Le problème de la propreté, c’est qu’il s’agit d’un concept. Il n’y a pas suffisamment eu de travaux de définition de la propreté, ce qui confirme qu’il s’agit bien d’un concept en construction, qu’il faut penser comme un outil d’explications. On parle de la propreté comme étant l’inverse de la saleté. Pour la géographe que je suis, la propreté est un jeu de limites, elle détermine des actes et produit des espaces. J’ai pour habitude d’expliquer que la propreté se définit aussi par ses attributs, soit les notions afférentes d’urbanité, de spatialité, de territorialité et d’altérité.
S’agissant de l’urbanité tout d’abord : ce qui est intéressant c’est de positionner la propreté dans le rapport ville / campagne. Avec les règles de l’hygiénisme, la ville bourgeoise a été voulue comme propre par opposition à la campagne sale. Ces représentations ont perduré longtemps dans nos systèmes de pensées même si tout ça semble s’inverser peu à peu. La campagne associée au végétal et à la nature est bien davantage valorisée tandis que la ville est bien plus souvent considérée comme sale.
La spatialité est essentielle aussi pour appréhender la propreté : est-ce que l’on doit traiter tous les espaces de la ville de la même manière en matière de nettoiement ? On constate, de fait, que tous les lieux ne sont pas traités de la même manière. Il y a par exemple certains espaces qui ont une fonction de vitrine de la ville qui sont très bien tenus. C’est une façon pour les élus de montrer qu’ils ont une bonne gestion de la propreté dans leur ville.
La territorialité nous permet d’éclairer encore une autre facette de la propreté relative aux représentations que l’on se fait des espaces et du degré d’appropriation qu’on a vis-à-vis de ces espaces. Son espace à soi est toujours plus propre que celui de l’autre. On tend à avoir des pratiques relatives à la propreté différentes en fonction des représentations qu’on se fait des lieux où l’on se trouve.
Enfin, le concept d’altérité nous rappelle que la propreté est toujours liée aux rapports que l’on entretient avec les autres. C’est souvent l’autre qui est sale. D’autres notions liées aux façons de vivre ensemble sont aussi associées à la propreté : la sécurité, la discipline, le respect, etc. C’est quelque chose que l’on voit bien dans les pays dictatoriaux. On avait interrogé un homme à Séville sur l’état de propreté de sa ville, qui disait, sous le regard courroucé de son épouse, que du temps de Franco, c’était mieux car c’était beaucoup plus propre.