Il y a ce qu’on appelle des luttes définitionnelles, c’est-à-dire des conflits sur la manière dont on définit le problème sur lequel on souhaite agir, le problème étant envisagé comme l’écart entre ce qui est, et ce qui devrait être. À partir de là, les pouvoirs publics doivent agir pour rapprocher la situation telle qu’elle est, de la situation telle qu’elle devrait être. Si l’on définit le problème de la sécurité routière comme un problème de délinquance, de non-respect des règles du Code de la route, on mettra en place, de manière assez évidente, soit une politique de contrôle-sanction, soit une politique d’éducation.
Si l’on met en place une politique de contrôle-sanction, le système d’acteurs va se restructurer autour, par exemple, du ministère de l’Intérieur et des forces de l’ordre. Si l’on met en place des politiques d’éducation, les auto-écoles et l’Éducation nationale, qui forme dès le plus jeune âge les enfants aux dangers liés à la conduite automobile, en seront les acteurs principaux. Quelque part, selon votre définition du problème, vous mobiliserez et légitimerez des acteurs différents.
Si l’on définit le problème de la sécurité routière comme celui d’un risque multidimensionnel, ce qui correspond davantage à la vision des experts, on aura des solutions différentes, portées par des parties prenantes elles-mêmes différentes. Les experts pensent en effet que le système de conduite, c’est un système complexe où le conducteur doit gérer l’état des infrastructures, l’automobile qu’il pilote, et aussi ce qu’il est, avec ses émotions, sa fatigue, son attention.
Pour l’expert, le conducteur n’est pas un délinquant potentiel, c’est un individu susceptible de connaître des défaillances, à un moment donné. Si vous partez sur cette conception, vous ne mettrez pas en place des politiques de contrôle-sanction ou des politiques d’éducation, vous mettrez en place des politiques d’aide à la conduite, en aidant les constructeurs à équiper, par exemple, leurs véhicules d’outils (systèmes de freinage ABS, capteurs, etc.) et travaillerez sur les infrastructures routières. Les constructeurs automobiles, les équipementiers, etc., seront, entre autres, vos interlocuteurs privilégiés.