Rives de Saône : de la pointe du Confluent aux limites nord de l’agglomération, le réaménagement des rives de Saône est en cours. Le Grand Lyon a tenu à accompagner ces aménagements, qui se déploieront à terme sur 50 km de rives, par un parcours d’art public dont la direction artistique a été confiée à Jérôme Sans. En février 2011 ont été présentées les esquisses d’une première série d’une douzaine d’œuvres, imaginées par des artistes tels que Tadashi Kawamata, Didier Fiuza Faustino, Jean-Michel Othoniel ou Le Gentil Garçon. La démarche est originale car elle associe d’emblée les maîtres d’œuvre et paysagistes chargés du réaménagement des berges aux artistes et plasticiens invités à créer in situ.
8e art : lancé en 2007 par Grand Lyon Habitat, le projet 8e art porte sur la mise en valeur artistique du patrimoine qu’a en charge ce bailleur social le long des 2 km du boulevard des Etats-Unis. Une dizaine d’œuvres d’art contemporain vont être installées, en deux phases, le long de cette artère marquée, pour partie, par l’architecture de Tony Garnier, ainsi que des ateliers d’artistes et un lieu dédié à la médiation entre habitants, acteurs locaux et artistes. Quatre œuvres de jeunes artistes européens ont déjà été choisies et seront installées dans le courant de l’année 2011. L’originalité de ce projet réside dans le profil atypique de son commanditaire, un bailleur social, et les dispositifs de médiation et « l’attitude d’écoute » mis en place pour porter l’art contemporain au cœur des logements sociaux.
A côté de ces projets phare d’art public, des réalisations plus modestes, diverses et diffuses continuent d’enrichir les collections d’œuvres et d’initiatives artistiques dans l’agglomération. Une œuvre de Wang Du a été installée à la Cité Internationale. Matt Mullican a habillé le mur mitoyen de l’Institut d’Art contemporain de Villeurbanne. Des artistes sont associés à la réalisation des bâtiments construits à la Confluence. A la demande des habitants, le GPV (Grand projet de ville) de la Duchère a développé une réflexion participative sur l’art public qui aboutit à l’installation ou la rénovation de plusieurs œuvres dans le quartier. La Galerie Roger Tator travaille au projet Factatory d’installation de résidences d’artistes éphémères à Lyon 7e. Le projet de 2e tunnel sous la Croix-Rousse, dédié aux modes doux doit être le support d’un parcours d’installations numériques et lumineuses.
La plupart de ces projets sont portés par une volonté politique assez forte de réinvestir le champ de l’art public : l’agglomération veut reprendre un certain leadership dans ce domaine où la compétition est désormais très forte entre les villes.
Car Lyon a été un temps novatrice dans le champ de l’art public. Non par le caractère monumental des œuvres disposées dans l’espace public mais par la qualité de ses aménagements urbains et paysagers. Dès le début des années 90, des artistes sont associés à la réalisation des parcs de stationnement, jardins ou places publiques. Depuis les années 2000, la politique événementielle de l’agglomération porte également cette ambition de transformation artistique de l’espace urbain, avec La fête des lumières, Les Invites de Villeurbanne ou encore l’art sur la place puis Veduta.
Dans ce domaine désormais très prisé de l’art public, quelle politique développer, quelles pistes explorer pour rester innovant, valoriser l’existant tout en anticipant les prochaines évolutions ?
L’ART PUBLIC EN PERMANENTE ÉMERGENCE
Parce qu’il est, historiquement, un vecteur du pouvoir et un instrument de communication efficace, l’art dans l’espace public est un art d’emblée fonctionnalisé, voué à représenter, célébrer ou symboliser. Il a longtemps été à rebours d’une conception de l’art contemporain autonome, libre, voire d’une vision de « l’art pour l’art ». Puis l’art public s’est fait, progressivement, le vecteur des intentions de l’artiste, celui-ci posant sa signature dans l’espace public. Mais désormais, « l’art public se réinvente, dans ses modes de commandes, dans ses propos, dans les publics qu’il peut toucher, dans ses modes de réalisations, dans ses formes… » estime le sociologue Pierre-Alain Four. Dans son étude intitulée « Place de l’art public : artistes, commanditaires et statut des œuvres », il s’intéresse à toutes ces reconfigurations de l’art public qui offrent des perspectives nouvelles aux opérateurs publics.
↠ Lire l’entretien avec Pierre-Alain Four : « L’art public est en permanente émergence ».
SPÉCIFICITÉS DE L'ART PUBLIC A LYON
Un retard au démarrage
L’art contemporain fait une entrée assez tardive sur le territoire du Grand Lyon. Marianne Homiridis, auteure d’un très utile guide de « l’art contemporain dans les espaces publics du Grand Lyon 1978/2008 » a choisi pour date inaugurale 1978, soit la tenue du Premier symposium de sculptures, à l’initiative de l’adjoint à la culture de Lyon de l’époque, André Mure.
Les premiers symposiums de sculptures à Lyon
Pourtant, les premiers symposiums de sculptures qui se tiennent en Europe datent de 1950. Lyon démarre donc avec vingt ans de retard, et sur le modèle, déjà presque passéiste, de ce que les Anglo-saxons nomment les « dropped sculptures » : des sculptures posées dans un lieu sans lien réel avec le contexte.En 1978, Lyon achète des œuvres qui n’ont pas été créées in situ pour les disposer ensuite dans un quartier alors en pleine construction : la Part-Dieu. C’est le cas du Pollueur de Joseph Ciesla (dalle piétonne, la Cité administrative), de Synchromie n°1 de René Roche (dalle piétonne près de l’immeuble « le PDG ») ou encore d’Etre de Louis Molinari (devant L’Hôtel du Grand Lyon). « Politiquement, il était important de tenter de faire en sorte que la population s’approprie ce quartier qui était très décrié. Il s’agissait d’ « adoucir » peut-être la brutalité architecturale et urbanistique de ce nouveau quartier » se souvient Marie-Claude Jeune, ancienne conseillère pour les arts plastiques à la DRAC de Rhône-Alpes, Direction régionale des affaires culturelles. Pourtant, dix ans auparavant, à l’occasion des JO de 1968, la Ville de Grenoble avait passé commande d’œuvres in situ à quinze sculpteurs.
↠ Lire l’entretien avec Marie-Claude Jeune : « L’art contemporain est aujourd’hui plus diffus, mais aussi plus concernant »
Un deuxième Symposium de sculptures, en 1980, crée des parcs de sculptures dont celui de la Cerisaie (Lyon 4e), sur un modèle américain alors en vogue, mais là encore assez vite dépassé. Lors des Journées Européennes du patrimoine 2010, la Ville de Lyon a inauguré un parcours intitulé « Art et Paysage : le parc de la Cerisaie » présentant diverses œuvres installées en 1980 et récemment restaurées. Parmi elles, Autoportrait de Jean-Pierre Raynaud, Hommage à Léon de César et Cathédrale de Geneviève Dumont.
