[Infographie] Rendre la ville perméable, un impératif face au changement climatique
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Il faut rendre la ville plus perméable. Mais comment faire ?
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Texte d'Aurélien BOUTAUD
Le vingtième siècle aura été une période difficile pour les arbres urbains. Relégués au second plan, maltraités, parfois même éradiqués au nom de la modernité – pour laisser place, le plus souvent, aux infrastructures grises – les arbres semblent toutefois sur le point de faire leur grand retour dans la cité. Comprenant les nombreux bienfaits générés par les végétaux en milieu urbain, et forcées de répondre à une demande sociale de plus en plus forte, les métropoles occidentales se sont lancées depuis quelques années dans une véritable course à la végétalisation. Un mouvement qui pourrait bien redessiner le paysage urbain du 21ème siècle.
La Métropole de Lyon n’échappe pas à cet élan en faveur du végétal. Engagé depuis les années 1990 dans une opération de réhabilitation de l’arbre urbain, le Grand Lyon s’est attaché à développer au cours des dernières décennies une série de bonnes pratiques de plantation et de gestion, formalisées dans sa charte de l’arbre. Pour faire face aux effets du changement climatique, cette politique prend aujourd’hui une forme nouvelle : le plan Canopée, dont l’objectif est notamment d’accroître les surfaces de verdure ombragée.
Cette nouvelle orientation a été l’occasion pour le Grand Lyon de prendre un peu de hauteur en s’intéressant aux stratégies développées par les autres métropoles.
Confié à l’Agence d’urbanisme de l’aire métropolitaine lyonnaise (Urbalyon), ce benchmark international a d’abord été l’occasion de constater que les définitions de la canopée pouvaient varier d’une métropole à l’autre. Pour les auteurs du rapport, « ces définitions variées de la canopée permettent aux acteurs de projeter leurs centres d’intérêts propres : la définition détaillée que font les villes de leur canopée dépend ainsi fortement des objectifs qu’elles se sont fixés, et de leur hiérarchisation ».
Le rapport revient de ce fait sur les principales motivations qui peuvent amener les villes à accroître la présence des arbres. En France, par exemple, de nombreux sondages montrent que la demande sociale pour davantage de nature en ville est extrêmement forte : il s’agit de l’investissement municipal que les Français souhaitent en priorité, et neuf Français sur dix considèrent le végétal comme essentiel à leur bien-être quotidien. Ce sentiment ne fera sans doute qu’augmenter avec le changement climatique, puisque la présence de la nature en ville est l’un des moyens les plus efficaces pour réduire les îlots de chaleur urbains.
Mais les bienfaits de la canopée urbaine sont en réalité bien plus divers. S’appuyant sur de nombreuses sources et citant pléthore de chiffres, l’étude rappelle que les arbres améliorent la qualité du cadre de vie, ont des effets positifs sur la santé mentale et physique des habitants, réduisent les nuisances sonores, modèrent la pollution atmosphérique, contribuent à améliorer le fonctionnement du cycle de l’eau et servent de support à la biodiversité. Leur présence accroît également l’attractivité des villes et des quartiers, ainsi que la valeur des biens immobiliers.
Selon les objectifs prioritairement visés par les métropoles, les indicateurs choisis peuvent également varier. La manière la plus évidente de calculer l’étendue de la canopée urbaine consiste à en mesurer la surface, puis de comparer celle-ci à la superficie totale de la ville. L’indice de canopée ainsi obtenu est très hétérogène d’une ville à l’autre, et plus encore entre quartiers.
Selon les modèles urbains en présence, les ambitions ne seront donc pas les mêmes. L’organisation American Forest a par exemple longtemps recommandé de viser un objectif de 40%. Mais si des villes comme Canberra ou Brisbane dépassent déjà ce seuil, d’autres comme Melbourne et San Francisco, disposant de conditions climatiques et de formes urbaines moins favorables, partent de beaucoup plus loin – avec parfois un indice de canopée inférieur à 15%. Dans le cadre de leurs stratégies, beaucoup de villes étudiées se fixent un objectif proche de 30%.
