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Mutations des systèmes de soin et du domaine de la santé

Étude

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Date : 29/06/2004

Santé : Chronologie nationale
Davantage que la chronologie lyonnaise, la chronologie nationale se concentre sur la période récente, et notamment sur les mutations du secteur de la santé et les grands enjeux apparus depuis le début des années 1980.

LEGENDE :
Système de soins et politique publique en matière de santé
Formation médicale, recherche et découvertes dans le domaine de la santé, applications industrielles, débat à portée éthique
Risques sanitaires
Enjeux de la proximité (réseaux de soins, télémédecine..), de la prise en compte des usagers (humanisation, accueil, vieillissement)
Enjeux de protection sociale généralisée et d'égalité face à la maladie.
Cette différenciation ne va pas toujours de soi en raison de l'imbrication des faits et des enjeux (à titre d'exemple, le dopage soulève des questions d'éthique sportive mais aussi de risques sanitaires pour les sportifs, d'où un arbitrage peu facile qu'il nous faut rendre).

19ème siècle : Progrès de l'hygiène et de la médecine avec notamment la mise au point de méthodes antiseptiques, la découverte du procédé de l'anesthésie générale (1846). la La médecine clinique se développe avec une différenciation des pathologies et la création de services spécialisés dans les hôpitaux. Amélioration des conditions d'hospitalisation (suppression des lits à deux places et apparition du lit individuel en 1830).

1894 (30 novembre) : Loi sur les Habitations à Bon Marché (HBM), ancêtres des Habitations à Loyer Modéré (HLM).

1898 (9 avril) : Loi sur les accidents du travail.

1906 : Instauration du repos hebdomadaire obligatoire.

1920 : Création du Ministère de l'Hygiène, de l'Assistance et de la Prévoyance Sociale. Les premiers ministères sociaux trouvent leur origine dans l'ancienne direction générale de l'Assistance Publique du Ministère de l'Intérieur à laquelle ont été joints, en 1920, les services de mutualité, d'assurance et de prévoyance sociale, enlevés provisoirement au Ministère du Travail.

1928-30 : Législation sur les assurances sociales.

1932 : Législation sur les allocations familiales.

1936 : Instauration des congés payés et de la semaine de 40 heures.

1945 : Création de la Sécurité Sociale et de la protection maternelle et infantile.

1945 - années 70 : Construction d'hôpitaux, d'un système de santé et d'assurance maladie, dont le principal objet est de vaincre la maladie et de prendre en charge les conséquences du risque. Progrès dans les résultats thérapeutiques et dans l'équipement sanitaire. Différenciation entre le social, le médico-social et le sanitaire. La médecine bénéficie d'un grand prestige alors que le travail social souffre au contraire d'un déficit de reconnaissance.
Alors que jusqu'au milieu du 20ème siècle, l'hôpital est réservé à la population défavorisée, celle qui n'a pas les moyens de payer des soins médicaux, il s'ouvre ensuite à toutes les couches sociales.

1946 (22 juillet) : Adoption à New-York de la Constitution de l'OMS (Organisation Mondiale de la Santé) par les représentants de 61 Etats. La santé est ainsi définie : "La santé est un état complet de bien-être physique, mental et social, qui ne consiste pas seulement en l'absence de maladie ou d'infirmité".

1952 : Hiver terrible, des sans abri meurent de froid. Appel de l’abbé Pierre et mise en place du Mouvement Emmaüs.

1953 : Découverte de l'ADN.

1958 (30 décembre) : Loi Debré créant les Centres Hospitaliers Universitaires (CHU), réformant l'enseignement et la recherche médicale. L'intervention de l'Etat se traduit par des apports financiers importants et le contrôle des projets. Près de 90 000 lits sanitaires sont construits entre 1958 et 1970. L'époque est à la construction de grands hôpitaux monoblocs, parfois en barres ou en tours, symboles de modernité et de fonctionnalité.
Il apparaît rapidement que ce type d'hôpital ne peut évoluer en fonction des besoins changeants de l'hôpital. De plus, ces hôpitaux sont coupés de leur environnement social et urbain, l'aménagement intérieur est impersonnel, peu pensé pour l'accueil du patient.

Années 60 : Première prise de conscience du dopage (mort du cycliste Tom Simpson) et début d'une lutte antidopage par le Comité International Olympique (C.I.O). Elle est inefficace tant les produits sont peu décelables (amphétamines, stéroïdes anabolisants, corticoïdes). Ce n'est qu'en 1973 que les recherches permettent de déceler les anabolisants interdits un an plus tôt, en 1974 qu'on arrive à repérer des substances apparentées aux amphétamines et en 1976 que les premiers contrôles sont effectués à Montréal.