Villeurbanne militante de l’art public
Parallèlement, les villes de Villeurbanne et Vénissieux développent une politique beaucoup plus raisonnée en matière d’art public. « Dans les années 80, Villeurbanne a développé une politique d’art public en contre-point de la tristesse lyonnaise en la matière » se souvient Yvon Deschamps, alors directeur des affaires culturelles de Villeurbanne. Avec militantisme, les élus villeurbannais portent un idéal de démocratisation culturelle : « il faut aussi que l’art puisse aller à la rencontre des gens là où ils sont ». Les bâtiments publics sont donc « truffés » d’œuvres d’art et les carrefours et les ronds points villeurbannais, points de rencontre obligés, deviennent le support d’œuvres emblématiques : le Totem de Guy de Rougemot place Albert-Thomas (1981), Autour d’un abri jaune d’Etienne Bossut au carrefour Greuze-Pressensé (1987) ou encore le Giratoire de Patrick Raynaud (1989) au rond-point des Buers. Dommage que Villeurbanne ait cessé cette politique d’intervention artistique sur les ronds-points car ils sont devenus par la suite, une exception française par leur nombre et le déferlement kitschissime qui les décore !
↠ Lire l’entretien avec Yvon Deschamps
Dès 1980, à l’invitation du Nouveau musée et de son fondateur Jean-Louis Maubant, Daniel Buren réalise le premier guide de la statuaire dans l’espace public lyonnais et villeurbannais, Ponctuations : Statue / Sculpture. L’artiste créateur de l’in situ y interroge la place des œuvres dans l’espace urbain à un moment où vient de se tenir le Symposium de la Sculpture de 1980 et où le territoire lyonnais commence à se couvrir d’œuvres d’art contemporain, plus particulièrement dans les stations de métro. Par la suite, le Nouveau musée de Villeurbanne favorise continûment un dialogue entre les espaces publics et les œuvres contemporaines. Ainsi, en 1990, parallèlement à son exposition Apprendre à lire l’art, Lawrence Weiner conçoit une installation permanente dans l’espace public sous la forme de trois magnifiques jeux de Marelle.
Une grande diversité d’œuvres
Différents types de commande
Malgré ces 20 ans de retard, « il s’est passé beaucoup de choses » assure Marianne Homiridis, au point que la créatrice de la galerie des Projets estime que « Lyon est vraiment une capitale de l’art public en France ». La phrase peut paraître excessive, à tout le moins paradoxale. Selon elle, la richesse de l’art public à Lyon tient à son enrichissement continu pendant trente ans grâce à une diversité de commanditaires publics, semi-publics (avec des sociétés d’économie mixte comme LPA ou la SACVL), ou privés. En effet, pendant cette période tous les aménagements, restructurations ou constructions que ce soit d’un quartier (Gerland, Le Confluent), d’un nouveau mode de transport collectif (le métro en 1976 puis de 1991 à 1997 pour la ligne D, le tramway en 2000), d’un bâtiment public (écoles, immeubles de logements sociaux…), etc. sont dotés quasi systématiquement d’un programme de commandes publiques. La dernière commande d’envergure, consécutive à un important programme d’aménagement urbain – la Cité internationale dessinée par Renzo Piano – a donné lieu à l’installation d’une belle série d’œuvres de Xavier Veilhan, Les Habitants (2006), fonctionnant comme des repères dans l’espace décentré de la Cité.
↠ Lire l’entretien avec Xavier Veilhan : « Il faut que toute forme exprimée dans l’espace public ait un sens, un impact »
Différentes formes artistiques
Cette diversité de commanditaires correspond aussi à une variété de formes. Comme le révèle le guide « L’art contemporain dans les espaces publics du Grand Lyon », l’art est présent, à Lyon, dans toutes ses combinaisons possibles avec l’espace public : sculpture bien sûr mais aussi peinture (Raymond Grandjean), photographie, design, architecture, lumière (Yann Kersalé, François Morellet), technologies de l’image ou du son (Pierre-Alain Jaffrenou au parc de Gerland). Les régionaux côtoient les nationaux (Daniel Buren, Patrick Raynaud, Arman) et internationaux (Bill Fontana, Matt Mullican).
L'art et la discrétion
Depuis le milieu des années 80, plusieurs villes ont développé une politique ambitieuse et affirmée d’art public. Nîmes dans les années 86-90. Strasbourg en 1991 puis 1998, au moment de la réactivation de son tramway, initie un dispositif de commande publique que tous les spécialistes s’accordent à trouver exemplaire. Forte de son titre de « capitale européenne de la culture » en 2004, Lille a expérimenté de nouvelles formes, événementielles et éphémères, d’art dans l’espace public. A partir de 2007, Nantes crée l’événement Estuaire, devenu « Biennale de Nantes » qui jalonne l’embouchure de la Loire d’œuvres éphémères permettant de redécouvrir le patrimoine des rives du fleuve, redevenues lieu de vie, de promenade et de navigation.
↠ Lire « Le cas du tramway strasbourgeois » et « La Biennale de Nantes » in Place de l’art public : artistes, commanditaires et statut des œuvres, par Pierre-Alain Four.
L’agglomération a choisi une autre voie. Celle de la « discrétion » ou de la « modestie ». Pour Marianne Homiridis, il existe une « richesse d’art public à Lyon » qui s’est constituée « en dehors des modes, sans tapage de communication, de manière modeste, avec des artistes extraordinaires et des œuvres fantastiques ». Selon elle, « d’autres villes ont fait des coups, mais n’ont pas un territoire aussi homogène occupé par l’art ».
↠ Lire l’entretien avec Marianne Homiridis : « Lyon est vraiment une capitale de l’art public en France ».
Même analyse de la part de Marie-Claude Jeune qui qualifie de « discrète » la présence de l’art dans l’espace public lyonnais. Il ne s’agit pas de se distinguer par des œuvres monumentales mais d’assurer une présence diffuse et continue de l’art dans les espaces publics. « Ce qui est remarquable à Lyon, c’est la qualification des espaces publics, et notamment paysagers. Ainsi que la mise en lumière de la ville. L’art n’y est pas forcément visible, mais il est ressenti dans la qualité même de l’environnement, par la mise en lumière des bâtiments, le traitement rigoureux ou poétique du végétal, des parcs et des jardins, l’harmonisation de la signalétique comme du mobilier » explique l’ancienne conseillère pour les arts plastiques à la DRAC de Rhône-Alpes.
Une réputation internationale
Cette qualité des espaces publics, promue dès le début des années 90, jouit d’une renommée internationale. Ce traitement très qualitatif des lieux publics concerne les places, dont la plus emblématique – et aussi la plus décriée – est la place des Terreaux réaménagée par Daniel Buren, les jardins publics (et notamment les « jardins de poche » associant des artistes), les espaces paysagers, le mobilier urbain (comme les lampadaires « Tulipe » de Jourda et Perraudin à la Cité internationale).
Un laboratoire de l’aménagement urbain et paysager
Dans ces années 90, Lyon a fonctionné comme un véritable laboratoire de l’aménagement urbain, en faisant appel à des paysagistes comme Michel Corajoud (le Parc de Gerland, 2000), l’un des premiers à affirmer que « le rapport au contexte (du lieu) prime sur l’invention perpétuelle », des designers comme Jean-Michel Wilmotte, des architectes comme Jean Nouvel ou Renzo Piano, des artistes comme Daniel Buren. L’un des artisans du design de mobilier urbain, Marc Aurel, a ainsi fait ses débuts à Lyon dans les années 90 comme le rappelle une très récente monographie consacrée à l’artiste, « Domestiquer l’espace public » (éditions Archibooks).
