Économie circulaire : des ressources pour aller plus loin
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En visant la transformation des déchets en ressources, le principe de circularité présente un double intérêt pour favoriser la transition vers une économique soutenable :
Toutefois, de plus en plus de travaux académiques questionnent la promesse de découplage entre croissance économique et pressions environnementales véhiculée par l’économie circulaire. Voici un petit tour d’horizon des limites de l’économie circulaire, mises en lumière par ces analyses qui gagneraient à être mieux prises en compte par les politiques en faveur de l’économie circulaire déployées aujourd’hui aux échelles nationales et territoriales.
Souvent mobilisée pour illustrer l’économie circulaire, l’image de la boucle qui se referme sur elle-même suggère la possibilité d’une circularité infinie des flux de matières. Or, cette perspective est contredite par les lois de la thermodynamique, selon lesquelles l’usage de sources d’énergie et de matière concentrées (par exemple un baril de pétrole et une tonne d’acier) aboutît de manière inéluctable et irréversible à leur dispersion dans l’environnement.
En d’autres termes, le recyclage des matières ne fait que repousser dans le temps un phénomène inévitable : la matière première initiale finit par disparaître au fil des cycles, en raison de nombreux mécanismes différents tels que la dilution, la contamination, la dégradation…
Les finalités ultimes de l’économie circulaire restent souvent exprimées en termes de progrès relatif :« augmenter l’efficacité de l’utilisation des ressources », « réduire les déchets au minimum », « diminuer l’impact sur l’environnement ». Lorsque que des objectifs précis sont définis, ceux-ci portent généralement sur la réduction des consommations de matières par unité de PIB et la valorisation des déchets. Pourtant, les recherches montrent que cette approche n’est pas suffisante pour assurer une réduction des pressions environnementales globales.
Tout d’abord, les études pointent les limites de l’approche ascendante des définitions dominantes de l’économie circulaire, notamment celle promue par la Fondation Ellen MacArthur (2013). En se focalisant sur les entreprises, de manière à les encourager à réduire l’apport de ressources par unité produite (efficacité matières), et à minimiser les déchets finaux, cette approche de terrain met à disposition des décideurs des outils concrets permettant d’opérationnaliser la transition vers une économie circulaire.
Cette vision suppose implicitement que l'amélioration de l'efficacité des entreprises au niveau micro permettrait mécaniquement de réduire l'impact environnemental de l'économie dans son ensemble. Mais cela n’est pas garanti, dès lors que l’augmentation du nombre d’unités produites compense la réduction de l'impact environnemental par unité produite. C’est d’ailleurs l’inverse qui peut se produire, en raison du phénomène d’« effet rebond » : en réduisant les coûts de production d’un produit, les gains d’efficacité matières peuvent en effet inciter à en consommer davantage, ou utiliser les économies réalisées pour accroître la consommation dans d’autres domaines.
D’autre part, la volonté de boucler les cycles de matières par l’optimisation de la collecte et du recyclage des déchets peut se révéler vaine si elle ne s’inscrit pas dans une analyse plus large de l'ampleur et de la vitesse de ces cycles. Des travaux montrent en effet que dans une économie où la consommation de ressources augmente de plus de 1% par an, l’amélioration du recyclage n’a qu’un impact négligeable sur la préservation des ressources.
Pour être soutenable, l’économie circulaire doit donc être adossée à une vision claire de la quantité et de la nature des flux de ressources pouvant être prélevés dans l’environnement, au regard de la disponibilité des ressources en amont, et des dommages potentiels liés à leur usage en aval.
Dans la pratique, les finalités de l’économie circulaire sont bien souvent éclipsées par la boîte à outils qui l’accompagne. En France, les acteurs territoriaux tendent à assimiler l’économie circulaire aux 7 piliers d’action définis par l’Ademe (écoconception, écologique industrielle et territoriale, économie de la fonctionnalité, etc.), dont la hiérarchisation et l’articulation demeurent peu explicites.
Pourtant, l’allongement de la durée de vie des produits et la performance des boucles circulaires en aval (réparation, réemploi, recyclage) dépendent fortement de la manière avec laquelle ils sont conçus en amont, ainsi que de leur modèle économique.
De même, toutes les boucles circulaires ne se valent pas du point de vue de la capacité à préserver la matière d’un cycle à l’autre. En effet, domine souvent dans les esprits le principe de boucle ouverte, selon lequel les matières secondaires récupérées dans les flux de déchets sont revalorisées vers des activités qui ne correspondent pas nécessairement aux produits dont sont issus les déchets.
Ce type de boucle apparaît sous-optimal, dans la mesure où il entraîne généralement une perte de valeur d’usage à deux niveaux :
De plus, ce type de recyclage favorise les pertes de matières (dispersion), et implique des consommations d’énergie plus ou moins élevées.
À l’inverse, les études montrent que plus un matériau peut être utilisé longtemps pour son usage prévu initialement, donc sans modification, moins il y a de perte de matériau par unité fonctionnelle. Ce principe incite à privilégier des boucles fermées, dans la mesure où elles permettent une réutilisation des produits ou pièces pour un usage identique ou proche de celui prévu initialement.
Les travaux mettent également le doigt sur des contradictions possible entre les stratégies d’économie circulaire et d’autres facettes de la transition écologique :
Autre angle mort mis en évidence par les chercheurs, la faible prise en compte des enjeux de gouvernance, de justice sociale et de changements culturels sous-jacents au déploiement de l’économie circulaire. Ce biais peut aboutir à une vision trop optimiste de la vitesse des transitions technologiques, qui peuvent en effet buter sur des barrières culturelles et l’inertie des structures de consommation et de production fondées sur la recherche de confort matériel et le principe de propriété.
Pour réduire les flux de ressources, l’économie circulaire semble également négliger le potentiel de la sobriété. Une revue récente de 327 articles universitaires sur portant sur l’économie circulaire a pourtant révélé que moins de 10% des articles incluent pourtant ce levier !
Pour aller plus loin :
○ Retrouvez ICI l'intégralité du dossier Économie circulaire : au-delà du recyclage, comment transformer l’économie ?
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