Faciliter la relation à l'administration
Étude
Vivre la Ville Intelligente (11)
Dossier
Demain, les robots joueront probablement un rôle important dans nos foyers (robots domestiques), auprès des personnes dépendantes (robots d'assistance), auprès des enfants (robots ludiques et éducatifs), dans nos villes (robots dans les services urbains)... Cela sera possible grâce à leurs propriétés intrinsèques, mais aussi parce qu'ils seront connectés à des ordinateurs, à internet, à des objets communicants, à des systèmes intelligents, parce qu'ils sauront traiter les informations qu'ils y trouveront et en fournir également...
• Systèmes automatisés, systèmes intelligents, robots... où se situent les frontières ?
On parle de système automatisé lorsque le système exécute la tâche pour laquelle il a été programmé. L'homme n'est plus dans la boucle de contrôle mais on ne peut pas non plus parler d'autonomie décisionnelle. Les distributeurs de boissons, les passages à niveau, les ascenseurs sont des systèmes automatisés, de même que les premiers « robots » industriels qui étaient simplement des manipulateurs effectuant toujours le même geste.
Les systèmes intelligents, eux, sont dotés d'intelligence artificielle. Il s'agit « d'entités algorithmiques, c'est-à-dire des programmes informatiques autonomes capables de reproduire certaines des fonctions essentielles du cerveau humain : raisonnement, apprentissage, mémoire, etc. » (Jean-Claude Heudin, chercheur sur les créatures artificielles). Mais nous sommes encore loin des intelligences artificielles supposées rivaliser, voire supplanter, l'intelligence humaine.
Quant au robot, on peut le définir comme un assemblage de composants matériels et logiciels. Il possède un système d'exploitation qui lui est propre, à l'image de Linux ou de Windows pour les ordinateurs, et des « composants » qui sont les briques élémentaires des fonctions du robot (comme la parole, le calcul de l'équilibre, etc.). Une fois ces composants définis et intégrés dans le système, il faut les interconnecter et définir leur liens, pour par exemple attribuer des priorités d'exécution, adapter les réactions du système à tel ou tel événement... en bref, définir le comportement du système ! Le robot se distingue donc de la machine par son autonomie et sa capacité à interagir.
• Robot, ordinateur, internet, objets : vers une interconnexion généralisée ?
Demain, comment vont se nouer les relations entre robots et systèmes intelligents ? Gérard Bailly, directeur de recherche au laboratoire Grenoble Images Parole Signal Automatique (CNRS) distingue le robot d'un système intelligent, mais les envisage aussi comme un continuum. « Ce qui caractérise le robot par rapport aux autres systèmes intelligents, c’est son rapport au monde, sa capacité d’interaction avec son environnement. De ce point de vue, une machine à laver qui ne communique pas avec l’extérieur, aussi intelligente soit-elle, n’est pas un robot. Mais les choses ne sont pas séparées de façon radicale, tout cela est un continuum. D’ailleurs, le robot peut être vu comme un médiateur entre le système intelligent et l’usager, c'est-à-dire une manière d’incarner le système intelligent de ma maison ou un système d’information pour le rendre plus convivial, plus facile d’utilisation, etc. ». Mais André Montaud, directeur général du centre de ressources sur la robotique Thésame, explique combien les frontières entre ces différents systèmes sont finalement difficiles à établir : « nous avons affaire aux mêmes problématiques technologiques – percevoir l’environnement, prendre des décisions, agir sur l’environnement – mais celles-ci vont s’incarner dans des objets qui peuvent avoir des physionomies très diverses, adaptées à des tâches et des contextes différents.
De même, le niveau d’intelligence du robot pourra être plus ou moins élevé selon les applications. Il ne sert à rien de mettre une intelligence très élevée sur un robot appelé à répéter toujours les mêmes tâches ! C’est ce qui va différencier le robot aspirateur du robot humanoïde. Ce qui peut changer également d’un système intelligent à un autre, c’est la répartition de l’intelligence ».