De même, Lyon a soigné très tôt la qualité de ses éclairages publics, notamment par de subtiles mises en lumière de ses espaces : Le pont de l’Université (par Louis Clair en 1992), le Château Lumière (Roland Jéol, 1992), le dôme de l’Opéra (Yann Kersalé, 1994), L’Auditorium (Michel Pieroni, 2000), le parc de Gerland (Laurent Fachard, 2000).
Cette politique a trouvé un prolongement événementiel avec la Fête des Lumières, qui invite, depuis 2000, une grande diversité d’artistes de la lumière (éclairagistes de théâtre, scénographes, plasticiens, etc.) à prendre pour support éphémère les bâtiments, places et fontaines de la ville.
L’art en souterrain
Les interventions artistiques dans les parcs de stationnement lyonnais gérés par LPA (Lyon parc auto) sont sans doute les plus emblématiques de cette attention qualitative aux espaces publics. « Il n’y a aucun équivalent dans l’association entre art, architecture et design », explique Georges Verney-Carron, directeur d’Art / Entreprise, à l’origine de cette association. C’est le designer Yan Penor’s qui a créé l’identité graphique et la signalétique, et Jean-Michel Wilmotte la scénographie et la charte de l’identité intérieure. Les artistes (François Morellet à République, Dror Endeweld à Berthelot, Daniel Buren aux Célestins, Philippe Favier à Villeurbanne, Georges Adilon au parc Morand, etc.) ont été invités à travailler avec les architectes en amont de la conception » poursuit-il.
Au bout de 20 ans, les 16 parcs LPA constituent « une vraie collection, avec la représentation de toutes les directions de l’art contemporain des années 70 aux années 2000 » se félicite Georges Verney-Carron qui accueille régulièrement dans ces parkings des visiteurs venus du monde entier.
↠ Lire l’entretien avec Georges Verney-Carron : « La seule communication durable capable de faire évoluer l’identité d’un territoire, c’est la créativité en matière d’architecture, d’art et de design »
↠ Lire aussi « Ceci n’est pas un parc », sous la direction de François Gindre et Georges Verney-Carron, livre publié pour les 20 ans des parcs de stationnement LPA, éditions Libel. Juin 2010.
Des fresques que certains ne peuvent plus voir en peinture
Au fil des ans, Lyon s’est taillée une réputation internationale dans un autre domaine : les murs peints. Cette spécificité, volontiers tenue en mépris par le monde de l’art contemporain est pourtant bien réelle. Elle est due à la présence dans l’agglomération (mais aussi, désormais, à Québec, Berlin et Shangaï) de la Cité de la Création, une SCOP réunissant des pionniers de l’art mural en France. Eux mêmes ne se revendiquent pas « artistes », mais réalisent des fresques populaires (l’office du tourisme de Lyon a d’ailleurs mis en place des circuits « murs peints » pour voir les innombrables fresques de l’agglomération), tenant généralement compte du contexte du lien d’intervention et de ses habitants. C’est ainsi qu’en 1986, à la demande des habitants du quartier des Etats-Unis (Lyon 8e), la Cité de la Création a créé un ensemble de 24 fresques rendant hommage à l’architecte Tony Garnier et invité à créer des artistes étrangers comme Matt Mullican. Les dernières réalisations de la Cité de la Création à Lyon sont des innovations : une fresque lumière à Lyon 7e, sur un dessin de l’auteur de BD François Schuiten et une fresque végétale lumière à Lyon 1er.
↠ Lire : Le monde des murs peints, par Cité Création aux Editions Lyonnaises d’art et d’histoire. www.cite-creation.com
ACTUALITÉ DE L’ART PUBLIC À LYON
Fort de tout ce qui a été réalisé – souvent de discret mais novateur - dans le champ de l’art public au fil des trente dernières années, le Grand Lyon veut désormais reprendre une longueur d’avance. En capitalisant sur l’existant et en frappant fort avec un projet ambitieux : le projet d’art public Rives de Saône. Concomitamment, se développe 8e art, un programme original puisque lancé par un bailleur social. D’autres initiatives se font jour. A Lyon, l’art public est sous les feux de l’actualité.
Deux ambitieux projets d’interventions plastiques dans l’espace public sont en train de prendre forme à Lyon, l’un le long des rives de Saône, l’autre le long du boulevard des Etats-Unis. Mais leur ampleur ne doit pas éclipser d’autres initiatives, plus modestes, qui contribuent à enrichir le panorama de l’art public à Lyon.
Rives de Saône : « le plus grand projet d’art public en Europe »
Après le réaménagement des berges du Rhône, réalisation phare du premier mandat de Gérard Collomb, le réaménagement des rives de Saône est en cours, de la pointe du Confluent aux limites nord de l’agglomération. Le Grand Lyon a tenu à accompagner ces aménagements, qui se déploieront à terme sur 50 km de rives, par un parcours d’art public dont la direction artistique a été confiée à Jérôme Sans. Nadine Gelas, vice-présidente du Grand Lyon en charge des activités de création et des industries créatives assigne deux objectifs principaux à ce programme d’art public : « magnifier ce projet d’urbanisme tout en lui donnant une cohérence et une identité forte, et affirmer un point de vue sur l’art aujourd’hui ».
L’art public intégré en amont du projet d’urbanisme
La démarche est originale car elle associe d’emblée les maîtres d’œuvre et les paysagistes chargés du réaménagement des berges aux artistes et plasticiens invités à créer in situ. « Il ne s’agit pas d’œuvres d’art que l’on plaque sur des lieux déjà fabriqués. L’aménagement des lieux est pensé en correspondance avec le paysage et les œuvres artistiques » souligne le président du Grand Lyon Gérard Collomb. Le projet art public est donc totalement intégré au projet directeur. Pour Jérôme Sans, « il est très rare, pour les artistes, d’avoir une concertation en amont avec la maîtrise d’ouvrage, avec le contexte, les paysagistes. Et c’est bien mieux de construire des histoires qui soient plus larges, plus généreuses, comme une partition musicale ». Pour Céline Migliore, chef de projet « Art public Rives de Saône” au Grand Lyon, “Il faut que les œuvres fonctionnent avec les usages du lieu et avec le territoire ».
↠ Lire l’entretien avec Céline Migliore : “Le projet Art public participe complètement de l’aménagement des rives de Saône”.
C’est ainsi qu’à Fontaines-sur-Saône, les paysagistes Tim Boursier-Mougenot et Anne-Laure Giroud travaillent de concert avec l’artiste lyonnais Le Gentil Garçon. Il en résulte des interventions fines, soucieuses de la spécificité du paysage et attentives au petit patrimoine un peu oublié qui jalonne le site et dont le Gentil Garçon se saisit avec humour et poésie pour créer in situ.
↠ Lire l’entretien croisé des paysagistes et de l’artiste : « L’idée est de créer un monde renversé, comme derrière le miroir d’Alice ».
Directeur, conservateur, critique d’art et rockeur à ses heures, Jérôme Sans promeut un art contemporain exigeant mais ouvert, qui n’hésite pas à flirter avec la mode, le fun, l’événementiel et les autres arts. A Lyon il a co signé en 2005 la plus « sensationnelle » ou sensorielle des biennales d’art contemporain de Lyon, L’Expérience de la durée. Pour les rives de Saône, il a présenté en février 2011 les esquisses d’une première série d’une douzaine d’œuvres, imaginées par des artistes tels que Didier Fiuza Faustino, Jean-Michel Othoniel ou Le Gentil Garçon. Elles devraient être réalisées d’ici 2013.
