L'industrie du futur

Étude
Demain, un retour des usines dans les métropoles sous des formes nouvelles....Tendances Prospectives.
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Interview de Julien Fialletout
<< Il n’y a pas de révolutions numérique ou d’innovation collective telles qu’elles nous laissent dans une situation perplexe en matière de propriété intellectuelle. Tous les outils sont là, il faut les connaître, savoir les choisir et les utiliser aux bons moments >>.
Quelle est l'activité d'un cabinet de conseil en propriété industrielle ?
Notre activité consiste à accompagner les acteurs dans leur politique de propriété intellectuelle. Cela se traduit concrètement par une activité de conseil, de prise en charge des procédures d'obtention des brevets, marques, dessins et modèles, de veille au long cours et enfin de contentieux, par exemple en cas de contrefaçon. Nous réalisons aussi des audits et intervenons sur les contrats liés à la propriété intellectuelle : cession, licence, accord de coexistence, etc.. Nous avons développé un réseau de correspondants privilégiés à travers le monde et disposons de bureaux auprès des organismes internationaux comme l'Office de l'Union européenne pour la propriété intellectuelle à Alicante pour le dépôt des marques, dessins et modèles et auprès de l'Office Européen des Brevets à Munich. Cela nous donne une bonne visibilité internationale. Par ailleurs, notre statut de mandataires suisse et européen nous permet de déposer des demandes auprès des organismes suisses et européens. Nous pouvons ainsi travailler également pour des clients non-européens qui souhaitent se protéger sur ces différents territoires et offrir nos services à l ‘export pour les entreprises françaises.
Que recherchent les entreprises qui développent une politique de protection intellectuelle ?
S’engager dans une démarche de propriété intellectuelle, c’est vouloir protéger les acquis de l'entreprise dans une logique défensive mais aussi offensive. La propriété intellectuelle assure une rentabilité des investissements sur le long-terme. C’est la perception des fruits de son travail. Ce retour sur investissement n’est pas illégitime au regard des frais engagés en amont en R&D puis en formalités de dépôt, de surveillance et de maintien de la protection. Au regard de ces coûts, le monopole accordé en matière de brevet ou de dessins et modèles peut paraître assez court. De plus, ces droits sont territoriaux, donc le marché reste ouvert aux concurrents sur les territoires où aucune protection n’a été demandée. Les titres de propriété intellectuelle sont aussi des leviers de négociation. Par exemple, la marque est un visa pour l’export. Dans le cadre d’audit, ces titres sont primordiaux car ils renseignent sur la localisation et la nature des actifs, leurs propriétaires, etc. Ils font partie du patrimoine économique de l’entreprise.
Quelles évolutions constatez-vous dans le cadre de votre pratique ?
L'augmentation du nombre de dépôts est une évolution notable. Quels que soient les secteurs d'activité et le type d'acteurs - grosses entreprises, PME, TPI ou encore entrepreneurs individuels- tous sont de plus en plus conscient de la nécessité de se protéger. La Chine illustre parfaitement ce mouvement : de premier contrefacteur mondial, elle est en passe de devenir premier déposant ! Il y a une prise de conscience de ce qu’est la propriété intellectuelle et de son rôle. Cette tendance est due en partie à la presse qui s'est beaucoup fait l’écho des difficultés rencontrées dans ce domaine par certaines sociétés comme Apple, mais aussi au développement des mécanismes de financement de l’innovation qui mettent de plus en plus l'accent sur l'intérêt de penser une politique de propriété intellectuelle à même d’attirer et de rassurer les investisseurs. L'Institut National de la Propriété Intellectuelle (INPI) propose ainsi diverses aides pour accompagner les particuliers, PME et organismes à but non lucratif du secteur de l'enseignement ou de la recherche à s'engager dans une telle démarche. Pendant longtemps, les universités françaises ont été relativement « déconnectées » du monde économique et donc des enjeux liés à la propriété intellectuelle mais cette période est révolue. Les universités développent de plus en plus de partenariat avec des entreprises pour valoriser leurs innovations et cela passe par une demande accrue de protection.
Chaque innovation ou création doit-elle être protégée ?