Pour que le robot s'anime, un très grand nombre d'algorithmes doivent traiter simultanément l'image, le son, la voix, la localisation, etc. Mais il est difficile de faire tenir une telle puissance de calcul dans un robot bon marché. Une approche consiste à déléguer le traitement des données à un ordinateur personnel ou à un serveur. C'est ce que l'on appelle le « cloud computing », mais appliqué à la robotique. Lorsque l'intelligence n'est pas centralisée sur une machine unique, on parle alors d' « intelligence ambiante » ou d' « intelligence répartie ». Comme le dit simplement Pascal Franck, responsable Développement Projets chez Robopolis Studio, « il suffit de rendre son objet connectable à Internet pour le rendre intelligent ». Les observateurs envisagent de plus en plus de connexions, et donc d'interactions, entre les robots et les objets issus des technologies numériques et entre les robots et les objets, objets liés à des informations par exemple grâce à l'utilisation de solutions RFID.
• La robotique, une science de l'intégration !
La robotique est la réunion de nombreuses disciplines : mécanique, électronique, informatique, automatique, traitement du signal, intelligence artificielle. Par conséquent, un robot est un agrégat de technologies, qui doit en outre se connecter à d'autres objets communicants et intelligents. Les progrès de la robotique seront donc nécessairement conditionnés par les capacités d'intégration des équipes de chercheurs et de développeurs. Si l'ampleur des investissements exigés peut faire peur à certains industriels en raison du manque d'applications rentables à court terme, d’autres parient d'ores et déjà sur l’interconnexion des différents univers technologiques pour faire émerger les usages et les modèles économiques de demain.
Utilisé pour l'électroménager depuis les années 1960, le terme robot fait partie de notre quotidien. Et pourtant, définir un robot est moins facile qu’il n’y paraît : quelles caractéristiques font-elles basculer une machine dans le monde de la robotique ? Une chose est sûre : il n'existe pas de définition unique !
• Qu'est-ce qu'un robot ?
« La structure technique d'un robot est la combinaison de trois éléments indissociables : une unité programmable pour raisonner, l'équivalent électronique d'un « cerveau », des capteurs pour percevoir l'environnement, des « sens » et des actionneurs pour interagir avec le monde réel, des « membres »... (Bruno Bonnell, auteur du livre « Viva la Robolution »). Grâce à ces trois éléments, les robots ont la capacité d'analyser leur environnement, la capacité de décision et la capacité d'agir sur le monde réel. Des spécialistes ajoutent une quatrième propriété -sans doute la plus discutée- : l'autonomie. Désigne-t-on par là l'autonomie dans l'espace, l'autonomie énergétique ou encore vis-à-vis d'un certain nombre de décisions ? « Distinguer les robots des systèmes intelligents n'est pas évident car il y a un grand débat sur le concept d’autonomie. Ambigu, il peut signifier deux choses : l’autonomie vis-à-vis de l’homme, ou l’autonomie en tant que capacité pour une machine à fonctionner sans intervention de l’homme » (Michel Parent, consultant scientifique auprès de l'IMARA à l'INRIA Paris-Rocquencourt). Il existe des robots qui agissent sous l'influence ou le contrôle de l'humain, d'autres qui agissent seul. Certains (encore dans les laboratoires) peuvent même faire preuve de créativité en inventant des solutions et des comportements non prédits par leur concepteur !
• Un concentré de technologies
La conception d'un robot fait appel à des professionnels de la programmation, de la mécanique, de la mécatronique, de la cognitique, du design, etc. Quelles que soient les formes et les fonctions des robots, leurs concepteurs doivent considérer les caractéristiques et problématiques techniques suivantes.
du robot renvoie au domaine de la programmation et des logiciels. L’enjeu est de le doter d’une capacité d’apprentissage, c'est-à-dire à la fois de la capacité à mémoriser et de la capacité à améliorer.
