Cinéma et numérique
Interview de Joël LURAINE
Directeur du Pathé, Vaise
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Interview de Marc GUIDONI
<< La technologie permet de raconter des histoires comme jamais auparavant ! >>.
Producteur lyonnais, Marc Guidoni effectue des missions de conseil dans les domaines du cinéma, de l’audiovisuel et des médias. Il est en 2009 consultant pour le projet Transmédia Lab de l’opérateur téléphonique Orange.
Les nouvelles technologies vont-elles profondément modifier le cinéma de demain ?
Les technologies ne sont intéressantes que si et seulement si les créateurs s’en emparent et les mettent au service de leurs créations. Quand c’est pour nourrir un propos artistique, enrichir une esthétique, c’est magnifique ! Le cinéma en relief est réinventé aujourd’hui car les procédés sont simplifiés mais il existait déjà dans les années 50… et a donné le meilleur comme le pire. « La créature du lac vert » est une expérience du relief qui repose sur un propos totalement indigent. A la même époque, Hitchcock tourne « Le crime était presque parfait » dans une version en partie en 3D et c’est superbe ! Le relief renforce vraiment la narration, quand l’héroïne se fait étrangler et tend la main pour attraper un couteau derrière elle, sa main sort littéralement de l’écran !*
Vous parlez de la 3D ; pensez-vous que cela devienne la norme ?
Je pense effectivement que le relief va devenir aussi courant et banal que le son en 1929, la couleur en 1946 ou le son 5.1 depuis Georges Lucas. L’œil aura appris à fonctionner dans le relief et même les films d’auteurs s’y mettront.
La salle de cinéma a-t-elle de l’avenir selon vous ?
Je suis très attaché à la salle de cinéma. C’est un lieu culturel où les gens viennent, pas seulement pour voir un film – parfois même pas ! – mais pour se rencontrer, flâner, discuter. On le voit bien dans le film d’Eric Guirado, « Comœdia, Une renaissance ». A cet égard, je crois que, plus que jamais, la salle de cinéma a du potentiel. Elle a aussi de beaux jours devant elle grâce à la 3D : ce sont des expériences qui ne pourront – au moins dans un premier temps – n’être vécues qu’en salles.
Qu’apporte de nouveau la projection en numérique ?
La projection en numérique donne la possibilité de passer une plus grande diversité de films sur chaque écran, car il n’y a pas de logistique contraignante à mettre en œuvre comme avec les copies traditionnelles. On peut donc éclater les choses, granulariser la programmation, au plus proche du public. Je vois le numérique comme une liberté donnée aux programmateurs dans leur politique éditoriale.
C’est pour cela que les distributeurs en salles sont à un moment charnière. La partie logistique de leur boulot, la moins intéressante, va disparaître. Ils pourront se concentrer sur la partie pré-commerciale, et surtout éditoriale : donner envie de voir des films ! La salle de cinéma n’est pas juste un robinet à films, il s’agit de rendre importantes et attractives les projections, par des événements, des rencontres, etc. De plus, les contenus pléthoriques se heurtent à un goulot d’étranglement : « le temps de cerveau disponible » pour voir des images dans une journée. On a donc de plus en plus besoin de gens dont le métier est de donner à voir, c’est-à-dire de sélectionner. Plus il y a de contenus disponibles, plus la fonction d’amener à la connaissance du public est importante.
Vous êtes consultant pour un projet d’Orange intitulé Transmédia Lab. De quoi s’agit-il ?
Les opérateurs de téléphonie mobile travaillent de plus en plus sur les contenus. C’est plus facile de vendre des abonnements si on propose aux gens d’autres services que téléphoner ou envoyer des méls : de la vidéo, des programmes, des chaînes… Orange a créé une sorte de start up interne, un entité d’innovation rapide nommée Orange vallée, pour réfléchir entre autres projets innovants sur les contenus transmedia. Ce sont des contenus qui, dès le départ (l’écriture), prévoient de construire un univers dramaturgique conçu pour être acheminé par plusieurs médias : la télévision, le téléphone mobile, internet, les jeux vidéo on line (ARG, à réalité alternée) et le cinéma comme lieu d’événement. On voit bien là comment la technologie permet de raconter des histoires comme jamais auparavant !
Il s’agit vraiment d’une circulation d’audience entre différents médias, et pas seulement de passerelles comme dans le cross-média. Dans le transmedia il y a une dimension collaborative et participative et une possibilité d’interaction via la technologie web 2.0. Par exemple, le public peut contribuer activement au contenu d’un web documentaire ou d’une série télé. Le dispositif d’interactivité est plus immédiatement connecté au tempo d’une diffusion.
Un « appel d’air » pour des projets transmedia a été lancé en juillet et sur 70 réponses, 11 ont été pré-sélectionnés – dont deux issus de sociétés de production de l’agglomération lyonnaise. Ce sont des projets vraiment créatifs !
Les technologies remettraient-elles les créatifs au centre du dispositif ?
Oui, indéniablement ! Ça marque le retour en force des créatifs, mais aussi des producteurs. Par rapport à une économie dans laquelle les diffuseurs et les distributeurs dictaient leurs conditions, les producteurs reprennent du poids. Ils deviennent aussi des intégrateurs de contenus : ils ne livrent pas un produit fini mais un univers narratif ; ils sont donc de fait partenaires avec les diffuseurs.
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