1964 (30 juillet) : Décret portant réorganisation et fixant les attributions des services extérieurs de l'Etat chargés de l'action sanitaire et sociale.

1970 (décembre) : Une réforme hospitalière créée la carte sanitaire et institue le "service public hospitalier" qui définit les modalités de participations des cliniques privées au service public. La carte sanitaire constitue un cadre autoritaire dans lequel sont réparties les capacités sanitaires (nature et importance des équipements) dans chaque région et par secteur sanitaire. Par arrêté ministériel, sont fixés l'offre quantitative de soins en fonction de la population (par exemple le nombre de lits par secteur sanitaire). C'est la consécration de l'hospitalo-centrisme instauré par la loi Debré et d'une approche quantitative de la santé.

1976 : L'Interruption Volontaire de Grossesse (IVG) devient légale en France.

1977 : Deuxième crise pétrolière et accélération des mutations économiques : les actifs peu qualifiés et leurs familles sont les premiers touchés par les effets de la crise. Spirale de paupérisation et de marginalisation vis-à-vis du marché de l’emploi, naissance de l’exclusion en tant que phénomène socio-économique touchant les fractions les moins qualifiées des ouvriers et employés, avec un phénomène cumulatif pour les familles d’origine étrangère. Cette paupérisation se répercute sur la santé de ces populations.

1981-82 (autour de) : Apparition du virus du SIDA (acronyme de Syndrome d'Immuno-Déficience Acquise). Il a touché 40 millions de personnes dans le monde en moins de vingt ans, dont 11 millions sont décédées (2.3 millions en 1997). Le continent africain concentre le plus de cas (70%).

1981-82 : Premières contaminations de bovins en Grande Bretagne. Un procédé de fabrication de farines animale, remanié en 1980 pour un gain d'énergie, pousse les industriels à réduire la température d'exposition des farines. Il faut attendre juillet 1989 pour que l'Union Européenne interdise partiellement l'exportation de viande britannique. Une relation entre l'ESB (Encéphalopathie Spongiforme Bovine) et une nouvelle variante de la maladie de Creutzfeld-Jacob est établie.
L'opinion publique découvre à cette occasion que les vaches sont devenues carnivores (mais l'apparition des farines animales date de près d'un siècle). Méfiance croissante envers les produits alimentaires.

1983 : Création du Comité national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé. C'est le premier comité de ce type dans le monde.

1983 : Initiatives prises par le Comité Français d'Education pour la Santé (CFES), pour agir en faveur de la prévention des accidents de la vie courante. Mise en place de dispositifs de recueil d'informations épidémiologiques, de législations, de réseaux d'alerte, campagnes nationales de communication, formation d'intervenants médico-sociaux et éducatifs. C'est au début des années 80 que des équipes de chercheurs en santé publique réalisent et publient les premières études françaises sur les accidents de la vie courante. Jusque-là, on parle très peu de ces accidents qui tuent pourtant davantage que les suicides ou que les accidents de la route.

[Définition : Les accidents de la vie courante se définissent comme étant les accidents survenant au domicile ou dans ses abords immédiats, sur les aires de sports ou de loisirs, à l'école, et tous ceux survenant à un autre moment de la vie privée, à l'exception des accidents de la circulation, du travail, des suicides et des agressions. Direction générale de la santé]

1985 (autour de) : Apparition en France des réseaux de soins pour des actions ponctuelles (toxicomanie, SIDA..). Ils associent les caisses de Sécurité Sociale, des hôpitaux, des médecins, des laboratoires pharmaceutiques et industriels, des associations, pour la prise en compte thérapeutique d'une pathologie ou d'une population.

1986 : Sous l’égide de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), signature à Ottawa de la charte de promotion de la santé. Elle souligne que la justice sociale et l’équité font partie des préalables à l’amélioration de la santé avec l’éducation, le logement, une nourriture convenable et un apport durable de ressources.

1986 : L'"incident" de la centrale nucléaire de Tchernobyl (Ukraine) provoque une très forte sensibilisation des opinions publiques occidentales aux risques technologiques majeurs.

1987 : Le rapport Brundtland popularise le concept de développement durable.

1988 (décembre) : Loi créant le RMI (Revenu Minimum d'Insertion), associant une prestation et une démarche d'insertion sociale et professionnelle (mais demi-échec de ce second volet). Le cap des 1 million de RMistes est franchi en 1997.

1989 : Effondrement du mur de Berlin. La fin des systèmes fondés sur une économie socialiste planifiée place les pays d'Europe centrale et orientale dans un grand état de pauvreté. La migration de certaines de ces populations vers la France pose des question de précarité et de prise en charge sanitaire.