La fonction fait l’art
L’intervention artistique la plus conséquente – elle constitue le fil rouge de l’aménagement des berges – est l’œuvre de Tadashi Kawamata. L’artiste japonais dont le matériau de prédilection est le bois créera un belvédère sur la culée de l’ancien pont d’Ainay. Il signera également, au niveau du parking Saint-Antoine, une double rampe entrecroisée en estacade permettant de marcher au plus près de l’eau. « Les Lyonnais ont besoin de retrouver le contact avec l’eau, qu’elle leur soit plus familière » explique Tadashi Kawamata qui développe une vision très fonctionnaliste de l’art public :« les interventions artistiques dans l’espace public ne sont pas faites pour l’artiste – lui, après il part ! – mais pour les habitants : il faut qu’ils en retirent une expérience. La fonction fait l’art » assure-t-il. Plus au sud, quai Saint-Vincent, Kawamata imagine une plage solarium évolutive permettant de rajouter des plateformes en fonction d’événements éventuels.
Pour Jérôme Sans dont la médiation et le rapport au public ont toujours été au cœur des problématiques artistiques, il est « capital que les œuvres soient appropriées par les premiers usagers : les habitants ». Pas question de ne proposer que des œuvres à regarder : il faut « développer des expériences qui proposent aux personnes de passer de l’autre côté du miroir, de s’inscrire dans le paysage », s’intéresser à la question des usages. C’est effectivement le cas de plusieurs œuvres : Pablo Reinoso signe des sculptures qui permettent de s’asseoir, le Gentil garçon crée une aire de jeux pour enfants, Meschac Gaba installe dix jeux de marelles, Didier Fiuza Faustino invite les promeneurs à monter dans de simili panneaux d’affichage, Jean-Michel Othoniel à prendre place dans un belvédère féérique en perles de verre coloré, son matériau fétiche.
↠ Lire l’entretien avec Jérôme Sans : « L’art dans l’espace public, c’est amener à un plus grand nombre la culture d’une époque »
8e art : des artistes au cœur de logements sociaux
Réflexion sur le désenchantement moderniste
Lancé en 2007 par Yvon Deschamps, président de Grand Lyon Habitat, le projet 8e art porte sur la mise en valeur artistique et culturelle du patrimoine qu’a en charge ce bailleur social, soit 4 600 logements le long des 2 km du boulevard des Etats-Unis, actuellement en travaux pour l’accueil d’une ligne de tramway. Une dizaine d’œuvres d’art contemporain vont être installées, en deux phases, le long de cette artère marquée, pour partie, par l’architecture « utopique » de Tony Garnier, ainsi que des ateliers d’artistes et un lieu dédié à la médiation entre habitants, acteurs locaux et artistes. Quatre œuvres de jeunes artistes européens, Karina Bisch (Paris), Armando Andrade Tudela (Saint-Etienne), Bojan Sarcevic (Berlin) et Simon Starling (Copenhague), ont d’ores et déjà été choisies et seront installées dans le courant de l’année 2011.
L’histoire architecturale et sociale du quartier des Etats-Unis constitue le point de départ du projet, comme l’explique Andrea Bellini, commissaire du comité artistique de 8e art. « D’une certaine façon, le boulevard représente tout un pan de l’histoire de l’architecture du XXe siècle, entre utopie et désillusion. C’est donc assez logiquement, et dès son origine, que le projet d’art public a souhaité faire appel à de jeunes artistes – ils sont tous nés entre 1967 et 1977 – qui ont fait de la relecture du modernisme une sorte de point de réflexion central et très actif dans leur travail » explique Andrea Bellini. Le codirecteur du musée d’art contemporain Castello di Rivoli à Turin assigne aux artistes qui travaillent dans un contexte public « une responsabilité énorme : faire en sorte que les histoires qu’ils racontent, que les traces qu’ils laissent puissent faire partie d’un récit plus vaste, d’un imaginaire partagé ».
Des artistes en « attitude d’écoute »
L’originalité de ce projet réside dans le profil atypique de son commanditaire, un bailleur social, et les dispositifs de médiation et « l’attitude d’écoute » mis en place pour porter l’art contemporain au cœur des logements sociaux. « On va ouvrir un lieu pour les ateliers et les expositions, un ancien commerce au pied d’un immeuble, et on va mener des actions avec les lycées Lumières et Lurçat, en lien avec le NTH8 (Nouveau Théâtre du 8e). Dix ateliers dont les artistes seront retenus par un jury et installés dans les locaux de Grand Lyon Habitat seront disposés sur le parcours. On a de bons retours de la population » assure Yvon Deschamps, président de Grand Lyon Habitat.
Pour Andrea Bellini, ce dialogue avec le public, et plus encore les habitants, est indispensable. « Dans une société démocratique, chaque « décision publique », chaque « geste » qui concerne le vivre ensemble doit être selon moi le fruit d’un dialogue, d’un partage, d’un échange d’expériences. Nous ne pouvons plus reproduire l’attitude paternaliste et verticale qui a perduré jusqu’à aujourd’hui à l’égard de l’espace public et qui a longtemps consisté à occuper, remplir égoïstement, ou encore de façon clientéliste, le vide des grands espaces. Il faut au contraire faire appel à des artistes capables de travailler in situ, en leur demandant d’avoir une action réciproque avec les personnes qui vivent à proximité, de comprendre qui elles sont, mais aussi quels sont leurs besoins » estime le commissaire du comité artistique de 8e art.
↠ Lire l’entretien avec Andrea Bellini : « Dans l’espace public, le meilleur mode opératoire consiste à développer une véritable ‘attitude d’écoute’ ».
Des dispositifs de médiation originaux
Le dispositif de médiation intègre une composante originale : l’accompagnement par un photographe. Pendant deux ans, qu’il effectue en résidence afin d’être au plus proche du site, ses habitants, les artistes, Cyrille Weiner suit tout le développement du projet 8e art. Son intention : « réaliser in situ une chronique énigmatique et poétique de la transformation (…) en immersion dans le quartier, — des vues urbaines, des situations, des portraits qui s’intéressent en particulier son histoire, son patrimoine et sa réalité sociale ».
Cyrille Weiner envisage le projet dans sa globalité, y compris dans son « esprit participatif » et ses processus ; il intègre donc les réunions de concertation avec les habitants et de pilotage avec les acteurs institutionnels. Il s’attache aussi à la gestation et à la création des œuvres, en atelier comme sur leurs lieux d’installation. Un recueil de paroles des différentes parties prenantes complètera sa démarche. Composante essentielle du projet, la médiation est traitée sous forme « d’objets photographiques », dont la première réalisation a été envoyée au printemps 2011 par courrier aux habitants.
D’autres initiatives
En marge de ces projets phares, se développe toute une série de projets qui viennent enrichir l’art public dans l’agglomération. En juin 2010, l’artiste américain Matt Mullican a investi le mur mitoyen de l’IAC, Institut d’art contemporain, où il exposait alors pour réaliser une fresque dont le motif « explore et modélise la relation du sujet au monde en élaborant des systèmes de signes et en déterminant cinq niveaux de perception du réel, associés à des codes couleurs ». Depuis l’été 2010, une œuvre monumentale de l’artiste chinois Wang Du a pris place à la Cité internationale, entre le Musée d’art contemporain de Lyon et l’entrée du parc de la Tête d’Or. L’installation s’est réalisée grâce à un don de l’artiste, attaché à la Ville de Lyon qui l’a accueilli à deux reprises, et le soutien de son galeriste Laurent Godin et de deux collectionneurs privés de la région.
