La tendance à restreindre, à limiter, voire même à faire disparaître les véhicules à énergie fossile a un impact sur les matériaux.
Cela concerne d’abord les batteries qui stockent l'électricité. Dans ces batteries, il y a des polymères très spéciaux qui résistent aux fortes densités de courant. Ce sont des polymères chers, nouveaux et que nous devons produire puis recycler. Les membranes à l’intérieur des batteries sont également faites en polymères. Ce sont elles qui séparent les deux parties de la batterie et qui transportent les électrons d’un côté à l’autre. C’est ce que l’on appelle l’anode et la cathode. En France, il existe deux fabricants, Arkema et Solvay.
Mais dans ces batteries, il y a aussi beaucoup de métaux comme le nickel, le cobalt ou le lithium. Ces matériaux, nous devons les produire puis, en fin de vie, les recycler. Nous intervenons dans ce domaine en récupérant les métaux, en les purifiant et en les réinjectant dans la fabrication des batteries. Solvay est d’ailleurs en train de monter une unité pilote à La Rochelle pour valider cela.
Mais, prenons un autre système comme les véhicules à hydrogène. En fait, pour avoir de l’hydrogène, il faut faire de l’électrolyse de l’eau et pour cela, il nous faut des électrolyseurs contenant de nouveaux matériaux comme les membranes électrolytes. De nombreux chimistes travaillent à concevoir ces membranes mais nous sommes encore loin de maîtriser ces techniques.
À l’étape suivante, les développements en cours consistent à travailler sur le stockage énergétique. Nous partons, là aussi, de presque rien. L’électricité n’étant pas facile à stocker, il nous faut de grandes piles industrielles avec des membranes et d’autres produits capables d’assurer ce stockage. Des unités de ce type sont déjà utilisées un peu partout comme en Inde, en Chine ou en Amérique latine. Et une fois que l’hydrogène est produit, il faut fabriquer le réservoir qui le stockera dans le véhicule. L’hydrogène est assez réactif et si vous n’avez pas les bons matériaux cela peut être très dangereux. Vous vous souvenez sans doute de l’incendie d’un zeppelin à hydrogène allemand au terme d’une traversée de l'Atlantique en 1937. Ce type d’incident est à présent maîtrisable grâce à des matériaux qui supportent des pressions de 800 ou 900 bars.
À Lyon, il y a des expérimentations sur des péniches ou des bus. La Compagnie Nationale du Rhône (CNR) monte, quant à elle, un électrolyseur pour alimenter une station au niveau de Gerland. De son côté, la société Symbio développe les appareils qui permettront d’équiper de petites camionnettes. À l’avenir, toutes les camionnettes qui iront en ville fonctionneront à l’hydrogène : les véhicules professionnels, les bus, les camions, les péniches, etc. À terme, je pense que ce sera aussi le cas des trains et des bateaux maritimes. C’est une grosse révolution !
On ne connaît pas encore la part de l’électrique et d’hydrogène dans les futures mobilités, mais ces deux technologies vont supplanter les véhicules essence ou diesel. C’est une réalité. On peut déjà s’en rendre compte en voyant les voitures électriques, puis on verra des bus, des péniches, etc. Mais, tout ça mettra un certain temps à se diffuser. Ce n'est pas simple de faire disparaître une technologie en la remplaçant par une autre.
Dans l’aviation, il y a aussi des évolutions de matériaux qui visent à rendre l’appareil plus léger car, plus un objet est léger, moins il lui faudra d’énergie pour se déplacer. C’est aussi vrai pour les voitures, les bateaux et les trains. Dans un avion, il n’y a déjà presque plus de métal. On utilise à la place des matériaux ultra-résistants avec de la fibre de carbone. Chez Solvay, dans le cadre d’un programme européen (LIFE project VIABLE), nous avons, par exemple, séparé la cellulose et la lignine provenant des déchets du bois. Ce sont des polymères naturels fabriqués par le bois lui-même afin de résister aux UV et qui se trouvent en abondance dans la nature. Nous avons essayé de les réintégrer dans des composites pour faire des parties d’avions ou de voitures. Et ça marche ! Ce qui était impossible il y a 10 ans, aujourd'hui, nous y arrivons. Alors forcément, les défis que nous n’avons pas encore réussi à relever nous le ferons dans les quelques années qui viennent. C’est une question d’enjeux, de moyens et de réglementation.