On sait très bien que l’enjeu des questions de discriminations, c’est la reconnaissance. Et cette reconnaissance passe par les institutions. Lorsqu’un professeur, ou un policier vient écouter les jeunes, ils ont un sentiment de reconnaissance, de validation de leur vécu. Les lois ne suffisent pas, il faut des « dispositifs de reconnaissance » ambitieux, qui articulent le vécu des personnes concernées, la connaissance, et les institutions.
Les divers intermédiaires, professionnels, associatifs, ont cette « fonction ascendante », de mise en relation des personnes concernées avec celles qui sont en position de décider. Une fois que les premiers concernés prennent la parole, les proofessionnels doivent savoir s’effacer, repérer le moment où ils sont moins compétent qu’eux pour argumenter, convaincre, témoigner.
Ces positions d’intermédiaires sont délicates, mais absolument nécessaires pour tisser le lien entre populations et institutions. Le rôle des intermédiaires est d’accepter les expressions les plus radicales, les manières de formuler déstabilisantes, mais qui correspondent parfois le plus justement au vécu des personnes. Certains professionnels considèrent que les personnes qu’ils rencontrent parlent d’une manière inacceptable, posent des problèmes qui n’en sont pas, bref, que ces personnes ne leur conviennent pas. Mais c’est justement leur rôle de construire une action à partir la parole des habitants. Pas en étant forcément d’accord, mais en s’appuyant sur ce qu’ils disent pour construire un projet social. À eux de permettre que ces énonciations soit comprises, de travailler à leur politisation, et non de les censurer.
La situation serait bien pire si il n’y avait pas d’interpellation ! Il faut savoir accepter, dans de tels processus, d'être bousculé, remis en cause. Tant qu’il y a de la vivacité, de la vie politique, du conflit, il y a de l’espoir, et on peut construire des énonciations plus explicites, dont le politique va pouvoir se saisir pour construire des projets. Au contraire, quand il n’y a plus d’interpellation c’est terminé. La colère devient révoltes urbaines, dont la dimension politique est beaucoup plus obscure et délicate à saisir pour le politique. Le risque est grand de voir des gens qui veulent changer les choses, totalement désespérés, tomber dans les bras de ceux qui les instrumentalisent à souhait, et qui les encourageront au contraire à couper complètement les ponts avec les institutions. Les différents intermédiaires créent un continuum entre ces différents espaces sociaux en reconnaissant les énoncés de chacun, pour viser ensuite des actions pratiques. Malheureusement, les professionnels sont souvent inquiets de s’engager dans ce type de démarches.