1990-91 : Entrée dans une nouvelle ère qui verrait le passage de la médecine à la santé, autrement dit une approche plus globale de la santé, selon la thèse défendue par Jean-François Girard dans Quand la Santé devient publique (Hachette, 1998).
Notamment en raison de l'épidémie de Sida, de l'affaire du sang contaminé, de la menace sur le système de Sécurité Sociale, de la persistance ou émergence de pathologies (hépatites, Ebola, résistance du cancer, prion, recrudescence de pathologies anciennes comme la tuberculose), remise en cause du mythe de la médecine conquérante, soucis accru pour l'efficacité des établissements de soin, pour la sécurité et pour la transparence en matière d'information médicale.
A l'issue de ces drames, la santé devient aussi un enjeu de société. Un débat public s'organise sur des questions et enjeux ayant à la fois des dimensions sanitaires, économiques et éthiques : risques liés à l'environnement, questions éthiques posées par les manipulations génétiques, choix liés à la maîtrise des coûts et de qualité des soins, questions d'inégalité sociale dans l'accès aux soins.
Renforcement du rôle de l'Etat, rôle croissant des associations (notamment en lien avec le drame du Sida et la mise en place des réseaux santé) et prise en compte nouvelle des revendications des citoyens-malades dans leur droit à se faire entendre et à peser sur les choix de santé.
Les années 90 voient la multiplication des réglementations (procréation médicalement assistée, anesthésie, périnatalité), la mise en avant systématique de de la notion de vigilance (hémovigilance, biovigilance, toxicovigilance, etc.), et le foisonnement institutionnel lié à la montée en puissance des préoccupations de santé : création d'une multitude d'établissements, renforcement de la Direction générale de la Santé, création d'une dizaine d'agences, notamment l'Agence Nationale d'Accréditation et d'Evaluation en Santé, l'Agence Française du Sang, l'Agence du médicament, l'Etablissement français des greffes, l'Agence de sécurité sanitaire des produits de santé, l'Agence de sécurité sanitaire des aliments, l'Institut de veille sanitaire.

1991 (31 juillet) : Loi hospitalière donnant aux Centres Hospitaliers Régionaux (CHU) le statut d'établissements publics de santé. Cette loi confirme leur autonomie de gestion et leur statut d'établissements publics de santé, maîtres de leurs investissements, mais elle les oblige à élaborer un "projet d'établissement" révisable tous les cinq ans. Leur projet, approuvé par leur conseil d'administration et par l'Etat s'inscrit dans le Schéma Régional d'Organisation Sanitaire (SROS), établi par la Direction Régionale de l'Action Sanitaire et Sociale (DRASS). Le premier SROS sera mis en place en 1994.

1992-93 : Invention de la notion de sécurité sanitaire, qui concerne les risques liés aux systèmes de santé eux-mêmes (produits pharmaceutiques et médicaux, infections nosocomiales c'est-à-dire contractées lors d'un séjour à l'hôpital).

1993 : En raison du développement de la chirurgie ambulatoire, de l'hospitalisation à domicile, diminution de la durée de séjour : 6 jours en moyenne d'hospitalisation en 1993, contre 18 en 1970.
Le développement des réseaux de soin et de l'hospitalisation à domicile sont considérés comme des solutions face au vieillissement de la population et à la progression de la demande de soins.
Leur développement va de pair avec l'adaptation du système de soins aux besoins du malade : l'hôpital, de lieu de séjour, devient lieu de passage pour des interventions ciblées, pour les soins intensifs, la traumatologie lourde, la transplantation d'organes et la réanimation. Le domicile des patients est préféré pour les autres soins : des équipes pluridisciplinaires (notamment médecins et infirmières) interviennent au domicile du patient équipé du matériel de soin nécessaire.
Cette évolution permet à l'hôpital de se concentrer sur les activités techniques, de se décharger de l'hébergement, et de sortir de ses murs en prolongeant ses soins jusqu'aux domicile des patients.
Les réseaux de santé, de même que les politiques de prévention, d'éducation à la santé, d'accès aux soins des moins favorisés, donnent un rôle nouveau aux communes.