Lire : Wang Du fait don d’un fragile monument d’acier
Confluence : des artistes dans tous les bâtiments<
A l’image de ce qui a été fait dans les parcs de stationnement lyonnais par Art / Entreprise – l’association systématique d’un artiste à l’architecte – plusieurs immeubles du quartier de la Confluence intègrent l’intervention d’un artiste. « Cela a été une chance pour nous de pouvoir travailler avec VNF (Voies navigables de France) et son président François Bordry. Nous avons pu monter ensemble un concours d’architecture en demandant, dans le cahier des charges, une association artiste / architecte. L’œuvre d’art se construit donc en même temps que l’immeuble » explique Georges Verney-Carron, directeur d’Art / Entreprise. C’est ainsi que L’Entrepôt des douanes (siège du Groupe 45), conçu par Jean-Michel Wilmotte, associe l’artiste Krijn de Koning, le cube orange (siège de Cardinal), conçu par Brendan Mc Farline associe Philippe Cazal et le pavillon 8 (futur siège de GL Events) conçu par Odile Decq accueille une intervention de Felice Varini.
Cette association va dans le sens du manifeste « des artistes pour faire la ville » lancé en 2002 par Georges Verney-Carron, Bruno Macé et François Barré, qui affirme que « pour retrouver dans les villes un sens et des espaces où nous rencontrer, il faut que les artistes y aient droit de cité. »
Lire le manifeste « des artistes pour faire la ville ».
Des jardins partagés
Plusieurs initiatives mêlant art, écologie et participation voient le jour dans l’agglomération. La plus ancienne est celle portée par la Galerie Roger Tator et l’artiste Emmanuel Louisgrand sur (Lyon 7e). Cette intervention s’est déployée, au départ, autour d’une sculpture et de plantations d’amaranthes dans un délaissé urbain de la Guillotière. Cette invasion du végétal dans un espace très minéral a séduit d’emblée la population qui s’est investie dans le projet en « jardinant » plusieurs parcelles de l’îlot. Progressivement, l’îlot s’est étendu : le parking attenant a été planté d’acacias et a accueilli des événements publics, puis un terrain mitoyen est devenue une prairie. « Le déroulement de cette expérience est unique en France et a servi d’expérimentation à tout le monde : à nous, comme au Grand Lyon, propriétaire de l’espace public, et aux autres partenaires publics. Ensemble, nous avons appris à cadrer une intervention venue d’acteurs de la base, du terrain » souligne Laurent Lucas, co-fondateur de la galerie Tator.
Aujourd’hui, le travail d’Emmanuel Louisgrand est a priori terminé et le jardin a été cédé en 2008 à une association de jardiniers à vocation sociale, Brind’guille. Mais le devenir du quartier, encore en déshérence, n’est pas encore assuré. Une concertation vient d’être lancée autour de l’avenir de l’îlot Mazagran, largement suivie par les habitants, dont beaucoup se sont investis sur l’îlot d’amaranthes et se préoccupent de son sort.
La galerie Roger Tator, spécialisée dans le design d’espace a expérimenté d’autres sortes d’interventions dans l’espace – s’appuyant notamment sur le dispositif du 1% - et donné carte blanche à de nombreux artistes pour sortir de la galerie et déborder dans l’espace urbain. Elle porte actuellement le projet d’installations temporaires d’ateliers d’artistes dans des containers intitulé Factatory.
Autre expérience de jardin partagé, celle portée par l’Atelier des friches, animé par la plasticienne Céline Dodelin et le paysagiste François Wattellier. Ils investissent friches et trottoirs pour attirer le regard sur la présence de la nature en milieu urbain. Ils proposent des interventions artistiques et végétales qui sont aussi des événements ouverts et participatifs. Ils développent depuis 2006 le projet « Théâtres végétaux » sur le territoire de Gerland, avec les habitants, et singulièrement une école primaire du quartier. Leur expérience sera relatée de diverses manières : exposition, projection de film et promenades buissonnières lors d’un petit événement intitulé « Notre ville, nos », de fin mai à début juillet 2011 à la bibliothèque de Jean Macé (Lyon 7e).
La Duchère : l’art en chantier et en concertation
Le processus de renouvellement urbain à l’œuvre à la Duchère (Lyon 9e) s’est accompagné de toute une série d’interventions artistiques éphémères. Le Grand Projet de Ville Lyon La Duchère est en effet l’un des premiers projets de rénovation urbaine à s’être doté d’un volet culturel associant les forces vives du quartier et de la ville. La compagnie Là Hors De a été sollicitée pour être la figure de proue de ce projet culturel, et s’est installée en résidence à la Duchère en 2005 pour y mener son projet Sputnik, conçu comme « une présence artistique au cœur des enjeux de mutation du quartier ».
Là Hors De a longuement interrogé les habitants sur ce qu’ils vivaient dans cette période de mutation urbaine avant de créer et laisser une trace. Une partie de leurs interventions a porté sur la barre des 220. Pendant la phase de relogement, des artistes ont investi les appartements vides pour y installer des créations originales, constituant un « musée éphémère » voué à disparaître avec la démolition de la barre.
Ce lieu de création a également accueilli des œuvres participatives réalisées avec des habitants, des lectures en appartement (par le collectif Les Hauteurs) et autres performances. Lors de la fête des Lumière 2008, tout le quartier s’est mobilisé pour réaliser un travail graphique de 2700 m2 sur la façade de la barre. Certaines palissades de chantier ont également été le support d’actions artistiques, et notamment d’une exposition de portraits des commerçants du Plateau de la Duchère, réalisés par la photographe Aurélie Haberey.
Mais si le GPV La Duchère a favorisé de nombreuses interventions artistiques éphémères pendant le chantier, aucun crédit n’était fléché sur la création d’œuvres pérennes d’art public. C’est à la suite d’un important travail participatif que la volonté est venue, notamment de la part des habitants, d’installer des œuvres pérennes à la Duchère. L’idée : « contribuer, à travers des interventions artistiques, à créer un lien et une harmonie entre les espaces publics actuels et futurs du quartier ».
La concertation sur l’aménagement du square Averroès et de la place Abbé Pierre a ainsi donné lieu à toute une réflexion sur l’art public, déclinée en une série de quatre « Entretiens de La Duchère sur l’art urbain » pédagogiques, gratuits et ouverts à tous. Il s’agissait d’un véritable travail de sensibilisation des habitants à l’art dans la ville.
