Malheureusement, cette idée ne fonctionne que très partiellement dans la réalité, et ce pour plusieurs raisons.
La première et la moins problématique, c’est la limite thermodynamique : par exemple, il y a un peu d’usure qui génère une perte irréversible. Même une pièce de monnaie finit par perdre une partie de sa matière, raison pour laquelle on ne recycle jamais à 100%. Mais cela n’est encore pas très grave, puisqu’on peut encore envisager des rendements proches de 99%. Ce serait déjà formidable ! Mais il y a deux phénomènes qui empêchent ce recyclage optimum.
Le premier phénomène, c’est l’usage dispersif des métaux, c’est-à-dire le fait de les utiliser sous des formes qui ne sont pas récupérables. Par exemple, lorsqu’ils sont utilisés sous forme de colorant ou d’additif dans des plastiques, des vêtements ou encore des encres. Par définition, ces particules sont alors irrécupérables. On peut prendre l’exemple de la bouillie bordelaise : le sulfate de cuivre ainsi disséminé ne peut pas être récupéré. Et il existe une multitude d’usages dispersifs de ce type. Pour le titane, par exemple, ces usages dispersifs représentent 95% des utilisations, sous forme de colorant blanc que l’on retrouve absolument partout. Mais même pour des métaux plus classiques comme le cuivre ou l’étain, les usages dispersifs peuvent représenter de 5 à 30% des volumes utilisés.
Le second phénomène qui empêche un recyclage efficace, c’est la dégradation de l’usage en recyclage, c’est-à-dire le fait qu’il est souvent très difficile de recycler un matériau en conservant ses qualités. On connaît ce phénomène par exemple dans le domaine des plastiques : en chauffant un plastique pour le recycler, les chaînes de polymères se cassent et deviennent de plus en plus courtes, raison pour laquelle au bout de quelques recyclages les chaînes sont trop petites et le plastique perd en qualité. Pour les métaux, le phénomène est comparable puisque ces derniers sont la plupart du temps utilisés sous la forme d’alliages. Il en existe des milliers. Or il est impossible de ferrailler avec des milliers de filières différentes. Au final, on se contente donc d’organiser quelques grandes filières de récupération : métaux spéciaux, aciers inox, aciers carbone… Mais tous les autres métaux qui sont ajoutés afin d’améliorer les caractéristiques techniques vont être physiquement recyclés, mais fonctionnellement perdus. Par exemple, si j’ajoute un peu de nickel dans l’acier d’une petite cuillère, lorsqu’elle va partir en ferraillage le nickel ne sera pas correctement récupéré et l’acier en question sera recyclé sous forme de fer à béton armé typiquement. Le nickel sera toujours là, mais il ne servira plus jamais à lutter contre la corrosion, comme c’était prévu au départ.