L’architecture peut se définir comme l’art de choisir les meilleures façons de structurer et combiner les composants du robot. Par exemple, les robots industriels de soudage qui doivent assembler des tôles très complexes auront des bras avec 4 ou 5 articulations, mais cela sera beaucoup plus réduit pour un robot d’initiation scolaire et préhenseurs sont assimilables aux muscles et membres du robot : c’est par eux que le robot agit sur le monde physique. Il s’agit de moteurs, de vérins, de pinces, mais aussi de tous les composants nécessaires à leur commande et au contrôle de leur position.
Les capteurs sont les organes par lesquels le robot perçoit son environnement. Ils doivent à la fois donner aux robots des informations de base sur son environnement (température, proximité d’un obstacle…) et lui permettre d’acquérir des informations plus fines (micro pour prendre en compte des instructions orales, ou caméra en vue d’identifier un objet).
La communication du robot n’est pas limitée à l’échange d’informations entre le robot et l’usager. Le robot peut aussi avoir à communiquer avec d’autres appareils (ordinateur, équipements domotiques…) situés dans son environnement de travail. Se posent alors des questions fines de langage, de protocole de transmission, de reconnaissance mutuelle. Enfin, se pose la question du choix de la source d’énergie. L’électricité est la plus souvent utilisée, soit par alimentation directe à partir du réseau, soit par batteries. Les concepteurs agissent sur différents leviers pour optimiser la consommation d'énergie des robots : optimisation des moteurs, allègement des matériaux, etc.
• Deux challenges d'avenir : maîtriser la préhension et apprendre au robot
Le challenge du verre d'eau explique bien la complexité de parvenir à maîtriser la préhension d'un robot. Remplir un verre d’eau à partir d’une bouteille en plastique pose bien des problèmes à un robot. Tout d’abord, il lui faut saisir la bouteille, fermement mais sans l’écraser, dévisser le bouchon (sans lâcher la bouteille), il faudra ensuite lever la bouteille, verser l’eau dans le verre, adapter l’inclinaison de la bouteille au fur et à mesure... Un arrêt sur l'étape de saisie de la bouteille permet déjà de mesurer les questions techniques à surmonter : la conception mécanique du préhenseur, du nombre de doigts, de leurs articulations, la mesure par le préhenseur de la pression exercée, l'ajustement de cette pression, etc. Le challenge est bel et bien de relier des éléments « moteur » et « sensitif »... aussi finement qu'une main humaine y parvient.
comme l'explique Karim Jerbi, Chercheur au Centre de Recherche en Neurosciences de Lyon. Un robot agit sur la base de déductions mathématiques et de calculs de probabilités : « il raisonne mais ne pense pas » nuance Bruno Bonnell. Mais l'évolution certaine des microprocesseurs, associée à leur miniaturisation, laisse présager des performances toujours plus grandes. Et tout changera lorsque les robots seront capables d'apprendre de façon autonome, d'allier leur raisonnement logique et de nouvelles informations de toutes sortes. Ce défi est relevé actuellement par la recherche fondamentale en cognitique, une pluridiscipline réunissant l'informatique, l'automatique, les sciences humaines et sociales, les sciences de la vie. Peter Ford Dominey, directeur de recherche en neurosciences et robotique (ICSC-CNRS) au sein de l'Institut Cellules Souches et Cerveau de l'Inserm de Lyon-Bron, et son équipe utilisent le robot iCub comme un outil de recherche au service des sciences cognitives. Mais leurs recherches pourraient, à l'inverse, servir à « humaniser » davantage le robot. « Nous contribuons aux avancées qui visent à rendre le robot capable de s’intégrer et d’apprendre dans un environnement inconnu, de se familiariser avec les objets constitutifs de cet environnement, de les manipuler, et de prendre les bonnes décisions. Cela nécessite des algorithmes permettant de faire raisonner le robot dans un contexte qui ne lui délivre pas toute l’information dont il a besoin ».
