Pour Margaret Cohen-Emerique, « Le plus grand obstacle à la rencontre de l’autre, c’est soi-même ». Il y a tout un travail à mener de connaissance de soi pour se rendre compte que, dans une situation, je suis en train d’interpréter l’autre, non pas en fonction de ce qu’il est, mais de ce que je suis.

Savoir que je ne sais pas est la première prise de conscience. Cela amène effectivement à chercher des informations sur l’autre et sa culture, mais surtout à réduire ce que je projette de moi, non pas en le niant, mais en étant conscient que nous sommes différents. C’est un équilibre instable, mais plus les gens s’engagent dans cette voie, plus ils sont à l’aise et peuvent, en sus, profiter de la richesse de cette rencontre interculturelle.

Comment travaillez-vous cette prise de conscience puis de recul ?

Nous avons tendance à analyser les situations en mobilisant des stéréotypes, tout en sous-estimant l’importance des parcours et des histoires de vie

La méthode des incidents critiques ou des chocs culturels élaborée par Margalit Cohen-Emerique conjugue classiquement théorie et pratique : une partie théorique pour s’assurer que les participants parlent le même langage, une partie pratique permettant d’analyser des situations vécues amenées par les professionnels et réfléchir aux outils mobilisables. Trois phases structurent la démarche. 

La première phase est celle de la décentration. Se décentrer, c’est se regarder comme un étranger pour reconnaître ses forces et ses faiblesses. C’est comprendre quelles sont les couches et sous-couches identitaires éveillées par la rencontre avec l’autre, quelles sont les zones perméables qui permettent la communication et quelles sont les zones imperméables qui peinent à accepter l’autre. C’est une étape très compliquée. Les situations sont analysées, décodées à l’aide d’une grille afin de permettre aux professionnels de comprendre et surmonter les chocs culturels vécus. 

La seconde phase permet d’entrer dans le cadre de référence de l’autre, de comprendre ce qui fait sens et valeur pour lui, ce qui lui appartient, en le distinguant de ce qui fait sens et valeurs pour soi. Ceci ne veut pas dire accepter ou fermer les yeux, mais savoir que l’autre est vraiment différent de moi et accorder un sens et une valeur aux comportements d’autrui, même si ce que l’on entend chez l’autre nous choque. C’est apprendre à analyser les situations en les contextualisant.

Je ne sais pas si c’est spécifique à nos sociétés européennes, mais nous avons tendance à analyser les situations en les généralisant, en mobilisant des stéréotypes, tout en sous-estimant l’importance des parcours et des histoires de vie. En écoutant parler les professionnels, j’ai souvent l’impression que les personnes accompagnées sont nées le jour où elles sont arrivées en France. Bien souvent, ils ne connaissent pas la vie que menait la personne avant son arrivée, par exemple quel métier elle exerçait.  

Enfin, la troisième phase est celle de la médiation-négociation. Comment arriver à faire un pas l’un vers l’autre dans la reconnaissance de la culture de l’autre ? Le travailleur social a un travail supplémentaire à faire, puisqu’il doit accompagner ce public dans ce cheminement. Il se doit d’être pleinement conscient de ces dynamiques relationnelles.

 

Vous parlez de « chocs culturels ». Le terme est fort. Les professionnels sont-ils nombreux à ressentir cela ?

L’objectif est d’abord de nuancer la pensée du « Ils sont tous comme ça »

Le choc culturel recouvre une large gamme d’émotions ressenties dans la rencontre avec un autre différent de soi. Cela peut être juste un questionnement : pourquoi la personne agit-elle comme cela ? Mais cela peut aller beaucoup plus loin et provoquer de la stupeur, de l’énervement, de la colère, de l’impossibilité de travailler, voire de la tétanie face à une situation… Dans les formations, après une courte réflexion, tous les professionnels ont de nombreux cas de « chocs culturels » à partager.

L’analyse de situations en matière interculturelle est toujours très riche et productive, quels que soient les situations partagées et les métiers. Bien évidemment, les enjeux et postures ne sont pas les mêmes entre des travailleurs sociaux et des gardiens d’immeuble de bailleurs sociaux, par exemple. Les premiers ont appris à pratiquer le doute, la remise en cause. Ce n’est pas le cas des seconds, qui ont plus une formation technique.

L’objectif est d’abord de nuancer la pensée du « Ils sont tous comme ça », de faire prendre conscience que les parcours de vie diffèrent, que tout le monde n’a pas choisi de changer de pays… Lorsqu’au bout d’une formation, un participant me dit s’être rendu compte que « La différence n’est pas si dangereuse que ça », c’est rassurant.

Est-ce que la question interculturelle joue d’une manière spécifique quand elle se combine avec des troubles psychiques, la maladie ou des situations complexes cumulant les vulnérabilités, comme en protection de l’enfance ?