A l’issue de ce processus, plusieurs idées ont germé. La ZAC a décidé de financer sur son budget la remise en eau de la fontainerie de l’œuvre l’Esplanade de la Compas Raison, installée au pied de la Tour Panoramique. Le maître d’œuvre du square Averroès, Alain Marguerit a proposé – et financé sur le budget d’aménagement - l’intervention de l’artiste géorgien Djoti Bjalava. Pour le square, l’artiste a réalisé pendant l’été 2010 quatre sculptures qui seront sans doute installées au début de l’été. Enfin, une opération de concertation est actuellement en cours pour l’implantation d’une œuvre dans le parc du Vallon, bénéficiant d’un financement de 30 000€ de la Ville et de la Région dans le cadre de la politique de la ville. Pour ce projet participatif d’implantation d’une œuvre d’art, un groupe de 15 habitants a contribué à l’écriture des grandes lignes du cahier des charges en vue du lancement d’un marché public cet automne. Deux habitants tirés au sort participeront également au comité de sélection qui devrait se réunir fin 2011 pour une livraison de l’œuvre en 2013. Il s’agit là d’un exemple assez exceptionnel de sensibilisation et d’association d’un large public à l’art urbain.
Lire les comptes rendus des quatre ateliers :
ET DEMAIN ? PERSPECTIVES DE L’ART PUBLIC À LYON
Entretenir et valoriser l’existant
Le rigoureux travail de recensement des œuvres d’art dans l’espace public du Grand Lyon réalisé, par Marianne Homiridis et Perrine Lacroix peut constituer un bon point de départ à une démarche de valorisation des 300 œuvres qui constituent ce « musée à ciel ouvert ».
Cette valorisation passe d’abord par un travail de restauration, car certaines œuvres sont dans un état déplorable – en particulier les plus anciennes, dans le quartier de la Part-Dieu. D’autres, plus récentes, ne fonctionnent plus et n’ont donc plus aucune visibilité. C’est le cas des cartes postales sonores de l’artiste américain Bill Fontana disposées le long de la ligne de tramway La Doua / Perrache en 2000.
Ce problème de maintenance et d’entretien des œuvres d’art public est lancinant. Il se pose également à Paris pour les 7 œuvres disposées le long du tramway inauguré en 2007. Ainsi la cabine téléphonique intitulée « fleur aux larges pétales métalliques » que l’artiste Sophie Calle est censée appeler cinq fois par semaine à des heures aléatoires pour converser avec les passants est maculée d’inscriptions peu amènes, du style : « Toujours aucune nouvelle de Sophie, qu’elle aille se faire… ».
Pour Marie-Claude Jeune « l’entretien, la protection et la restauration des œuvres « publiques » constituent un véritable problème qui aujourd’hui préoccupe fortement les commanditaires. (…) Dans les clauses du contrat passé avec les artistes, il est indispensable d’engager la responsabilité des commanditaires pour éviter de revoir tant d’œuvres abîmées, enlevées, laissées à l’abandon. Tout contrat passé avec un artiste pour la réalisation d’une œuvre dans l’espace public doit contenir un descriptif précis des conditions d’entretien ».
Valoriser, c’est aussi, tout simplement, informer de l’existence des œuvres et de leur auteur, en mettant des cartels là où il n’y en a plus, en concevant une signalétique originale ou en pensant des parcours ou des événements spécifiques. A l’image par exemple des « fiches de visite » sur l’art contemporain dans les espaces publics – sur la rive gauche des berges du Rhône et à Villeurbanne - conçus pour les Journées Européennes du Patrimoine de 2010.
C’est à l’occasion de ce même événement que la Ville de Lyon a inauguré un parcours commenté sur « Art et Paysage : le parc de la Cerisaie ». Il présente les différentes œuvres disposées dans le parc, pour la plupart au début des années 80. Parmi elles : Autoportrait de Jean-Pierre Raynaud, œuvre réalisée dans son matériau fétiche, « le carrelage blanc, basique, quinze sur quinze ». Récemment restaurées (pour un montant de plus de 48 000€ TTC), ces œuvres – qui étaient dans un état déplorable - bénéficient qui plus est d’une nouvelle signalétique.
Réinventer la commande et la production
Beaucoup d’œuvres d’art public sont réalisées grâce au dispositif du 1% qui permet, depuis 1951, le financement d’une œuvre monumentale ou de décoration destinée à un bâtiment construit sur les deniers publics (sur la base de 1% du coût total de la construction).
Les limites du 1%
Si ce dispositif a permis la création de nombreuses œuvres, il comporte certaines limites. « La loi du 1% prévoit d’inclure de l’art à l’intérieur d’une architecture, mais pas du tout dans la rue. Le 1% est une drôle de conception de l’art, c’est bien car ça fait bosser des artistes, mais il n’y a pas de connexion entre la voirie et la culture : c’est un no man’s land ! » souligne Hauviette Bethemont, critique d’art lyonnaise. De fait, la plupart des œuvres d’art financées par la Région dans les lycées ou par le Département dans les collèges ne sont pas sur la voie publique, mais dans un espace certes public mais inaccessible au tout venant.
D’où l’idée défendue par certains de promouvoir une sorte de « 1% universel » généralisé à toutes les opérations techniques, et qui puisse être mutualisé à l’échelle d’un quartier, d’un morceau de ville. C’est notamment ce qu’avait fait inscrire Yvon Deschamps au premier plan de mandat de Gérard Collomb en 2001, mais personne ne s’est saisi de cette opportunité.
Autre limite du 1% : le choix des œuvres effectué dans ce cadre passe systématiquement par un comité de sélection piloté par l’Etat qui est régulièrement accusé de privilégier un certain type d’art et d’artistes, voire de s’en tenir à une liste d’artistes dits « officiels ».
Une commande publique qui prend en compte la diversité de la création
Même quand la commande ne relève pas stricto sensu du 1%, la participation de l’Etat – aux côtés d’autres partenaires et collectivités publiques – impose bien souvent un mode de sélection assez fermé. Alain Lovato, président de la MAPRA (Maison arts plastiques Rhône-Alpes) et secrétaire général de la Maison des artistes s’inquiète vivement de cette « centralisation génératrice de pensée unique » : « Le citoyen du Grand Lyon, de Rhône-Alpes n’aurait-il pas naturellement droit dans le domaine culturel au financement de l’Etat sans que sous prétexte de cette participation le projet soit automatiquement inféodé au Ministère et à ses choix artistiques ? » demande l’artiste plasticien.
Pour Alain Lovato, « ce n’est pas à l’administration d’écrire l’histoire de l’art à la place des artistes en définissant dans les 360° de la création actuelle quel est le segment qui doit être montré aux publics. » Il prône « une commande publique sans discrimination, tenant compte de la diversité de la création » car c’est la meilleure possibilité de jeter des passerelles entre le grand public et la création contemporaine ». Or cette commande publique repose trop souvent selon lui « sur le nom de l’artiste, son âge, sa place dans le marché de l’art et son positionnement par rapport aux lieux institutionnels ou assimilés. Aujourd’hui, on ne va pas chercher des projets mais une marque, c’est plus facile pour communiquer » regrette-t-il. Résultat : le représentant des artistes en Rhône-Alpes constate qu’ « aujourd’hui, beaucoup de créateurs ne postulent plus aux appels à artistes en particulier les 1% car ils estiment que tout est coincé ».
↠ Lire l'entretien avec Alain Lovato, directeur de la MAPRA
Face à ces risques de fermeture et de blocage, toutes les initiatives permettant d’associer une diversité de personnes au choix de l’œuvre peuvent « ouvrir le jeu ». C’est ainsi que pour la commande publique au parc du Vallon à la Duchère, les habitants ont été associés à la définition du cahier des charges et deux d’entre eux ont été tirés au sort pour participer au comité de sélection.