Tout le monde a en tête ce que recouvre la robotique industrielle : des manipulateurs contrôlés automatiquement, polyvalents, programmables dans trois axes ou plus, fixes ou portables, et utilisés pour des applications de production manufacturière. Mais qu'en est-il de la robotique de service ?
• Le vaste champ de la robotique de service
Les robots de service sont définis par la Fédération internationale de la robotique (IFR) comme des robots exécutant de façon semi ou entièrement automatique, des services utiles pour le bien-être des gens et des biens, à l'exclusion de tâches industrielles. L’IFR précise que, dans le cadre de cette définition, certains robots industriels manipulateurs peuvent aussi être considérés comme des robots de service dès lors qu’ils remplissent des tâches non manufacturières. En d'autres termes, la robotique de services produit des robots soit en direction du grand public, soit pour des entreprises de service.
• Distinguer cible professionnelle et cible grand public ?
Cela peut en effet paraître pertinent. Mais dans ce cas, la robotique professionnelle regrouperait la robotique industrielle et la robotique de service aux entreprises. Il s'agit de marchés de niches relativement établis sur lesquels les prix peuvent être élevés. La robotique grand public, quant à elle, concerne potentiellement de très grands marchés mais les prix des robots sont contraints par les ressources des ménages. Le rapport coût/utilité perçue doit être pertinent pour le consommateur. André Montaud, directeur général du centre de ressources en robotique Thésame, utilise cette distinction reposant sur les cibles. « Pour moi, la frontière la plus structurante au sein de la grande famille robotique se situe plutôt au niveau de la distinction cible grand public / cible professionnelle.» En effet, la robotique de service grand public d’une part, et l’ensemble de la robotique professionnelle, qu’elle soit industrielle ou de service, d’autre part, ne renvoient pas aux mêmes échelles de grandeur en termes de volumes de marchés et de prix de vente.
• Mais robotique de service et robotique grand public deviennent souvent synonymes dans la bouche des professionnels...
« Pour nous la robotique de service c’est tout ce qui ne concerne pas la robotique militaire et la robotique industrielle. Le robot de service est en contact direct avec le consommateur final et ce dernier en fait usage de façon autonome » (Emmanuel Rondeau, chef de projet R&D au sein du pôle de compétitivité Imaginove). « Pour moi, la robotique de service désigne explicitement les robots de service à la personne. Ce sont des robots qui aident à vivre plus facilement, qui sortent certaines personnes de leur solitude. » (Nicolas Marchand, chargé de recherche au GIPSA Lab de Grenoble).
Lorsque les professionnels évoquent la robotique de service aux entreprises, ils privilégient des termes plus précis : les robots de surveillance, de nettoyage, etc. Dans le langage courant, la notion générale de robotique de service semble renvoyer à la révolution en marche actuellement : des robots domestiques, ludiques, éducatifs, d'assistance, etc., qui entrent peu à peu dans nos vies et nos foyers et dont l'usage ne nécessite pas l'intervention d'un professionnel. Bien sûr, il s'agit encore d'un segment de la robotique en émergence, mais il semble faire sens aux yeux des professionnels, comme du grand public.
• Robotique de service : le défi de l'adaptation à l'environnement
Les qualités exigées d'un robot de service ne sont pas les mêmes que celles d'un robot industriel. Celui-ci est tourné vers un objectif central : accroître la productivité. L’environnement dans lequel intervient le robot industriel est « protégé » et conçu pour favoriser cette efficacité.
