Nicolas Rio : C’est un des principaux défis auquel les élus locaux font face. Dans cette crise en cascade, les urgences sont multiples (sanitaire, économique, sociale, écologique…) et situées sur des temporalités distinctes, qu’il faut pouvoir articuler. En se concentrant uniquement sur le court terme, les élus locaux encourent le risque de s’enfermer dans la gestion de crise. Depuis la mi-mars, ils ont été amenés à se focaliser sur l’urgence, en prenant des décisions rapidement, en s’adaptant régulièrement, quitte à revenir parfois sur ce qui avait été annoncé la veille.
Manon Loisel : Les exécutifs ont joué un rôle décisif dans le pilotage des cellules de crise, pour garantir la réactivité des collectivités. Mais tous les sujets importants ne sont pas nécessairement urgents ! Organiser le redémarrage de l’économie et la réouverture des commerces, anticiper le fait que beaucoup de jeunes ne pourront pas partir en vacances, accompagner la baisse de revenus provoquée par le confinement pour éviter qu’elle soit fatale aux plus précaires...
Pour inscrire la gestion du court terme dans le temps long (et vice versa), l’enjeu pour les élus, et en même temps la difficulté, consiste à mobiliser les multiples ressources dont disposent les collectivités et leur administration. Pourtant, alors que de nombreux services « en première ligne » étaient au bord du burn out, certains autres agents ont été, pendant quelques semaines, condamnés au bore out.
Dans certaines collectivités, des services ont été artificiellement mis à l’arrêt faute d’arbitrages politiques, à commencer par les directions « environnement ». Or, c’est justement parce qu’ils sont porteurs d’une trajectoire de longue durée, que les services en charge des transitions (écologie, urbanisme, concertation…) ont un rôle majeur à jouer dans la crise. Les maires et présidents ont donc intérêt à diversifier les interlocuteurs pour articuler les différentes urgences.
Nicolas Rio : La cellule de crise permet de gérer les sept prochains jours, mais c’est avec les services sociaux et économiques qu’il faut anticiper les sept prochaines semaines. Les équipements publics, les acteurs de la culture, du sport et de la jeunesse sont quant à eux indispensables pour envisager dès aujourd’hui les sept prochains mois, dans l’attente d’un été pas comme les autres.