Ce qui est important à souligner me semble-t-il c’est que ce sont les femmes qui sont à l’initiative des premières réflexions et politiques temporelles apparues en Italie à la fin des années 1980. En arrivant sur le marché du travail, ce sont elles qui ont été les premières à parler des questions de conciliation entre les différents temps de vie puisqu’elles étaient aussi largement en charge des tâches ménagères, de l’accompagnement des enfants et du soin aux aïeux. La ville n’était absolument pas adaptée à ce double emploi professionnel et personnel en termes d’horaires des crèches, des écoles, des transports ou des jours de marché par exemple. Il faut se remémorer donc que les politiques temporelles viennent de cette aspiration à l’égalité entre les femmes et les hommes dans l’accès à la ville. Elles permettent de synchroniser les différents temps de la ville avec les temps de la vie.
En France, j’ai eu la chance d’avoir été conseillère municipale à Rennes, une des villes pionnières ayant travaillée sur la question des temps, avec son député-maire de l’époque Edmond Hervé qui a écrit un rapport parlementaire en 2001 sur le temps des villes. C’est à cette époque que sont apparus des conseillers municipaux en charge des politiques temporelles et qu’ont été créé les premiers bureaux des temps chargés de proposer des actions concrètes, notamment au niveau des services urbains.
En 2014, lorsque j’ai été élu conseillère municipale aux temps de la ville, les enjeux étaient peu connus, mal compris et peu pris au sérieux dans la population mais un peu plus en interne à la ville tout de même grâce au travail de Jocelyne Bourgeard, alors adjointe au Maire de Rennes, présidente de la Commission pour l’égalité des femmes et des hommes dans la vie locale. En ce temps, on blaguait sur mon rôle de « miss météo » et sur un service qui pourrait permettre « d’acheter des heures de sieste ». Au début des années 2000, un article de la presse régionale avait même titré que le bureau des temps était un « gadget » et la réflexion sur le sujet « un problème de riche ». Aujourd’hui, il n’y a pas encore tout à fait la connaissance de l’existence des politiques temporelles chez le public et, côté élus et services, il y a encore du chemin à faire. Néanmoins, dès que la logique est expliquée, tout le monde trouve cela évident et se sent concerné. L’utilité des politiques temporelle est reconnue.
Aujourd’hui, si les politiques temporelles sont nées autour de l’enjeu de l’égalité femme-homme, elles ont un objectif d’égalité tout court entre tous les citoyens. Travailler sur le temps est un levier pour travailler une société plus égalitaire.