Renforcer la résilience du territoire : quelles relations entre la Métropole et les acteurs locaux ?
Étude
Comment la Métropole de Lyon peut-elle encourager les porteurs de projets allant dans le sens de la résilience sur son territoire ?
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Interview de Sébastien Bonnaire
Comment les initiatives de réparation et d’économie circulaire contribuent-elles à la résilience du territoire ?
Créé en 2016, Bricologis soutient une variété de projets à différentes échelles du territoire. Sébastien Bonnaire, coordinateur partenariat gestion, revient sur les principales activités de l’association, et les services qu’elles apportent aux habitants.
Pouvez-vous présenter en quelques mots votre association ?
Bricologis a été créée en 2016 dans un quartier populaire de la banlieue lyonnaise, le Mas-du-Taureau avec un objectif : rendre les habitants, acteurs de ce quartier, en leur proposant d’agir sur leur cadre de vie. Nos projets sont hyper variés. Cela va de l’atelier de bricolage, au prêt d’outils, en passant par l’accompagnement de projets collectifs. D’une façon ou d’une autre, toutes nos activités visent à renforcer le pouvoir d’agir des habitants. Notre équipe compte 3 salariés et 2 services civiques.
Quels types de projets collectifs accompagnez-vous ?
C’est du projet libre, technique ou non. Par exemple, nous avons aidé un collectif d’habitants à organiser une distillation de rosiers ; un centre de loisir, à monter un chantier participatif pour réaliser des bacs à potager ; une association de déficience intellectuelle, à former leurs locataires à l’entretien de leurs logement, etc. Notre équipe s’en charge directement, ou nos partenaires et bénévoles.
Quelle est le place des bénévoles dans votre écosystème ?
Elle est clé. Ils sont une vingtaine, dont un noyau très actif d’une dizaine de membres. Ils bénéficient de leur propre leur instance de gouvernance - Bricocarbure - qui participe à faire évoluer notre projet à tous les niveaux : statut, contenu, etc. Notre projet est très souple et inclusif. Ce qui compte, c’est de renforcer les habitants dans leurs compétences, peu importe finalement la porte d’entrée.
Vous proposez aussi du coworking…
Oui, dans nos bureaux partagés, nous accueillons cinq structures, soit près d’une quinzaine de personnes : une couturière indépendante, le collectif Pourquoi pas [co-fondateur de Bricologis, il regroupe des concepteurs et constructeurs impliquant les usagers dans l’espace public], un ébéniste-agenceur, une médiatrice scientifique… C’est un coworking non marchand : ce que l’on vise, c’est le partage de savoir-faire et l’animation du quartier, à travers la proposition d’ateliers ou de chantiers. Avant notre arrivée, il n’y avait rien ici, pas de centre social. Bricologis a été agrémenté espace de vie social. Notre local a pignon sur rue. N’importe qui peut passer la porte, prendre un café…
Quel regard portez-vous sur les enjeux de transition écologique et de résilience ? Comment votre action y contribue-t-elle ?
La transition écologique n’est pas l’objectif de Bricologis, mais nos pratiques privilégient le réemploi et l’économie circulaire. Par exemple, notre partenariat avec Leroy Merlin nous permet de récupérer des outils déjà utilisés. Nous rachetons aussi des matériaux à prix solidaire auprès de l’association Mineka, qui offre une seconde vie aux déchets du BTP. Nous invitons nos usagers à faire avec ce qui est disponible : relooker leurs meubles, réparer leurs vélos, créer des objets en réemployant des matériaux. On fait de super lampes design avec des chutes de parquet ! L’enjeu, c’est d’aider chacun à améliorer son quotidien à moindre coût. C’est cela, notre vision de la résilience.
… le système D et la solidarité ?
Exactement ! En tant qu’association, on est concentré sur le présent, ici et maintenant. Bricologis est né des besoins de ce quartier, où il y a de la précarité, de l’isolement… Ce dont les gens ont besoin ici, c’est d’arriver à se débrouiller au quotidien, avec peu, tout en favorisant le lien social. Encore plus en temps de crise, nous avons besoin d’être soudés et d’échanger nos compétences, c’est en cela que la résilience est ici travaillée. L’idée, c’est que les gens se l’approprient.
Quel est votre modèle économique ?
Notre modèle est hybride. À titre indicatif, en 2020, il reposait sur 23% de subvention publique ; 14% de mécénat ; 43% d’activités ; 19% de valorisation - par là nous entendons, le bénévolat, l’utilisation de locaux à titre gracieux : c’est important pour nous de valoriser cette force de travail. Les dons et adhésions ne représentent que 1%. Plutôt que la gratuité, nous privilégions un modèle de responsabilisation, avec des tarifs très accessibles : 5€, l’adhésion annuelle ; des prix libres pour les ateliers.
Êtes-vous confronté à des difficultés particulières ?
J’en citerai une : pour décrocher des appels à projet, il faut toujours démontrer que le projet est innovant. Mais un projet qui marche, n’a pas besoin d’être innovant chaque année. Il y a aussi le quotidien à soutenir. Je peux comprendre la difficulté des financeurs pour évaluer des projets, mais que cherche-t-on ? Un projet qui a des résultats ou un projet innovant ? Cela crée une course à ceux qui sont le mieux armés, ont le meilleur service communication. C’est piégeux. Les projets habitants, aussi, c’est important.
Quelle est votre rayon d’action ?
C’est concentrique. C’est toujours, Vaulx-en-Velin d’abord, les autres communes après, si on a la disponibilité, les ressources. Avant tout, on est ici pour le quartier. Même si, bien sûr, on aime bien que les gens se mélangent dans nos événements (beaucoup de Lyonnais participent à nos ateliers de bricolage). En revanche, l’échelle métropole se révèle intéressante pour l’un de nos projets : « Mes petits travaux », monté en partenariat avec les bailleurs sociaux.
En quoi consiste ce projet ?
Nous apprenons aux locataires à auto-rénover leurs logements, à poser un enduis, refaire un sol… Pour cela nous organisons des chantiers collectifs dans des logements vacants ou intervenons directement chez le locataire. Il faut sortir d’une logique où on fait faire et d’un rapport de confrontation entre le locataire et le bailleur, où chacun se renvoie la balle. Le bailleur dit « c’est au locataire de faire », mais celui-ci ne sait pas faire. Nous travaillons déjà avec trois bailleurs sociaux sur le Mas-du-Taureau, dont Est Métropole Habitat. Nous aimerions développer cette action sur le territoire complet, en travaillant l’inter-bailleur pour gagner en force de frappe. Les politiques locales nous seraient utiles pour agir à ce niveau.
Avez-vous envie d’exporter votre modèle ?
Non, notre ancrage est local. Même si notre modèle fait un peu rêver. On est parfois submergé de demandes pour des mémoires, des montages de projets similaires. La tendance est à la multiplication des tiers lieux sur le faire-soi-même. Mais attention, tous ne visent pas les mêmes publics. C’est important de ne pas essayer de chercher des modèles tout faits, mais de s’intéresser aux besoins du quartier. Ce qui nous intéresse, nous, c’est d’être connu des habitants.
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