1993 : Le gouvernement Balladur provoque des débats très vifs en annonçant sa volonté de supprimer 22 000 lits dans les hôpitaux dès l'année suivante (en fait, 17 000 lits seront supprimés ou reconvertis entre 1994 et 1999 selon le Ministère de la santé).
Les hôpitaux absorbent 57% des dépenses de soins de santé. Les petits hôpitaux sont les premiers visés par ces mesures : ils coûteraient trop chers et ne pourraient pas tous assurer une sécurité optimum à leurs patients. Mais au même moment, un rapport de la Datar souligne l'importance de l'hôpital local dans la structuration de l'espace rural, dans le suivi régulier des patients et finalement leur faible coût : les 400 hôpitaux de proximité — les plus petits établissements publics — ne représentent que 5% des dépenses hospitalières publiques contre 50% pour les 29 Centres Hospitaliers Régionaux (CHR); les dépassements d'honoraires concernent les Centres Hospitaliers Universitaires (CHU) et grands centres hospitaliers et non les hôpitaux de proximité; les passages en urgences de même que les lits y coûtent annuellement 4 à 5 fois moins cher que dans les CHR (voir Le Courrier des Maires, février 1999).

1994 : Affaire du sang contaminé. Elle fait apparaître qu'il y a eu poursuite de la distribution de lots contaminés par le virus du Sida de 1985 à 1988 aux patients hémophiles, retard dans la mise en oeuvre d'un dépistage obligatoire lié à une rivalité industrielle entre la société américaine ABBOTT et l'Institut français Pasteur, poursuite des collectes de sang dans les lieux à risques tels que les prisons et non rappel des transfusés. L'affaire se situe sur le terrain du droit pénal de la responsabilité. Des poursuites sont notamment engagées contre deux dirigeants du Centre National de la Transfusion Sanguine (CNTS) et contre trois ministres, Georgina Dufoix, Laurent Fabius et Edmond Hervé, tous les trois mis en examen en septembre 1994. Le réquisitoire définitif du parquet conclut à un non-lieu, jugement globalement confirmé par la Cour de Justice de la République en mars 1999.

1994 : Année de manifestations de soutien aux hôpitaux de proximité. Elus locaux, professionnels de la santé, et population descendent dans les rues, un peu partout en France, pour défendre "leur hôpital" et remettre en question la logique d'économie amenant à la fermeture des petits établissements. On reproche aux services déconcentrés de l'Etat une approche statisticienne de la santé, et de ne pas prendre en compte les réalités de terrain.

1994 : Une étude du Haut Comité de la Santé Publique estime que l'état de santé de la population française ne dépend que de 15 à 20% de l'effet direct du système de soins, le reste dépend des facteurs sociaux (comportements individuels, environnement social et économique).

1994 : Lois d'éthique biomédicale, à l'issue d'une longue réflexion sur l'éthique. Les question d'éthiques biomédicale provoquent de manière croissante un débat public qui parfois n'échappe pas au sensationnalisme (par exemple, une femme peut-elle se faire féconder avec le sperme de son mari décédé ?).

1994 (avril) : Un plan de 5 ans concernant la périnatalité est établi par le gouvernement. Il préconise des regroupements de services afin de baisser les coûts.

1994-99 : Mise en place en 1994 du premier Schéma Régional d'Organisation Sanitaire (SROS). Il s'agit d'un document national fixant région par région et pour une durée de 5 ans le cadre dans lequel doit évoluer l'organisation sanitaire.
Il constitue, pour les établissements de santé publics et privés, la référence pour délivrer les autorisations, approuver les projets d'établissements, conduire le processus de contractualisation et orienter l'allocation de ressources.
Son principal objectif est la maîtrise des dépenses de santé (favoriser la coordination entre les établissements pour éviter les gaspillages, rationaliser les dépenses en imposant aux hôpitaux un budget pour chaque type de maladie, fermer les services les moins performants, diminuer le temps d'hospitalisation des patients pour permettre une diminution du nombre de lits).
Il est piloté dans chaque région par une Agence Régional d'Hospitalisation (ARH). Les ARH ont pour mission de gérer l'enveloppe hospitalière et privée en accord avec les objectifs établis par les établissements. Leurs trois principales missions sont : la définition et mise en oeuvre de la politique régionale d'offre de soins hospitaliers; la coordination de l'activité des établissements de santé publics et privés; la détermination de leurs ressources.
Les hôpitaux locaux sont poussés, pour "survivre", à accepter de signer des conventions avec des centres hospitaliers plus importants, à établir un projet d'établissement, à nommer un médecin coordonnateur, favoriser l'entrée de généralistes libéraux, etc.
Si les SROS visent à une répartition plus équilibrée des équipements sur le territoire, il s'avère que l'évolution va plutôt dans le sens d'une concentration technologique autour des grands équipements. Par ailleurs, ils ne prennent en compte que la répartition de l'équipement hospitalier et ignorent la répartition dans l'installation des médecins et professionnels médicaux et paramédicaux.

1995 (autour de) : De nombreux rapports soulignent l'état catastrophique des urgences en France. Leur réorganisation devient une priorité des SROS.
Le nombre de passages aux urgences en France dans les établissements publics a augmenté de 43% entre 1990 et 1998 (10 millions en 1999).