La propriété intellectuelle doit être un réflexe dans la mesure où l'innovation et son usage correspondent à une réalité économique. A chaque situation - nature du marché, caractéristiques (présence ou non de barrières d'entrée, etc.) - correspond une réponse en matière de propriété intellectuelle. C'est le pendant juridique de la réalité économique. Il n’y a donc pas de réponses ou de stratégies toutes faites. Même si le montant des formalités de protection n’est pas forcément important en soi, le coût de la gestion d’un portefeuille non exploité est, lui, à fonds perdus. Pour les acteurs, l'important est de déposer le titre au bon moment et de prendre date avant toute divulgation publique pour préserver la preuve de l’antériorité. Jusque-là, il est important de préserver le secret et la confidentialité. En matière de brevet, dessin et modèle, le critère de nouveauté doit être respecté tandis que pour la marque c’est un critère de disponibilité. Il faut aussi s’assurer que cela n’empiète pas sur les droits de propriété intellectuelle d’un tiers. En matière de droits d’auteurs, il est important de pouvoir se préserver la preuve et date de sa création, soit par un constat d’huissier ou horodatage ou d’enveloppe Soleau (INPI). C'est une démarche qui doit être un réflexe car son importance est capitale pour pouvoir justifier de ses droits.
De nombreux auteurs alertent sur une dérive de l'usage des titres de propriété industrielle, particulièrement une financiarisation des brevets. Est-ce un risque que vous identifiez dans vos expertises ?
Vous faites sans doute référence aux patent troll pour décrire les entreprises qui intentent de multiples procès pour violation de brevets. En France, il n’y a pas de « business » de la propriété industrielle, en tout cas, pas dans des proportions telles que cela pervertirait le système dans son ensemble. La titrisation est assez faible alors qu'elle est effectivement beaucoup plus marquée aux USA. La propriété industrielle fait effectivement partie intégrante des mécanismes de financement de l’innovation mais elle reste au service des entreprises innovantes. Elle reste un élément indispensable de compétitivité et de financement. Par ailleurs, notre législation impose au titulaire d’un droit de propriété industrielle de le défendre sous peine de le perdre. Par exemple, le titulaire d'une marque est soumis à deux obligations : un usage effectif dans les 5 ans suivant l'octroi de la protection et veiller à ce qu’elle ne dégénère pas en raison de son usage intensif en tombant dans le vocabulaire usuel. Si ces conditions ne sont plus remplies, la marque peut être "annulée" comme ça a été le cas pour "frigidaire", devenu la désignation générique des réfrigérateurs. Elle ne pouvait plus, dès lors, être revendiquée comme marque. Il y a une obligation de surveiller et d’agir en présence d’une atteinte au monopole accordé par le titre de protection intellectuelle. Bien sûr, quelques sociétés dites patent troll ont fait un business des formalités de brevet et de marques et de la gestion des contentieux. Monétiser les marques est d'ailleurs une pratique émergente en Allemagne, favorisée par l'essor du commerce électronique et des market places. Pour autant, il ne faut pas en faire une généralité. Il y a de nombreux garde-fous et la législation est bien harmonisée sur le plan international. Tout cela empêche les dérives.
Y-a-t-il des enjeux spécifiques aux collectivités territoriales ?
Comme tout acteur économique, une collectivité a intérêt à recourir à des formalités de dépôt pour protéger sa renommée, ses marques d'attractivité territoriale, ses logos,notamment à l’international. Dans l’ensemble, j’ai le sentiment que les collectivités sont désormais bien conscientes de l’intérêt de disposer d’une stratégie en matière de propriété intellectuelle. Un certain nombre de villes et de régions font d'ailleurs appel à nous. Elles ont la volonté de se protéger et me semblent plutôt au fait de leurs droits et possibilités. L'affaire Laguiole, dont la presse a beaucoup parlé[1], a sans doute contribué à cette prise de conscience. Récemment, les collectivités ont vu leurs droits renforcés par un arsenal législatif. De nouveaux outils d’action et de surveillance ont été mis en place mais leurs droits, notamment à l’image et sur leur nom, a toujours été bien protégé dans le code de la propriété intellectuelle (art L711-4-h).
[1]http://www.maire-info.com/juridique/justice/la-commune-de-laguiole-remporte-une-manche-en-cassation-article-20011
Cette prise de conscience de l'importance de la propriété industrielle se traduit-elle par un recours accru à l’externalisation de cette compétence ou est-elle plutôt gérée en interne ?
