Où placer le curseur du non négociable, quelle est la ligne à ne pas franchir, y compris pour des questions concrètes comme faut-il ou non sortir du nucléaire, fermer Fessenheim… Il est très dérangeant pour le citoyen d’entendre des points de vue et des réponses complètement opposées apportées à des questions fondamentales, cela contribue à nourrir le sentiment d’incertitude, et des réactions de certitude dans un sens ou dans l’autre. Le risque dans une telle situation est que des micro-sociétés se forment autour de certitudes, que l’on assiste à des réactions conservatrices, souverainistes, populistes, que des crispations identitaires communautaristes se produisent dans des sous-cultures minoritaires, catholiques traditionnalistes, protestants évangéliques fondamentalistes, mouvement loubavitch dans le judaïsme, ainsi que dans des courants de l’islam, avec des ruptures nettes avec une société qui resterait dans l’incertitude et le libéralisme sur le plan des valeurs. Il serait éminemment problématique de s’enfermer dans cette problématique, entre d’un côté une modernité fluide pour parler comme le sociologue Zygmunt Baumann, du relativisme mou, de la dissolution des identités, et de l’autre côté la crispation identitaire. Je soutiens alors la thèse suivante : à ne pas intégrer, dans les limites et le respect de la laïcité et d’un certain nombre de principes fondamentaux, les communautés religieuses dans le débat public, à vouloir enfermer le religieux dans le seul champ religieux, dans le culte, dans les édifices religieux, en limitant trop ses participations à la vie sociale et au débat public, on le communautarise. Renvoyer le religieux à la mosquée, à l’église, à la synagogue, au temple, c’est contribuer à nourrir ce que l’on veut combattre. Quand on intègre des voix religieuses dans le débat citoyen et dans le débat public, avec des limites évidemment, comme de nombreux maires l’ont compris, on oblige des religieux à parler à des non religieux, à des non coreligionnaires. La délibération avec des personnes d’ancrage convictionnel différent est bénéfique, comme est bénéfique la confrontation directe avec l’altérité.