De nouveaux types de commande
Pour Léa Marchand, responsable du pôle sensibilisation pour l’association Robins des villes, « l’innovation dans l’art public passe par la réinvention de la commande et de la production. On est toujours dans la logique très descendante d’une commande publique portée par la conviction que l’art peut aider à valoriser un site, l’action d’une collectivité, le mandat d’un élu. Et ce n’est pas une mauvaise chose que l’art public entre en compte dans le rayonnement territorial. Ce qui est regrettable, c’est que les logiques plus ascendantes et participatives n’ont pas toujours la place ou assez de soutien pour exister » explique la jeune diplômée d’un master « projets culturels dans l’espace public » (Paris 1).
Elle cite des modes de commandes alternatifs, comme celui des Nouveaux commanditaires de l’art, programme initié en 1991 par la Fondation de France, pour susciter et accompagner une demande qui émerge d’une volonté citoyenne formulée par des « commanditaires » issus de la société civile.
« Ils inversent la logique de commande : ce sont les citoyens qui deviennent les commanditaires d’une œuvre d’art. A travers ce programme, ils sont mis en relation avec les artistes contemporains. Par la suite, une méthodologie est déployée pour co-construire la commande et le projet artistique. Ces démarches sont à valoriser et posent de manière novatrice les questions de la médiation et de l’expertise artistique » estime-t-elle.
Proposer d’autres modes de relation aux publics
Ouvrir le champ de l’art public, c’est donc bien permettre la coexistence de différentes formes d’interventions artistiques et de relation aux publics dans la ville. Cela suppose, de la part des collectivités publiques, qu’elles soient « à l’initiative de commandes d’art public tout en accompagnant et soutenant des initiatives participatives en prise avec le territoire même si elles n’en ont pas totalement la maîtrise » estime Léa Marchand de Robins des villes.
↠ Lire l’entretien avec Léa Marchand : « L’innovation dans l’art public passe par la réinvention de la commande et de la production ».
Privilégier l’art comme expérience : le cas Veduta
Présenté comme « une traversée de la diversité des cultures visuelles dans la Biennale de Lyon », la manifestation Veduta, présentée dans le cadre de la Biennale d’art contemporain de Lyon, propose des mises en relation originales avec le public.
« On considère que le problème ne réside pas dans la difficulté de l’art contemporain mais dans son éloignement du public. Avec Veduta, on intervient beaucoup dans les quartiers en renouvellement urbain : or dans ces quartiers, c’est simple : il n’y a pas d’œuvre. Il faut donc mettre un maximum d’œuvres au contact du plus grand nombre, c’est-à-dire dans l’espace public, ce qui englobe une infinité de possibles » estime Abdelkader Damani, directeur du projet Veduta, Biennale de Lyon. C’est porté par cette conviction que « la meilleure des médiations c’est la rencontre de l’art », que le projet Veduta multiplie les propositions artistiques dans les lieux publics les plus éloignés de tout contact à l’art.
Les différents projets prévus pour l’édition 2011 de Veduta, à l’automne prochain, privilégient clairement l’ouverture, la participation et la collaboration, bref « l’expérience de l’œuvre d’art ». Au Grand Parc Miribel Jonage, Yona Friedman interviendra avec son concept de « musée du XXIe » conçu comme « une invitation faite au public de venir exposer, dans une structure ouverte et légère, un objet qu’il a plaisir à partager ». Pour scénographier cet espace, l’artiste propose tout simplement de procéder à une élection sur place, et la personne élue par le groupe décidera de l’emplacement des objets. Pour Abdelkader Damani, c’est une façon de « faire disparaître toute distance entre l’œuvre et le public ».
Dans le cadre de Veduta, un autre musée, « le Cube blanc » sera installé au pied des immeubles du quartier du Sablon-Berthaudière à Décines. Dans cet espace de 6m d’envergure, un groupe d’habitants programmera librement des expositions à partir des collections du Musée d’art contemporain de Lyon et « expérimentera » ainsi la fabrique d’expositions, c’est-à-dire la mise en scène d’une pensée à partir d’un choix d’œuvres.
Cette relation à l’art privilégiant l’expérience au discours est proche de la vision développée par Jérôme Sans dans le projet d’art public « Rives de Saône » : il faut développer des expériences qui proposent aux personnes de passer de l’autre côté du miroir, de s’inscrire dans le paysage » préconise le directeur artistique.
Laisser des espaces ouverts
L’espace public étant soumis à des règles d’occupation assez strictes, il n’est pas très aisé de s’en saisir comme un lieu privilégié de libre expression ou de création spontanée. Au risque de se mettre hors la loi. « On assiste pourtant à l’émergence d’une multitude de propositions, venues notamment des pays anglo-saxons, qui se tiennent dans l’espace public, avec ou sans autorisation, à l’initiatives d’artistes ou de collectifs » constate Pierre-Alain Four.
↠ Lire « L’art public en kit » in « Place de la l’art public : artistes, commanditaires et statut des œuvres », Grand Lyon Vision Culture.
Sans revenir sur les nombreux tags et graffitis, premiers signes d’une appropriation artistique sauvage de l’espace public, qui ont investis, le plus souvent, les lieux en friche de l’agglomération lyonnaise, on peut citer l’initiative du collectif Kanardo – aujourd’hui installé sur la Côte Atlantique -, qui avait truffé l’espace public lyonnais de panneaux de signalisation fantaisistes.
L’expérience de l’îlot d’amaranthes, à Lyon 7e, illustre bien également l’intérêt qu’il peut y avoir à laisser artistes et habitants d’un quartier, investir un lieu qui n’avait pas de destination ni de traitement particuliers. A partir de cette intervention artistique, de nouveaux usages, privilégiant la convivialité et le partage, ont été favorisés. Loin d’être figée comme l’imposent généralement les cadres rigides de la commande publique, l’œuvre n’a cessé d’évoluer dans le temps ; elle a été réactivée à plusieurs reprises, grâce à un financement étalé sur 5 ans, permettant un développement de la pièce sur la durée. « Il faudrait des commandes publiques comme celles-ci, qui bougent, se déplacent dans l’espace et se développent dans la durée » préconise Laurent Lucas, fondateur de la galerie Roger Tator.
« Je trouve qu’à Lyon, il manque parfois de possibilités d’appropriation et de transformation, notamment collectives, de l’espace public par des pratiques qui n’auraient pas été pensées, anticipées. Les espaces publics offrent parfois peu de marges de transformation. On pourrait laisser des espaces en friche, et générer des structures associatives pour faire vivre et animer ces espaces » propose Léa Marchand.
Introduire des œuvres éphémères
Offrir des possibilités de transformation, d’animation, d’évolution, c’est justement le propos des spectacles dits « vivants » qui se frottent de plus en plus aux arts plastiques – et vice versa - pour investir l’espace public. C’est le cas bien sûr, comme leur nom l’indique, des arts de la rue qui bénéficient, dans l’agglomération, d’un lieu de fabrication : Les Ateliers Frappaz, d’un festival : Les Invites et de compagnies de premier plan comme KompleXKapharnaüM.