1996 : Une étude de l'Organisation Mondiale de la Santé estime que la pollution serait responsable du raccourcissement de près de 8 mois de l'espérance de vie, en France, cette année-là. Plus de la moitié de cette réduction serait due aux émission des véhicules routiers.
Selon l'INSERM (Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale), ces maladies, avec 34 692 décès en 1996, seraient la deuxième cause de décès derrière les cancers.

1996 (24 avril) : Trois ordonnances réforment le système de santé, afin de maîtriser les dépenses de santé. Elles interviennent en agissant sur la Sécurité Sociale, la médecine libérale de ville et les hôpitaux publics et privés : ces réformes doivent ouvrir l'hôpital sur son environnement, mettre le malade au coeur du système de santé, encourager la mise en place de réseaux interhospitaliers, la recherche de complémentarité et d'une efficience médico-économique des soins hospitaliers.
Elles favorisent une régionalisation en trompe-l'oeil de la santé, avec des structures qui respectent davantage une logique de pilotage fonctionnel du système et non une plus grande autonomie régionale. C'est le cas des Directions Régionales et Départementales de l'Action Sanitaire et Sociale (les DRASS et DDASS) qui élaborent, mettent en œuvre et évaluent la politique régionale de santé, par la détermination des priorités régionales de santé et la conception des programmes régionaux pluriannuels de santé. Création des Conférences Régionales de Santé.

Les ordonnances du 24 avril 1996 (poursuivies par celles de novembre 1999) font des réseaux un outils de la réforme du système de soins français. C'est une approche innovante de la médecine, avec mise en réseau de partenaires autour de patients "engagés". On estime à 2000 le nombre de réseaux de santé en 2001 en France. Le Ministère de l'Emploi et de la solidarité distingue (circulaire du 25 novembre 1999) quatre types de réseaux : réseaux inter-établissements; réseaux thématiques; réseaux de proximité; réseaux expérimentaux.

1997 : Carrefour, après Monoprix, créé sa gamme de produits "bio". Ce secteur est passé des points de ventes spécialisés à la grande distribution et représente un chiffre d'affaires de 3,5 milliards de francs en 1997. Après la première percée qui avait eu lieu dans les années 1960 (babas cools, élites aux préoccupations de minceur et de santé), le bio rencontre un véritable engouement, dans un contexte de peurs alimentaires et malgré un surcoût de 20 à 30% environ. Fait rare, la demande pour les produits bio continue d'être supérieure à l'offre, d'où l'obligation pour la France d'avoir recours à des importations (30 000 tonnes en 1997). Après une indifférence voire une hostilité des chambres d'agricultures et des pouvoirs publics, les exploitants sont désormais soutenus dans leur démarche.

[Définition : un produit bio doit contenir plus de 95% d'ingrédients issus de l'agriculture biologique. Celle-ci pratique le respect des cycles des saisons, la récolte des fruits et légumes à maturité, l'association et la rotation des cultures, l'utilisation d'engrais naturels et des traitements naturels à l'encontre des parasites, l'accès au plein air pour les animaux, leur alimentation "bio" et des traitements thérapeutiques "doux". Les produits bio sont soumis, avant d'être mis en vente, au contrôle d'un des trois organismes certificateurs qui délivre la certification "Agriculture Biologique" (AB).]

1997 : Naissance du premier clone animal avec le brebis Dolly. Controverses sur les dangers que font courir les manipulations génétiques. Elles portent notamment sur l'artificialisation du vivant, sur le risque d'eugénisme par clonages humains, sur les risques de discrimination en fonction du potentiel génétique, sur la protection des information génétiques individuelles.

1997 : Parution de l'ouvrage, L'hôpital a oublié l'homme, de Jean-Michel Dubernard, médecin et élu lyonnais qui s'appuie sur son expérience de terrain en milieu hospitalier pour défendre la thèse d'une nécessaire réhumanisation de l'hôpital : l'hôpital a progressé sur un plan technique mais s'est progressivement dégradé, durant les dernières décennies, sur le plan des relations humaines. L'ouvrage est également une critique du conservatisme du système hospitalier et un appel en une optimisation du système de santé.

1997 (4 juin) : Regroupement et création d'un vaste Ministère de l'Emploi et de la Solidarité avec un Secrétariat d'Etat à la Santé.

1997 (automne) : Publication d'une "liste noire des hôpitaux" par la revue Science et Avenir. Bien que contestable dans ses intentions (faire un coup médiatique) et dans sa méthodologie, la liste montre l'inégalité de la qualité des soins hospitaliers. Elle suscite de fortes polémiques.

