Selon moi en effet, c’est un phénomène de société. Ce sont aussi des choses sur lesquelles j’ai travaillé avec le sociologue Alain Mergier. Il y a des « fondamentaux » de notre société qui se sont transformés : la famille a changé, l’autorité n’est plus posée de la même manière, le respect des lieux est une notion qui se dilue, etc. Un professeur était légitime il y a 30 ans du seul fait de ses diplômes, aujourd’hui, un professeur l’est parce qu’il est intéressant, parce qu’il sait parler aux élèves, etc. Le rapport à l’autorité a complètement changé.
À 20 ans, j’ai été contrôleur dans les trains pendant six mois. À cette époque-là, les gens venaient à moi, j’étais dans une position qui n’était pas contestée. Aujourd’hui, un contrôleur on lui rit au nez, on lui reproche son métier, on le traite de fainéant ou de planqué. Les gens n’ont plus la même maîtrise d’eux-mêmes. Et ils n’ont plus non plus la même inquiétude qu’auparavant sur le regard qu’on peut porter sur eux s’ils manifestent un mécontentement.
L’autocensure sociale a baissé. Aujourd’hui, quelqu’un qui fait un esclandre dans un train n’a pas nécessairement peur du regard des autres. Les autres voyageurs ne s’offusquent pas et ils ne vont pas non plus intervenir.
Il y a aussi des situations qui ont changé, ça n’est pas qu’une question de « mentalités ». Nos vies se sont transformées. Par exemple, le temps s’est comprimé, on fait beaucoup plus vite les choses et on est alors très facilement dans une situation d’impatience. On vit dans une société de l’immédiateté, ce qui change les interactions entre les individus, mais aussi lorsqu’ils sont consommateurs ou voyageurs…