Oui. Dans les pays riches, les emplois sont de plus en plus des emplois peu qualifiés et mal payés et de bons emplois très qualifiés, mais devenus difficilement accessibles. Les premiers sont souvent au service des seconds : ce sont les emplois où l’on nettoie, où l’on cuisine, où l’on sert des repas, où l’on garde des enfants. Dans les bons emplois, au contraire, les salaires sont élevés, les connaissances valorisées, il est possible de progresser dans la carrière. Que reste-t-il entre ces deux pôles ? De moins en moins d’opportunités.
Dans la plupart des pays développés, ce grand bouleversement de la qualité des emplois s’aggrave d’une augmentation des inégalités de rémunération. Les écarts de salaire s’accroissent à la fois entre les bas et les moyens salaires et entre les moyens et les hauts salaires. Dans la plupart des cas, cette augmentation des inégalités de salaire reflète la hausse du rendement de l’éducation. Mais la hausse des inégalités provient aussi de l’augmentation des écarts de salaire entre diplômés, ceux-ci connaissant des fortunes de plus en plus diverses sur les marchés du travail. Pour désigner ces transformations du marché du travail, les économistes parlent donc de « polarisation », une recomposition de l’emploi autour de deux pôles, dans laquelle les revenus et les conditions de travail s’écartent toujours davantage.