1997 (automne) : Achèvement de la mise en place dans tous les départements d'un centre de réception et de régulation des appels, également appelé "centre 15". Cette centralisation des appels est destinée à faciliter l'accès de la population aux services d'urgences. Les médecins libéraux et les associations de médecins urgentistes (SOS médecins, associations de soins et urgences médicales) participent au fonctionnement de la plupart des "centres 15", qu'il s'agisse des réponses aux appels ou des interventions sur les lieux de détresse.

1998 (juin) : Parution du rapport du professeur Roques sur la dangerosité des drogues. Son classement place l'alcool dans le groupe des substances les plus dangereuses avec l'héroïne et la cocaïne, alors que le cannabis n'arrive qu'en troisième position. Il rappelle que l'on compte 20 000 décès liés à l'alcool chaque année, contre 228 par overdose. Ce rapport pousse à la remise en cause de la hiérarchisation des drogues et à une modification législative et judiciaire qui n'est toujours pas réalisée.

1998 (1er juillet) : Loi qui réorganise les conditions de contrôle et de suivi des produits médicaux.

1998 (mars) : En réponse à la multiplication des projets de fermeture de services d'hospitalisation, dont l'impact en terme de perte d'emplois et de moindre proximité des soins peut être considérable, les maires de l'Association des Petites Villes de France (APVF), représentant plus de 500 villes de 3000 à 20 000 habitants, diffusent un Livre blanc défendant l'hôpital de proximité.

1998 (février) : Un rapport du Haut Comité de santé publique montre que les inégalités de santé s'aggravent en France, notamment en raison des répercussions de la crise économique depuis le milieu des années 70. Appartenir à un milieu socialement défavorisé est un facteur de morbidité et de surmortalité à tous les âges de la vie.

1998 (29 juillet) : Loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions. Son volet santé vise, à travers la mise en place des programmes régionaux d’accès à la prévention et aux soins (PRAPS), institués par cette loi, à adapter l’offre de soins aux plus démunis, notamment en généralisant les permanences d’accès aux soins de santé (PASS) dans les hôpitaux, et à renforcer les actions de prévention en direction des populations les plus précaires. Cette politique de réduction des inégalités dans le domaine de la santé sera prolongée avec la mise en place en 2001 de la CMU (Couverture Maladie Universelle).
Avant l'adoption de cette loi, on compte de nombreuses actions visant à faciliter l’accès aux soins de ces populations : en 1998, plus de 30 000 personnes sont accueillies dans les centres de soins gratuits de la Mission France de Médecins du Monde et 140 000 bilans de santés sont réalisés dans les centres d'examens de santé des Caisses Primaires d'Assurance Maladie (CPAM).

1998-99 (depuis) : Développement des sites médicaux et de la télémédecine : le patient consulte directement le médecin par le bais de son ordinateur. Multiplication des sites web médicaux (planetmedica.fr, notreDocteur.com, etc.).
Dans le même temps, se développement des expérimentations autour du suivi de patients à domiciles par leurs médecins, via Internet (système Diatélic mis en place à Nancy pour suivre des dyalisés).

1998-2000 : Des faillites, restructurations touchent de plein fouet les cliniques du secteur privé, dominantes dans les secteurs lucratifs comme la chirurgie (60% des opérations) ou l'ambulatoire (85% des interventions). On estime en 1999 que plus d'un établissement sur trois (35%) est déficitaire (cabinet d'études Net Santé, Le Nouvel Economiste, n°1146, 11.02.2000). Parmi les faillites, celle de la clinique Clairval à Marseille, premier établissement de la ville et cinquième en France, en décembre 1998, provoque une forte émotion sur le plan local.
La crise des cliniques est l'effet des mesures de restrictions budgétaires adoptées depuis le début des années 1990 (gel du forfait de salle d'opération en 1991, ordonnances du plan Juppé en 1996, suppression de la facturation du jour de sortie en 1998, coût grandissant de la sécurité sanitaire dans les établissements avec la lutte contre les infections nosocomiales). Elle a également des causes liée à la démographie des professions de santé : les cliniques mises en places depuis les années 1950-60 sont vendues à mesure que les médecins et chirurgiens qui les ont créées partent à la retraite. Elles trouvent difficilement repreneneurs hors des centres urbains. Phénomène de prise de contrôle des cliniques privées par des capitaux étrangers (fonds de pension), notamment anglais et allemands (exemple Clinique du Tonkin à Villeurbanne).

1999 : Organisation dans toute la France des Etats Généraux de la santé. Ils ont souligné deux enjeux : accroître la place de l’usager dans le système de soins et développer la prévention.

