Pour construire ma réponse, je propose une vue de la chaîne de valeur selon 4 maillons principaux :
Chacun de ces maillons renvoie à des contenus et des possibilités différentes.
Maillon 1 - Conception, idée du produit
Une des voies possibles de disruption est celle issue de l’analyse comportementale, c’est-à-dire de l’adaptation des contrats d’assurance en fonction du comportement de l’assuré. On pense ici naturellement aux applications dans l’assurance automobile, qui serait liée aux remontées de données issues du type de conduite. Plus simplement, la « caméra de la dernière heure » pourrait apporter des réponses sur les circonstances d’un accident ; les questions qui découlent d’une telle option touchent au big data (gestion et exploitation des données en gros volume) et aux capteurs.
Le même type de problématique (grand volume de données, capteurs) se retrouve du côté de la santé avec la perspective de « T-Shirt connectés ».
Maillon 2 - Assurabilité
Ce segment correspond à une base du métier qui consiste, avant de transformer une idée en produit, à vérifier son assurabilité : a-t-on un nombre de souscripteurs suffisants ? Les primes seront-elles acceptables ? Les indemnisations seront-elles significatives ? Ce n’est pas disruptable ; cela ne signifie pas que le raisonnement soit réservé à des compagnies établies mais simplement que ce raisonnement est incontournable.
Cette problématique de l’assurabilité peut être illustrée par les téléphones portables. Ce sont des actifs de valeur et qui contiennent des données précieuses pour les utilisateurs. La couverture de leur perte ou leur endommagement constitue donc une matière assurable potentielle ; mais pour autant, compte tenu des abus possibles dans les déclarations de sinistre, une assurance véritable peut-elle être proposée à un coût acceptable ?
Maillon 3 - Commercialisation
Sur ce maillon, les changements sont effectivement plus ouverts : demain, Amazon peut parfaitement pousser des produits d’assurance (Les 3 Suisses avaient tenté cela). Mais, avant de focaliser sur les acteurs, on doit considérer toutes les facettes de la commercialisation.
Tout d’abord, pour vendre, Il faut comprendre où est l’aversion au risque => cela peut relever de la culture car la peur peut se situer à des endroits divers (sur de tels sujets, ALPTIS travaille par exemple avec des anthropologues). Par exemple, les peurs liées à un accident de vélo sont très différentes de celles liées à un accident d’automobile.
Une autre clé est l’obtention de la confiance des clients. C’est une des raisons qui ont fait que des clients sont allés vers la banque (bancassurance) pour certains types de contrat. Ce qui est encore très différent des mutuelles sans intermédiaire créées dans les années 60. Mais il s’agit là d’un simple changement de canal, pas d’une vraie disruption.
En complément, j’ajoute que le « big data » ne concerne pas que les maillons « amont » de l’assurance : il y a aussi des pistes intéressantes dans la relation avec le client. Par exemple, en fonction de l’heure de consultation d’un site, du nombre de consultations, on a une image du comportement à l’achat qui peut permettre d’anticiper le comportement qu’aura le client avec son futur gestionnaire. On peut par exemple repérer les clients « inquiets », tels ceux qu’il faudra appeler ou joindre pour leur confirmer que leur contrat est toujours actif et qu’ils sont bien couverts (25 % des appels reçus sont en fait des appels de confirmation).
Enfin, la commercialisation pose aussi la question suivante : « comment se matérialise-t-elle : contrat papier ? Signature électronique ?... » La blockchain offre ici un potentiel de disruption car le contrat ne passerait plus nécessairement par l’assureur. Autour de l’interrogation « A qui vas-tu faire confiance ? », la blockchain peut avoir un impact sur les parties co-contractantes et ne pas être neutre vis-à-vis du monde de l’assurance. Historiquement, il y a d’ailleurs eu d’autres systèmes : il faut mentionner le cas ancien de la Lloyds et de son système de « names » qui est en fait un système « peer to peer intermédié », reposant sur le principe « je fais confiance à mon voisin ».
Maillon 4 - Gestion des sinistres
Dans l’assurance, la gestion des flux concerne deux domaines principaux : les cotisations, et les sinistres.
Le flux de data liés à ce dernier poste est immense, en assurance santé notamment, et concerne le domaine de l’EDI (Echange de Données Informatisé). Des modèles alternatifs aux logiques d’avance et remboursement par virement existent déjà : le Crédit Mutuel de Strasbourg a par exemple développé une carte bancaire spécifique, dite « Avance Santé » qui n'est débitée qu'après le remboursement de la CPAM et de la complémentaire santé. On peut aussi parfaitement imaginer que des acteurs comme ApplePay développent des services dans ce domaine et disruptent ce segment.
Enfin, certains gestionnaires de flux, qui sont aujourd’hui les opérateurs prestataires des compagnies d’assurance, pourraient aussi être tentés de remonter dans la chaîne.