Là où nous avons identifié des différences frappantes, c'est dans le cadre général de l'IA et sa relation avec les questions sociales, politiques et économiques. La stratégie française d'IA, par exemple, qu'Emmanuel Macron a présenté en 2018, s'intitule "IA pour l'Humanité". Elle décrit l'IA comme "nouvelle Renaissance", qualifiant cette technologie de "promesse prométhéenne" qui nécessite un État régulateur fort et l'importance de considérer l'IA comme "bien public". Afin de "renforcer le potentiel de la recherche française", le président français a annoncé son intention d'encourager financièrement les instituts de recherche publics (en plus de partenariats de recherche public-privé). Il a aussi déclaré son intention de créer un centre national de coordination de la recherche, comprenant un réseau de quatre ou cinq instituts à travers la France. Au total, Emmanuel Macron prévoyait de dépenser 1,5 milliard d'euros pour l'IA au cours de sa présidence, dont la plus grande partie pour la recherche et les projets industriels.
De leur côté, les États-Unis se concentrent dans leurs documents stratégiques nationaux sur la déréglementation et l'établissement d'avantages concurrentiels. Leur politique vise à éliminer les obstacles à l'innovation en matière d'IA "où et quand nous le pouvons". Le gouvernement américain veut favoriser la combinaison des forces gouvernementales, industrielles et du milieu universitaire afin de créer un avantage concurrentiel sur les autres pays. Concrètement, selon les documents de stratégie produits ces dernières années, les États-Unis ont assoupli les cadres réglementaires pour l'IA dans les secteurs du véhicule autonome, de l'utilisation des drones commerciaux et publics et dans les diagnostics médicaux. En ce qui concerne la recherche et le développement dans le secteur privé, le gouvernement Trump souligne son ambition de demeurer "le chef de file mondial de l'IA”, en augmentant de plus de 40% les investissements en R&D non classée pour l'IA depuis 2015 (1,1 milliard $ en 2015).
De tous les gouvernements, le Parti communiste chinois (PCC) présente la stratégie d'IA la plus détaillée, la plus complète et la plus ambitieuse. Le PCC prévoit d'utiliser l'IA comme moyen universel de résoudre les problèmes. Pour concrétiser les choses, leur plan détaillé donne des spécifications techniques sur la façon d'intégrer l'IA dans l'information et l'industrie manufacturière afin de faire de "la Chine une superpuissance manufacturière (...) et une cyberpuissance". Ni les documents de stratégie français, ni les propositions américaines ne sont aussi précis et détaillés, soulignant une fois de plus la détermination du PCC à réaliser son plan très ambitieux. La stratégie chinoise se caractérise également par la volonté de fusionner cette technologie "civile" de l'IA avec des innovations et des applications militaires.