1999 (mai) : Première convention nationale signée entre le Ministère de la culture et de la communication et le Secrétariat d'Etat à la santé pour développer le lien entre le monde de l'hôpital et celui de la culture (diffuser des oeuvres dans les hôpitaux, susciter des projets culturels).

1999 (27 juillet) : Institution de la CMU (Couverture Maladie Universelle). Elle entrera en vigueur le 1er janvier 2000.

1998-2000 : Forte médiatisation des affaires de dopage. Dans les années 90, après s'être tournés vers des substances hormonales naturelles produisant des effets dopant, comme la testostérone, c'est l'EPO (érythropoïétine), interdite par le CIO (Comité International Olympique) en 1990, qui circule le plus dans les milieux des sportifs et des médecins peu soucieux de l'éthique sportive. Les performances des coureurs de fond et des cyclistes (du Tour de France par exemple) sont durablement suspectées.

2000 : L'ANAES, Agence Nationale d'Accréditation et d'Evaluation en Santé, initiée en 1996 par le gouvernement Juppé, commence à produire ses premiers rapports d'accréditation. L'ANAES importe une démarche anglo-saxonne, celle de l'évaluation systématique du fonctionnement des hôpitaux, qu'ils soient publics, commerciaux, ou privés sans buts lucratifs, par des experts extérieurs et indépendants.

2000 (janvier) : Mise en place de la CMU (Couverture Maladie Universelle). Elle permet d’affilier automatiquement au régime général de l’assurance maladie sur critère de résidence toute personne résidant en France de façon stable et régulière et n’ayant pas de droits ouverts à un autre titre (c'est la "CMU de base"). Sous conditions de ressource, la loi permet également la prise en charge d’une couverture complémentaire avec dispense d’avance de frais. C’est la « CMU complémentaire ».
Au 31 décembre 2000, 1,1 million de personnes bénéficient de la CMU de base, soit un peu moins de 2% de la population française métropolitaine et près de 5 millions de la CMU complémentaire, soit 8,3% (source : Caisse Nationale d'Assurances Maladie des Travailleurs Salariés, CNAMTS).
Néanmoins, malgré la CMU, il reste encore des exclus de la santé : non-assurés sociaux, résidents en situation irrégulière, étrangers ne disposant que d'un visa de tourisme de trois mois, personnes dont les ressources excèdent légèrement le plafond donnant droit à la CMU.

2000 (7 mars) : Publication du rapport La place des usagers dans le système de santé par le Secrétariat d'Etat à la Santé. La reconsidération de la place des usagers est reconnue comme un grand enjeu de la modernisation du système de santé (ils doivent être représentés dans les structures, consultés). Cet enjeu va de pair avec celui de l'humanisation de l'hôpital, qui passe par l'agrément des lieux d'accueil (convivialité des espaces communs, éclairage par la lumière du jour des postes de travail permanents, aménagements intérieurs).

2000 (février) : Programme national de lutte contre le cancer lancé par le Secrétariat d'Etat à la Santé et à l'Action sociale, avec cinq priorités : renforcer la prévention, généraliser le dépistage du cancer du sein pour 2001 et du col de l'utérus pour 2003; favoriser la qualité égale des soins; améliorer les conditions de prise en charge des malades; coordonner la recherche.

2000 (28 février) : Lancement par Bernard Kouchner, ministre de la Santé, d'un programme national d’éducation pour la santé sur cinq ans. Il comporte trois volets : formation des professionnels et développement des recherches en éducation pour la santé; généralisation de l’éducation pour la santé de proximité par l’élaboration de schémas régionaux d’éducation pour la santé et de promotion de la santé; donner aux patients les moyens de bien connaître et d’agir sur la maladie qui les concerne. L'idée de démocratie sanitaire (chacun se sent acteur et responsable de la santé) est au coeur du programme.

2000 (27 mars) : Le Ministère de l'Emploi et de la solidarité est composé d'un ministère délégué à la famille et à l'enfance, d'un ministère délégué à la ville, de trois secrétariats d'état (à la santé et aux handicapés; aux droits des femmes et à la formation professionnelle; à l'Economie solidaire).