Il y a toujours un mouvement de balancier entre internalisation et externalisation de la gestion des droits de PI. Nous n’observons pas de tendance particulière à l’internalisation. Une gestion interne suppose un portefeuille suffisamment étoffé pour réaliser des économies d'échelleet mobiliser du personnel spécifique. C’est un univers complexe, changeant et qui demande des compétences multiples tant par la diversité des objets protégés que par les activités liées à la protection. Ainsi, la rédaction de brevet est très exigeante et technique et peut demander des expertises qui ne sont pas le cœur de métier de l'entreprise. Un cabinet comme le nôtre dispose d’ingénieurs spécialisés dans tous les domaines techniques (chimie, biologie, mécanique, etc.). L’externalisation est confortable, autorise une certaine la flexibilité et une garantie que les procédures sont faites en conformité. En matière de marques, lorsqu’elles ont été déposées sans le concours d’un professionnel, on se rend malheureusement bien souvent compte de leurs faiblesses ou failles lorsque l’on souhaite les impliquer dans un contentieux.
Y-a-t-il des enjeux spécifiques à certains territoires ou secteurs d'activité ?
Oui sans doute, mais les enjeux et implications sont similaires que ce soit sur le territoire local ou national et le secteur d'activité influe peu sur la dynamique de protection.
Les démarches d'innovation en open source ou se réclamant de l'éthique du libre, voire la mise à disposition gratuite de ses titres de propriété industrielle sont-elles des pratiques que vous rencontrez ?
Ces approches me semblent être déconnectées des préoccupations des acteurs que nous accompagnons au quotidien. Que ce soit des entreprises ou des particuliers, ils veulent être sécurisés et protégés sur l’exploitation de leurs innovations. Ouvrir son portefeuille de brevet comme l'a fait Tesla me laisse perplexe et, ne reflète pas à ce jour une tendance observée. Quel est l’intérêt de constituer un portefeuille de brevets pour l’ouvrir ensuite ? La finalité d'une telle action est-elle purement marketing ? L’entreprise continue-t-elle à déposer des brevets par ailleurs ? Peut-elle revenir sur cette mise à disposition ? Les brevets sont-ils tombés dans le domaine public ou bien la société reste propriétaire et autorise les tiers à les utiliser ? Pour moi, cela relève davantage d’un effet d’annonce assez exceptionnel. Si une entreprise décide de mettre la technique découverte au service de la communauté, il suffit d’avoir recours à des publications scientifiques.
Les évolutions liées au numérique ou aux manières d'innover vous semblent-elles bien encadrées par la législation ?
Le cadre législatif me semble répondre plutôt bien aux besoins actuels et en capacité de proposer des réponses adaptées aux évolutions. Nombre d'entre elles ont d'ailleurs trouvé une solution ces dernières années : que ce soit le droit d’auteur et la question des créations collectives ou de collaboration, les relations entre les salariés et leur entreprise, la protection des données par la Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés (CNIL)... La réglementation du logiciel est quasi résolue en Europe et aux USA et même autour des pratiques d'innovation ouverte, comme les hackatons, il n’y a pas de flou juridique. Je dirais qu'il n’y a pas de révolutions numérique ou d’innovation collective telles qu’elles nous laissent dans une situation perplexe en matière de propriété intellectuelle. Tous les outils sont là, il faut les connaître, savoir les choisir et les utiliser aux bons moments. Parfois les acteurs méconnaissent l’étendue des protections possibles, mais à chaque innovation ou création correspond une protection à déterminer en fonction de la stratégie économique de son auteur. Ainsi, il faut parfois arbitrer entre garder le secret et demander un titre de propriété intellectuelle. Certaines innovations sont mieux protégées par le secret, notamment les recettes à l'instar du Nutella. Parfois, le secret peut compliquer la communication de l'entreprise, la conclusion de partenariats financiers ou d’accords de licence alors que la matérialité d’un titre rend tout cela plus facile.
La propriété intellectuelle peut-elle contribuer à la réflexion sur des enjeux mondiaux comme la santé ou le climat ?
Le débat sur l’intérêt de la protection intellectuelle est toujours aussi vivace : est-elle un frein à l’innovation ou à l’accès à des biens essentiels ? Il me semble que cette question sert à trouver des réponses notamment avec la notion des « facilités essentielles » qui permet de limiter un monopole si aucune alternative n’existe. Cette théorie repose sur l’idée que celui qui, en situation de monopole sur un marché, détient une infrastructure essentielle, non reproductible dans des conditions économiques raisonnables, ressource sans laquelle des concurrents ne pourraient exercer leur activité, peut être contraint de permettre à ses concurrents d’accéder à cette ressource. Pourquoi ne pas imaginer que cette théorie s’étende aux enjeux climatiques ?
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