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La formation professionnelle continue des cadres de santé

Interview de Jean RIONDET

<< la formation professionnelle continue redonne du sens et un contexte humain à des activités parfois de plus en plus techniques et éloignées du patient >>.

Entretien avec Jean Riondet, Directeur de l’Institut International Supérieur de Formation des Cadres de Santé, Hospices Civils de Lyon.

L’Institut International Supérieur de Formation des Cadres de la Santé est un centre de formation continue intégré aux Hospices Civils de Lyon. Couvrant le champ de la formation promotionnelle, de la formation réglementaire d’adaptation à l’emploi et de la formation continue traditionnelle, l’Institut s’adresse essentiellement aux cadres de santé. Près de 5000 stagiaires sont accueillis chaque année. La moitié est directement issue des Hospices Civils de Lyon.
La formation continue a été créée pour faciliter l’adaptation des salariés aux évolutions de la vie professionnelle. Elle a pour objectif l’enrichissement personnel de l’individu puisqu’elle ne porte pas obligatoirement sur une thématique en lien avec l’activité professionnelle.
Mais existe-t-il vraiment un système d' évaluation efficace sur cette formation et quels sont en outre les effets de celle-ci sur le système de santé?

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Date : 27/05/2004

Pouvez-vous nous présenter le cadre réglementaire de la formation professionnelle continue ?
Instituée par la Loi Jacques Delors en juillet 1971, la formation professionnelle continue a initialement été créée pour faciliter l’adaptation des salariés aux évolutions de la vie professionnelle. Elle a pour objectif l’enrichissement personnel de l’individu puisqu’elle ne porte pas obligatoirement sur une thématique en lien avec l’activité professionnelle. Par contre, elle se déroule automatiquement sur le temps de travail… Tous les ans, chaque entreprise est soumise à une contribution obligatoire fixée à l’origine à 1.5% de sa masse salariale. Destinée au financement de la formation continue professionnelle, cette participation minimale peut être volontairement dépassée selon la taille et la politique de ressources humaines de l’entreprise. Ainsi, dans la fonction publique hospitalière, en intégrant les Congés de Formation Professionnelle, le taux de cotisation actuel est de 2.15%... La Loi de 71 donne une obligation de moyens, mais pas de résultats : l’entreprise peut choisir d’utiliser directement ce montant pour former ses salariés, adhérer à un fond de formation ou, si elle n’en fait rien, le restituer au Trésor Public. Un fond de formation est un organisme de mutualisation qui, par grande branche professionnelle (PME, secteur libéral, secteur médico-social…) redistribue les fonds aux entreprises selon leurs besoins et des plans de formation ciblés.

Donc, chaque salarié a droit à de la formation professionnelle continue ?
En théorie, oui. En pratique, il y a souvent une inégalité d’accès en fonction du sexe, de la catégorie socio professionnelle, du statut, de la taille de l’entreprise et du secteur d’activité… Les femmes, par exemple, sont plus souvent en situation de précarité que les hommes et ont par conséquent moins d’accès à la formation professionnelle continue. Les cadres, qui connaissent mieux la réglementation que les ouvriers, bénéficient comparativement de plus de stages. Les salariés des grandes entreprises ont plus d’opportunités que ceux des petites… etc. En fait, il n’y a pas de volume horaire prédéfini par individu. En général, la Direction des Ressources Humaines de l’entreprise fait remonter les besoins des autres Directions et établit, en concertation avec les partenaires sociaux, un plan de formation annuel. L’ensemble des salariés pourra alors se positionner face aux diverses propositions. Un faible pourcentage du volume financier affecté à la formation continue est réservé aux demandes individuelles, comme par exemple, une demande de formation universitaire. Ces demandes devront être défendues par la voie des représentants du personnel.

Quelles obligations encadrent les dispensateurs de formation ?
La Loi de 71 ne définit pas l’opérateur de formation : la formation continue est, de par la cotisation obligatoire, un marché solvable. L’Education Nationale n’en a pas le monopole ! N’importe qui peut faire de la formation continue : la seule condition pour obtenir un numéro de déclaration en préfecture est d’en avoir déjà fait ! Une déclaration d’activité doit ensuite être faite tous les ans, toujours en préfecture. C’est une activité que l’on peut avoir à titre exclusif ou partiel. Il y a une reconnaissance de l’activité professionnelle mais pas de la qualité de celle-ci. Depuis les années 80, on assiste à une explosion de l’offre : les cadres au chômage se sont mis à vendre leurs expériences. Ce transfert de compétences est plutôt sain au niveau national ! La formation professionnelle continue sert également d’outil de gestion pour l’Etat dans ses politiques de l’emploi : elle permet à la fois de valoriser et de transmettre des expériences professionnelles en impulsant une politique de développement en particulier auprès des personnes les moins qualifiées. Le cadre réglementaire a été étoffé pour permettre les reconversions et les réinsertions professionnelles.

Existe-t-il un système d’évaluation des effets de la formation professionnelle continue ?
Dans chaque région, la Direction Régionale du Travail, de l’Emploi et de la Formation Professionnelle (DRTEFP) rassemble toutes les données connues sur la question. Chaque organisme de formation déclare annuellement son chiffre d’affaires. Le secteur d’activité est ainsi suivi depuis plus de trente ans. Des organismes comme le Centre d’Etude de l’Emploi à Paris ou le Centre d’Etude et de Recherche sur les Qualifications à Marseille produisent des rapports nationaux sériés sur les grandes tendances en formation. Des équipes de recherche du CNRS se sont aussi spécialisées en économie de l’éducation. En pratique, l’efficacité réelle de la formation continue reste difficile à évaluer. Il faut plutôt envisager la question dans l’autre sens : que se passerait-il si, à l’instar de l’Espagne, l’Italie ou d’autres pays européens, si on ne faisait pas de formation professionnelle continue ? Dans d’autres pays où l’Etat est moins fort, l’organisation de la formation en cours d’emploi existe également, mais la France a pris une position originale en inscrivant dans la loi la formation au service du développement de la personne et non exclusivement au bénéfice de l’entreprise. La France est l’un des seuls pays où existe cette obligation ! Par conséquent, elle dispose aussi des salariés parmi les plus qualifiés au monde. La formation professionnelle continue est un axe stratégique du développement de la puissance de la France.

A votre avis, quels sont les bénéfices de la formation professionnelle continue pour le secteur de la santé ?
Elle accompagne l’évolution de l’hôpital depuis 30 ans en facilitant l’adaptation du personnel aux divers changements : développement technologique, aménagement des organisations et du temps de travail, mise en place de réseaux ville/hôpital, transformation de la relation patient/soignant… La formation continue est également un outil de cohésion sociale car elle est le levier de la promotion professionnelle. Elle sert au maintien de la dynamique interne et externe du système hospitalier. Elle aide à mettre au même niveau d’exigence des comportements professionnels dans des domaines variés : annonce d’un diagnostic grave ; prise en compte de la douleur ; gestion de la violence… Elle redonne du sens et un contexte humain à des activités parfois de plus en plus techniques et éloignées du patient : il est, par exemple, intéressant de former le personnel de laboratoire à l’usage qui est fait par les cliniciens de leurs résultats d’analyse... Souvent, le choix des formations aide à révéler les dysfonctionnements du système : actuellement, avec les 35h, tout ce qui est développement personnel et en particulier la gestion du stress explose pour répondre à la situation paradoxale de travailler autant voire plus dans un temps imparti réduit. Au lieu de repenser l’organisation du travail en profondeur, on va se tourner vers les effets palliatifs de la formation continue. C’est un transfert de responsabilité bien pratique !