Tendances et enjeux des consommations de matériaux
Étude
Un panorama de la consommation de dix matériaux : bois, fibres textiles, caoutchouc, ciment, plâtre, terre cuite, verre, composites, plastique et métaux.
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Étude
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Introduction générale. Les matériaux, un enjeu d'avenir pour le territoire métropolitain (Page 3)
La consommation de matériaux au cœur de la « grande accélération » (Page 5)
Panorama de l’impact des tendances économiques et sociétales sur la consommation de matériaux (Page 8)
Focus sur des fonctions sociales et leur impact sur les matériaux (Page 25)
Analyse transversale (Page 51)
Annexe (Page 54)
Si des enjeux tels que l’épuisement des combustibles fossiles ou le changement climatique occupent une place croissante dans le débat public et sont désormais inscrits à l’agenda politique, les enjeux liés aux matériaux sont encore mal connus et largement déconsidérés par les pouvoirs publics.
L’épuisement de certaines matières premières, l’impact environnemental de leur extraction et de leur transformation, ainsi que la vulnérabilité de certaines filières d’approvisionnement en matériaux critiques apparaissent comme des enjeux clés mais souvent ignorés dans les stratégies de transition énergétique et climatique.
Les matériaux nécessaires à la transition écologique constituent un angle mort de la plupart des scénarios de transition. Qu’il s’agisse de l’électrification du parc de véhicules ou de la généralisation des énergies renouvelables (éolien et photovoltaïque en particulier), l’empreinte matière de la transition est colossale, et compromet tout scénario de transition à production et consommation égales.
Se posent notamment des problèmes :
Les phénomènes d’épuisement des ressources fossiles et de perturbation des cycles biogéochimiques (eau, carbone, polluants atmosphériques, etc.) observés à l’échelle mondiale obligent les sociétés humaines à réorienter, de gré ou de force, leurs activités économiques.
Cette transition sous contraintes soumet certains matériaux à des pressions d’usage multiples et concurrentielles. Ainsi le bois (et plus généralement la biomasse), aujourd’hui considéré comme planche de salut de presque tous les secteurs économiques, risque de faire défaut à moyen terme sauf à envisager une réduction drastique des « besoins ».
Le bois et la biomasse sont en effet considérés comme des ressources essentielles :
Ces pressions s’accordent mal avec le probable dépérissement des peuplements forestiers à grande échelle consécutif au changement climatique et à la propagation facilitée des ravageurs.
Le développement de techniques de recyclage a laissé croire qu’il ne serait pas nécessaire de remettre en question les modes de production et de consommation pour préserver les ressources naturelles et limiter les déchets. Pourtant, les limites du recyclage sont maintenant bien documentées.
Le développement des filières depuis les années 1990 a permis des progrès considérables en réduisant la quantité de déchets enfouis ou incinérés. Ces progrès ne doivent pas masquer le fait que les matières collectées sont encore majoritairement sous-cyclées ou utilisées comme combustible (valorisation énergétique).
Au-delà des faibles performances du recyclage, plusieurs freins structurels expliquent le faible taux de circularité de l’économie malgré les efforts engagés depuis les années 1980. Tout d’abord, les ressources naturelles sont disponibles en quantité limitée et le flux de prélèvement de biomasse dépasse largement les seuils écologiques (biodiversité et préservation des puits de carbone). Ensuite, le bouclage des cycles est physiquement incompatible avec la croissance matérielle. Enfin, une part élevée des minéraux, des métaux et des matières fossiles est utilisée pour remplacer des stocks dispersés par l’usure ou l’altération physique.
La sobriété dans la consommation de biens et de services apparaît comme une première brique essentielle pour réduire l'empreinte écologique et matérielle de l'économie française, et l’adapter aux multiples contraintes climatiques, énergétiques et écologiques.
Cette sobriété implique de repenser nos modes de consommation en se satisfaisant de l’existant, en privilégiant l'essentiel, en évitant les achats superflus, en se tournant d’abord vers le marché de l’occasion et la location et, en dernier recours, en optant pour l’achat de produits simples, durables et éco-conçus.