S’il s’avère utile pour les décideurs et les techniciens, cet indicateur n’est pas pour autant suffisant. La plupart des métropoles essaient par exemple de diversifier les essences présentes sur leur territoire, ce qui s’avère un gage de biodiversité et de résilience de la forêt urbaine. La qualité des sols, et plus généralement les conditions qui permettent l’épanouissement des arbres et leur longévité sont d’autres indicateurs importants à considérer. Certaines villes préconisent également de prendre l’habitant comme référentiel, en partant du constat qu’il sera « plus facile d’imaginer le gain que procure un espace vert à 5 minutes à pied que celui d’habiter dans une ville dont l’indice de canopée est, par exemple, de 40% ».
Pour en terminer avec les chiffres, le rapport revient en détail sur une question incontournable : celle des finances. Si les écarts de dépenses engagées varient énormément d’une ville à l’autre, les auteurs constatent que la réussite d’une forêt urbaine n’est pas forcément très onéreuse. Plus encore, elle n’est pas directement corrélée à l’argent engagé, car de nombreux facteurs entrent en compte dans cette réussite – notamment dans les choix des variétés les plus adaptées, l’organisation et la coordination des interventions, la mobilisation citoyenne, etc.
Enfin, les auteurs rappellent que ces investissements sont largement compensés par les services écosystémiques susmentionnés. Les villes de New York et de Cincinnati ont par exemple estimé la valeur ajoutée des arbres de leur territoire, qui s’élève à plusieurs dizaines d’euros par arbre et par an.
S’il est utile de considérer ses vertus économiques, l’arbre reste avant tout un organisme vivant. C’est peut-être la prise de conscience de cette dimension biologique, avec toutes ses implications, qui est aujourd’hui en train de changer véritablement la donne. Les urbanistes comprennent enfin que, loin d’être un simple élément décoratif du paysage, comme il a trop longtemps été considéré, « l’arbre ne peut survivre qu’intégré à un écosystème complet (sol fertile, apport en eau, strates végétales, etc.) ». La notion de canopée invite ainsi à réfléchir en termes de forêt urbaine : un véritable écosystème dont il s’agit de favoriser les synergies entre ses différents éléments.
Par exemple, « l’arbre seul, bien qu’autotrophe, ne pourra s’alimenter correctement. La complémentarité de champignons souterrains est nécessaire à l’absorption de nutriments non métabolisables en l’état » ; ou encore, « les associations d’essences peuvent être mises à̀ profit en cas de parasites ou maladies ». Les arbres doivent donc bénéficier d’un milieu favorable, qu’ils vont eux-mêmes modifier du fait de leur présence, par exemple en générant des microclimats qui pourront s’avérer bénéfiques à d’autres espèces présentes dans les strates inférieures de l’écosystème : herbacée, arbustive, grimpante, etc.
L’air de rien, cette approche écosystémique constitue une véritable révolution dans l’esprit des gestionnaires, qui doivent acquérir de nouvelles compétences, mais aussi de nouvelles habitudes. Laisser faire davantage la nature, par exemple, suppose de composer avec elle, plutôt que de chercher à la maîtriser. Un changement d’attitude qui doit également s’étendre au reste de la population.
C’est sur ce point que se joue peut-être l’avenir de la forêt urbaine : sa capacité à fédérer les énergies. Dans la plupart des métropoles, une part importante de la forêt urbaine – et bien souvent la majorité de ses espaces de développement potentiels – se situent dans des terrains privés. Sur la métropole lyonnaise, par exemple, les parcs publics abritent seulement 17% de la végétation, contre 33% pour les parcelles privées. Dans ce contexte, la coordination des acteurs publics et privés, incluant les entreprises et les habitants, devient un élément incontournable de l’équation.
Là encore, le tour du monde opéré par Urbalyon permet de se donner une idée de la richesse des possibles :
Évidemment, la mobilisation citoyenne ne saurait suffire. L’étude d’Urbalyon établit d’ailleurs une liste beaucoup plus complète des facteurs indispensables à la réussite d’un plan canopée. Mais cette exploration des expériences citoyennes est particulièrement stimulante : elle montre que la forêt urbaine, comme tout écosystème, dépend en grande partie des interactions qu’elle entretient avec les populations qu’elle abrite. En l’occurrence, des citadins !
Retrouvez ICI l’intégralité du rapport « Une canopée pour la Métropole de Lyon ? Enseignements d’un benchmark international »
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