La psychologie et la psychiatrie ne sont pas plus universelles que les codes culturels de nos sociétés occidentales

L’interculturel déborde toutes ces questions de santé, de médecine, de rapport au corps. Tout d’abord, les mots des maux ne sont pas les mêmes. Ici, nous avons un chat dans la gorge, un mal de chien, des fourmis dans les jambes… Dans d’autres pays, ce sont d’autres expressions. Un médecin occidental parti au Kenya témoignait ainsi de son incompréhension face à une patiente lui disant avoir un serpent dans la tête. Il pensait problème psychologique quand elle lui parlait de maux de tête…

En dehors de cette question linguistique, le principal obstacle est celui de la suprématie totale conférée à notre mode de pensée scientifique, rationnelle. Tout ce qui n’est pas dans ce mode de pensée n’est pas pensable ou acceptable. Or, de nombreux professionnels, qui accompagnent des populations ayant d’autres modes de pensée (comme la pensée magique), ont du mal à admettre que ce mode de pensée puisse être entendable. « Entendre », cela ne veut pas dire adopter ce mode de pensée, mais bien en tenir compte pour comprendre les situations.

J’ai un bel exemple donné par un éducateur de Protection judiciaire de la Jeunesse. Il accompagnait une jeune fille venant du Congo RDC et qui avait échappé aux passeurs. Elle n’allait pas bien. L’éducateur veut donc l’emmener voir un médecin généraliste et se voit opposer un refus, car elle veut voir un médecin traditionnel, un marabout, « celui qui soigne ».

Plutôt que de refuser, l’éducateur lui propose d’aller voir un marabout et ensuite un médecin généraliste, ce qu’elle a accepté. C’est très rare comme démarche, et pour le coup cela a permis de surmonter les peurs de cette jeune fille et de déceler une maladie qui n’aurait sans doute pas pu l’être autrement.

L’ethnopsychiatre George Devereux a tenté de faire entendre au monde scientifique que la psychologie et la psychiatrie ne sont pas plus universelles que les codes culturels de nos sociétés occidentales. Le centre Georges Devereux œuvre à la transmission de cette approche, mais la psychiatrie classique ne lui fait pas de place, alors que les besoins sont criants. La France manque cruellement d’ethnopsychiatres : il y a bien quelques initiatives, comme la Maison de Solenn, le travail mené par la professeure Marie Rose Moro sur Paris, ou encore sur Lyon les travaux de l’observatoire Orspere-Samdarra, mais c’est insuffisant.

 

Avec l’attention de plus en plus forte portée aux tensions dans les relations avec les usagers, notamment dans les services publics, et in fine à la qualité de la relation, avez-vous le sentiment que cela va porter la question interculturelle ?

Petit à petit, le sujet fait son chemin dans les pratiques et la tête des gens

L’interculturel et le vivre-ensemble sont dans beaucoup de discours, mais la réalité sur le terrain est tout autre. Depuis 30 ans, je constate plutôt que les mentalités reculent. On continue de stigmatiser les jeunes issus de la migration en les appelant « jeunes d’origine », alors que cela fait quatre générations que leur famille a migré.

Je me bats pour convaincre de la nécessité de former et doter les professionnels d’outils pour travailler cette question, mais ce n’est pas en deux heures ou une demi-journée qu’ils peuvent modifier leur approche. Amener un changement de pratique en la matière demande d’une part, de laisser du temps à la réflexivité et, d’autre part, de la récurrence.

Rarement, mais cela existe, certaines institutions s’inscrivent dans cette temporalité avec des temps de rencontres, de formation espacés de six mois ou un an. C’est extrêmement productif : les professionnels reviennent collectivement sur ce qu’ils ont expérimenté, ressenti, leurs difficultés, les points à retravailler, leurs succès aussi… et peuvent mesurer toutes les transformations apportées à leur pratique professionnelle.

En la matière, le territoire de Bressuire dans les Deux-Sèvres est un bel exemple. Le centre social, avec la Maison de l’emploi et le soutien de la commune, a décidé de faire travailler les professionnels de l’ensemble du territoire sur l’interculturalité. Depuis sept ans, des conférences, des formations, des ateliers, l’animation de rencontres interprofessionnelles ou intraprofessionnelles sont proposés sur une ou deux semaines.

Cela concerne tant les animateurs des centres sociaux que les assistantes sociales du département, les industriels accueillant des saisonniers que les directeurs d’école, les bibliothèques ou encore les bailleurs sociaux… Petit à petit, le sujet fait son chemin dans les pratiques et la tête des gens. Tout n’est pas suivi d’effet, mais la volonté d’avancer collectivement sur cette question est formidable et me donne l’espoir que cette démarche puisse exister sur d’autres territoires.