Les Invites sont à la fois un moment de transformation urbaine, qui fait appel à des scénographes et des plasticiens, et un temps où l’art vivant investit l’espace public. Ce déploiement et ce débordement artistique sur l’espace public est de plus en plus présent dans les événements culturels. La Biennale de la Danse de Lyon a donné le ton en organisant un Défilé mêlant professionnels et amateurs de l’ensemble de l’agglomération, voire la région, en plein cœur de Lyon. Mais aussi en invitant des chorégraphes à prendre pour scène rue, places et immeubles, à l’image de la compagnie Julie Desprairies dansant en 2006 dans les Gratte-Ciel de Villeurbanne. Ou de la Biennale d’art contemporain avec l’art sur la place puis Veduta (lire plus haut).
Même les événements littéraires, comme tout récemment « Paris en toutes lettres », invitent les écrivains à investir, physiquement, des lieux du quotidien pour créer in situ et laisser des traces. A Valence, Richard Brunel créée en mai 2011 la première édition d’un événement intitulé Ambivalence, qui se propose de « transformer Valence pour qu’elle devienne toute entière décor, écrin éphémère des fictions imaginées et représentées par jeunes auteurs ».
Le secteur dit institutionnel des arts plastiques s’ouvre lui même, et de plus en plus, à d’autres disciplines et d’autres temporalités dans l’espace public.
L’IAC, Institut d’art contemporain de Villeurbanne a ainsi invité l’auteur multi-supports Jean-Charles Massera, dans le cadre de son projet Kiss My Mondialisation réalisé pour l’Institut en novembre 2010 – à créer des affiches pour le réseau d’affichage public de Villeurbanne. Son but : susciter un questionnement auprès des passants, inscrire une libre pensée dans un environnement généralement dévolu aux messages publicitaires.
Alors que Didier Courbot exposait dans ses locaux, Le CAP de Saint-Fons a sollicité cet artiste paysagiste pour une suite d’interventions éphémères dans des jardins privés de la ville à l’automne 2010. De plus, fin mai 2011, le CAP montre une première restitution de la résidence des artistes turinois Raffaella Spagna et Adrea Caretto en vallée du Rhône, entre la Vallée de la Chimie et le Port de Valence. « L’exposition offre un écho critique et plastique aux enjeux politiques actuels de réconciliation avec le fleuve » explique Anne Giffon-Selle, directrice du CAP de Saint-Fons. Autre équipe artistique liée au CAP de Saint-Fons, le Groupe Moi, collectif d’artistes de plusieurs disciplines dont le graphisme. Lors de leur résidence à Saint-Fons ils ont proposé plusieurs performances artistiques mêlant arts plastiques et spectacles vivants.
C’est bien ce que préconise Philippe Chaudoir, spécialiste en sociologie des politiques urbaines. « Je crois qu’il faut inventer d’autres formes d’interventions plastiques dans l’espace public, plus évolutives, plus surprenantes, plus interactives » qui correspondent à ce qu’on appelle, de plus en plus, « un urbanisme temporaire ». « A côté de la démarche classique de poser des objets dans l’espace public, il faut permettre que se développent des processus qui permettent des évolutions » poursuit Philippe Chaudoir.
↠ Lire l'entretien avec Philippe Chaudoir, président des Ateliers Frappaz à Villeurbanne.
Même analyse de la part de Léa Marchand qui jugerait intéressant que la commande publique introduise « des œuvres qui ne soient pas forcément pérennes, intègre des formes issues des arts de la rue, des arts audio-visuels, de la chorégraphie, etc. Et qu’un brassage des genres et des temporalités puisse exister ».
Mais le principal frein à cette ouverture de la commande publique à des formes, genres et temporalités diverses réside dans le souci de l’entretien et de la maintenance. Pour durer dans l’espace public, les œuvres doivent donc bannir toute fragilité. Développer des commandes publiques d’œuvres éphémères ou à durée limitée permettrait d’alléger cette contrainte.
Car en imposant la durabilité et la solidité, les commandes publiques ont tendance à exclure, de fait, un pan entier de la création en devenir : les nouvelles technologies.
« Il me semble important, dans un monde qui va très vite, dans lequel le sentiment d’ubiquité induit par l’envahissement d’Internet et des technologies de l’information et de la communication, constitue un changement majeur de notre société, que cette question soit également prise en compte par l’artiste » qui intervient dans l’espace public estime en effet Marie-Claude Jeune, présidente de l’ADERA, Association des directeurs des écoles d’art de Rhône-Alpes.
D’autant que les nouvelles technologies sont elles-mêmes porteuses d’un fort potentiel d’expression dans l’espace public, via, notamment, la réalité augmentée. Les Tanukis, société installée à Villeurbanne et membre du pôle de compétitivité Imaginove développe ainsi le projet provisoirement intitulé « Vis ta ville » qui devrait permettre d’ « ouvrir un espace virtuel à la culture dans la ville ». L’idée de départ était de faire des graffitis sans détériorer l’espace urbain via une application sur smart-phone qui permet de peindre virtuellement sur une façade préalablement équipée puis de laisser l’image ancrée sur le site afin de la rendre visible à d’autres. Cette technique offre de nombreux débouchés – les Tanukis travaillent actuellement à une application de visite guidée de Saint-Jean pour la mi 2012 – mais le but de son dirigeant est clair : « faire du contenu culturel en Rhône-Alpes » explique Damien Briatte, directeur des Tanukis et président d’Imaginove. « Cette technique va nous permettre de diffuser des jeux, des web-documentaires, des expos temporaires, etc. Bref de faire sortir des contenus de la télé et des ordinateurs dans la rue » poursuit Damien Briatte.
CONCLUSION
Installée en 2005, l’arbre à fleurs de l’artiste coréen Choï, posé au-dessus d’un grand axe routier en cœur de ville, est sans doute la plus visible des œuvres d’art public dans l’agglomération. Monumentale, colorée, réjouissante. Mais elle est bel et bien l’arbre qui cache la forêt.
Plus de 300 œuvres de toutes sortes jalonnent en effet le territoire du Grand Lyon. Cette richesse est bien souvent insoupçonnée parce que discrète, diffuse et multiforme. Pourtant, cette collection d’œuvres qui gagnerait à être restaurée, mise en visibilité et valorisée continue aujourd’hui encore d’être enrichie.
Il est une spécificité lyonnaise, en revanche, qui a su se tailler une réputation internationale : la qualification artistiques des espaces publics et paysagers. Dans ce domaine, Lyon a été innovante. Et entend le rester, et le faire savoir.
Par son ampleur, le projet d’art public Rives de Saône, actuellement en gestation, devrait offrir au Grand Lyon cette visibilité locale, nationale et internationale. Car Rives de Saône reprend un des points forts initiés à Lyon : l’association des artistes aux maîtres d’œuvre en amont des projets d’aménagements. Il y a là une spécificité reconnue, et féconde.
La démarche adoptée par 8e art, ambitieux projet d’art public porté par Grand Lyon Habitat est très différente, mais pas moins intéressante, en ce qu’elle développe des médiations originales et « une attitude d’écoute » à l’environnement architectural et social.
Bien d’autres projets d’art public, plus modestes se développent par ailleurs dans l’agglomération. Chacun s’inscrit, à sa manière, dans les évolutions de l’art public aujourd’hui. Ces projets inventent de nouveaux modes de productions, initient d’autres modes de relation aux publics, plus participatives ou expérimentales s’ouvrent à d’autres disciplines pour explorer d’autres temporalités, éphémères voire virtuelles.