2000 (juin) : Dans son classement international des systèmes de santé, l'OMS (Organisation Mondiale de la Santé) classe la France en tête d'un palmarès de 191 pays. Ce résultat, bien accueilli en France, a suscité néanmoins des réactions embarrassées alors que l'on remet en cause la primauté accordée au système de soins pour se donner d'autres enjeux, notamment celui de la réduction des inégalités sociales et géographiques dans l'accès aux soins. Notons que d'autres classements obtiennent des résultats sensiblement différents : si l'efficacité des soins est mesurée à la durée de vie de ses bénéficiaires, la France n'arrive qu'au 12ème rang.
Une enquête de l'INSERM (Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale) menée de 1997 à 2000 montre que la généralisation de la prévention et des soins, les politiques de santé, en particulier depuis cinquante ans, ont eu des résultats spectaculaires (on a gagné environ 30 ans d'espérance de vie). Mais cette amélioration globale n'a pas profité à tous de la même manière : il existe des laissés-pour compte de la santé (l'espérance de vie d'un ouvrier de 35 ans est inférieure de six ans et demi à celle des cadres et professions libérales du même âge; un manoeuvre court un risque trois fois plus élevé qu'un ingénieur de mourir entre 35 et 65 ans. L'ascenseur social français a donc globalement transporté la population à un niveau sanitaire très supérieur, mais sans parvenir à résorber les inégalités existantes. Demande de l'INSERM à ce que les politiques de santé soient évaluées en fonction de leur capacité à réduire les inégalités sociales.
2001 : 98% des médecins informatisés utiliseraient une gestion informatique du dossier médical de leur patient. L'informatisation des médecins progresse notamment depuis 1997 (prime à l'informatisation de 9000 francs).

2001 (15 mars) : Alors que l’on pensait que le génome humain comprenait entre 50 000 et 140 000 gènes, les chercheurs de la société Celera (Etats-Unis) ont déchiffré un assemblage du génome humain en comportant seulement 30 000. Les laboratoires cherchent à connaître le rôle que les gènes jouent dans les pathologies, et déterminer leur bénéfice clinique potentiel.

2001 (26 juin) : Le gouvernement français renonce à légaliser le clonage à visée thérapeutique.
2001 (été) : Présentation en conseil des ministres du projet de loi de modernisation du système de santé. Il s'articule autour de trois axes : renforcement de la démocratie sanitaire par une redéfinition de la place des citoyens et des usagers dans l’élaboration des politiques de santé et le fonctionnement du système de soins; mise en place d'une politique de prévention globale; indemnisation de l’aléa thérapeutique (assistance à toutes les victimes d’accidents et indemnisation en cas d’accident sans faute).

2001 (été) : Alertes concernant les risques liés aux médicaments, notamment à propos d'un médicament, la Cérivastatine, utilisé dans le traitement contre le cholestérol et commercialisé par les laboratoires Bayer et Fournier. Parmi l’ensemble des cas recensés à l'échelle mondiale, on dénombre rapidement 53 décès. Cette affaire pose la question de la transparence dans le domaine de la sécurité sanitaire.

2001 (été) : Alerte déclenchée par l’Institut de Veille Sanitaire avec la recrudescence de la syphilis qui est plus généralement un signal d’alerte sur le relâchement des comportements de prévention en matière de relations sexuelles. On note parallèlement une recrudescences des cas de Sida.

2001 (été) : Devant la pénurie annoncée de certaines professions médicales et sociales, le Ministère annonce la création de postes d'infirmières et relève le numerus clausus concernant les médecins.

2001 (septembre) : Publication du rapport de l'Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS), "institutions sociales et usagers". Le rapport montre que l'accueil et la satisfaction du public sont maintenant considérés comme des priorités au sein de certaines administrations, évolution favorisée par la prise en compte accrue de la qualité des prestations dans les services publics. Mais les administrations ont du mal à concilier le traitement de masse et la nécessaire personnalisation des relations avec les usagers. Dans les établissements publics hospitaliers, l'information administrative est souvent très institutionnelle et peu centrée sur les véritables besoins des patients. Quant à l'information médicale, à la charge des professionnels de santé, elle est diffusée de façon très variable selon les établissements et les services. L'enquête constate une forte hétérogénéité dans la composition du dossier médical et dans son accessibilité. La mission d'information du public sur les questions médicales (prévention, éducation pour la santé), est largement sous-estimée par les établissements hospitaliers. Enfin, la prise en compte des plaintes, mal assumée et mal suivie, est très variable d'un établissement hospitalier à l'autre.

2001 (septembre) : Les professionnels de santé arrivent à faire entendre les difficultés liées à l'exercice de leur profession dans certaines périphéries urbaines. L'insécurité grandissante ainsi que la mauvaise prise en charge des frais de déplacements des personnels, infirmières notamment, vont à l'encontre de l'application d'une politique de proximité.

2001 (septembre ?) : La présentation du livret de paternité s'inscrit dans une politique visant à conforter l’égalité parentale et le rôle de parent. Le livret de paternité est testé dans 6 départements avant d'être étendu à tout le territoire. Instauration du congé de paternité.

2002 (1er janvier) : La réduction du temps de travail à l'hôpital doit entrer en vigueur, de même que l'Allocation Personnalisée à l'Autonomie (APA).