La réduction à la source constitue donc la base de cette démarche, et s’appuie sur le non-achat, le réemploi et la prolongation de durée de vie des objets existants. Des mesures incitatives peuvent être mises en place pour favoriser la réparation, la maintenance et l'entretien des biens, ainsi que pour encourager le réemploi et la seconde main. Ces pratiques permettent de donner une nouvelle vie aux produits et de limiter l'extraction de ressources naturelles.
Aucun scénario de transition énergétique, climatique et écologique ne peut faire l’économie d’une réduction à la source de la consommation : adapter nos usages et nos pratiques d’achat est non seulement le premier levier à actionner, mais aussi le seul dont l’impact soit direct, robuste, et sans effet rebond.
Pour les achats essentiels de produits à remplacer pour cause d’usure ou d’obsolescence technique, et indisponibles sur le marché de l’occasion, l’économie devra pourvoir aux besoins de produits de qualité, réparables, économes et recyclables. Le recyclage doit être considéré comme une solution ultime, lorsque les autres options ne sont plus disponibles. Pour soutenir cette sobriété de la consommation, des politiques publiques adaptées doivent être instaurées, les consommateurs sensibilisés et incités, et les modèles économiques repensés et contraints pour les rendre compatibles avec ces nouveaux objectifs.
La crise écologique en cours oblige à faire un pas de recul supplémentaire sur le fonctionnement et la finalité des activités économiques. Donnela Meadows, théoricienne des systèmes et co-autrice du rapport du Club de Rome, faisait remarquer que « faire fonctionner un même système plus ou moins vite ne change pas le résultat final ». C’est donc la finalité du système qu’il convient de questionner.
À cet effet, la redirection écologique est un cadre, à la fois conceptuel et opérationnel, destiné à subordonner l’organisation de toutes nos activités au respect des limites planétaires. La redirection peut conduire à renoncer à certaines de nos activités si celles-ci nuisent à l’habitabilité de la planète. Dans leur livre Héritage et fermeture, Emmanuel Bonnet, Diego Landivar et Alexandre Monnin mettent ainsi en avant la nécessité d’apprendre à hériter des choses dont nous dépendons pour notre subsistance à court terme mais qui nous condamnent à moyen et long termes (chaînes logistiques, « technologies zombies », modèles économiques, etc.) et à arbitrer entre les choses auxquelles nous tenons et celles dont nous pouvons nous passer afin d’être en mesure de fermer et de réaffecter les activités les plus nuisibles.
La transformation des modes de vie et des pratiques de consommation nécessite des arbitrages politiques, éthiques et philosophiques complexes. Qu’est-ce qu’un besoin essentiel ? Quelle quantité de chaque ressource finie pouvons-nous légitimement nous octroyer, en en privant du même coup les plus démunis et les générations futures ? Quelle privation de liberté individuelle sommes-nous capables d’accepter pour garantir la liberté supérieure d’aller et venir sur une planète habitable ?
Une transition écologique ambitieuse nécessitera probablement une action forte et coordonnée démocratiquement par l’État, seul en mesure d’organiser un changement généralisé des pratiques pour soumettre les intérêts particuliers de court terme à l’intérêt général de long terme. La « planification écologique » a ainsi été évoquée par plusieurs candidats à l’élection présidentielle de 2022 et a finalement été attribuée à la Première ministre ainsi qu’à deux ministres chargées respectivement de la planification énergétique et de la planification territoriale. Un secrétariat général à la planification écologique a également été créé afin de coordonner l’ensemble des actions de planification du gouvernement. C’est aussi dans ce cadre qu’une démarche de planification de la gestion de l’eau a été lancée en septembre 2022 et qu’un plan de sobriété énergétique a été publié en octobre de la même année.
La réussite de ces exercices dépend de plusieurs enjeux. Il s’agit d’abord d’ancrer la planification dans un récit partagé, un scénario de transition qui s’appuie sur un processus consultatif approfondi et renouvelé dans le temps - condition sine qua non de son acceptation par l’ensemble des parties prenantes. Ce scénario doit s’incarner dans un document politique fort, véritable cadre de référence pour l’ensemble des politiques sectorielles et territoriales ainsi que la programmation budgétaire.
Afin d’assurer sa mise en œuvre opérationnelle, il doit non seulement être assorti d’objectifs de résultats et de garanties de processus, mais également passer par le développement d’une culture des soutenabilités, de l’analyse d’impact et de la prospective au sein de l’administration.
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