Elle semble plutôt les esquiver. Loin des propositions ambitieuses du rapport Bacqué-Mechmache, la récente réforme de la politique de la ville n’a débouché pour l’heure que sur un outil : le conseil citoyen, prévu dans chaque quartier prioritaire et dont la composition et le fonctionnement sont placés sous le contrôle étroit des élus et de l’État. La formule du conseil citoyen s’inscrit en fait dans la continuité d’une démocratie participative reposant sur une offre octroyée d’en haut.
Un autre problème est que l’on continue de privilégier les dimensions techniques de la politique de la ville, en ignorant les interrogations plus profondes sur la distribution du pouvoir et la nécessité de contre-pouvoirs. C’est un des reproches que l’on peut faire à la concertation nationale engagée par François Lamy, ex-ministre délégué à la Ville. Cette concertation a été organisée autour d’enjeux techniques, dans un langage difficilement appropriable par le commun des mortels : « géographie prioritaire », « mobilisation des politiques de droit commun », « contractualisations », « péréquation financière horizontale et verticale »… Et au-delà des termes choisis, ce sont les finalités mêmes de la politique de la ville qui n’ont pas été mises en débat public : comment conçoit-on la place des quartiers et de leurs habitants dans la ville, comment déconstruire les inégalités qu’ils subissent..?
Au lieu d’être un levier d’interrogations essentielles, la politique de la ville se cantonne souvent à des questions de machinerie, d’outillage, de procédures. Ce fut particulièrement le cas avec l’ANRU qui, pour des raisons d’efficacité, a privilégié la notion de « programmes », verrouillant tous les choix et les dépenses pour une durée de 5 ou 10 ans, plutôt que celle de « projets », qui eux peuvent être ajustés, évoluer au fur et à mesure, en fonction des ressources ou des conditions nouvelles, mais aussi des implications citoyennes. La prise en compte du point de vue des citoyens a été perçue comme un risque au regard du calendrier des opérations de rénovation urbaine. Dans les premières opérations, en particulier, les destinataires véritables n’étaient d’ailleurs pas les habitants en place, mais d’hypothétiques nouveaux habitants. Il était compliqué dans ces conditions de faire participer les gens à un projet dans lequel ils étaient « de trop ».