A l’inverse, le robot de service intervient dans un environnement « humain », beaucoup plus complexe que l'environnement industriel : un environnement qui n'a pas été conçu pour lui et qui est fréquenté par les humains (à l'exception des robots intervenant dans des milieux extrêmes). La démarche de prestation de service suppose donc une adaptation beaucoup plus forte aux différents contextes d’utilisation. Cette adaptation peut être prévue en amont, comme dans le cas d'un robot nettoyeur conçu pour intervenir dans une canalisation, ou réalisée au moment de l'utilisation, comme le robot aspirateur qui s'adapte aux caractéristiques de votre maison. Les robots de service doivent être capables de « gérer » beaucoup plus d'impondérables que les robots industriels et de moduler leur intervention en fonction de ces variables. « L’autonomie décisionnelle nous propulse à un autre niveau, il y a du raisonnement symbolique et plus seulement du calcul » (Bernard Espiau, directeur de recherche à l'INRIA-Grenoble). Enfin, certains robots de service ont vocation d'accompagner ou d'interagir avec l'homme (comme par exemple les robots chirurgicaux ou les robots ludiques). Cette dimension sociale distingue très clairement les robots industriels et de service. « Pour moi, la robotique de service évolue vers une prise en compte plus forte des partenaires humains avec une dimension cognitive beaucoup plus importante. Le robot devient un partenaire social qui contribue à mon bien-être cognitif » (Gérard Bailly, directeur de recherche du GIPSA Lab).
• Des robotiques de service ?
La robotique de service grand public peut se résumer par une formule très simple : « le robot entre dans les foyers ». Elle rassemble les robots destinés aux particuliers et dont l’usage quotidien ne nécessite pas l’intervention d’un professionnel : les robots domestiques, ludiques et les robots d’assistance à la personne.
Dans le cas de la robotique de service aux entreprises, « le robot intervient dans différents contextes professionnels ». Le robot vient aider l’homme dans sa tâche ou se substituer à lui, celle-ci ne visant pas la production d’un bien matériel, mais la délivrance d’une prestation de service. On trouve des robots de sécurité et de défense, des robots médicaux (diagnostic, chirurgie, etc.), des robots de nettoyage professionnel, des robots dédiés à la R&D, des robots éducatifs, des robots sous-marins...
Avec le vieillissement annoncé des populations et l'augmentation du nombre de personnes dépendantes, l'avenir de la robotique d'assistance semble prometteur... pour ceux qui sauront accompagner ces changements profonds et faire de la robotique d'assistance un réel progrès pour l'humanité.
• De multiples formes d'assistance
Du bras robotisé adapté sur un fauteuil roulant à une combinaison de type « exosquelette », les robots pourraient devenir de plus en plus présents dans la vie des personnes dépendantes. Ils permettent, et permettraient, aux personnes de pouvoir de nouveau saisir et porter un objet, appuyer sur un bouton, alerter, se lever, marcher...
La robotique d'assistance pourrait aussi aider à pallier d'autres déficiences que les pertes d'autonomie fonctionnelle. Des expérimentations sont actuellement conduites pour mesurer l’impact des robots de compagnie sur des personnes atteintes de handicaps, de la maladie d’Alzheimer ou encore d’autisme. Conçu pour apporter un soutien émotionnel aux patients, le robot bébé phoque japonais, déjà sur le marché, a prouvé son efficacité : diminution de l'anxiété, de la tension artérielle, de la douleur, augmentation des interactions sociales... Certains robots vont plus loin et permettent une plus grande interaction avec l'homme. Né d'une collaboration Australie-Japon, le robot Matilda exploite la communication non verbale et réagit ensuite en conséquence, plaisante, délivre un message gentil, s'approche pour un câlin...
Et des robots « auxiliaires de vie » sont actuellement en cours de développement. Tous deux de forme humanoïde, les robots Twendy One (japonais) et Roméo (français) marqueront vraisemblablement un pas décisif dans l’aide à la personne en perte d’autonomie. Tous deux seront capables d'évoluer dans un environnement humain, d'interagir avec les objets du quotidien, de communiquer avec leurs propriétaires et même de leur porter secours. Rêve d'ingénieurs ou réalité ? L'avenir nous le dira... ces robots doivent être commercialisés aux alentours de 2015.
• Deux impératifs : privilégier une approche pluridisciplinaire et associer l'usager
Travailler dans le monde de la robotique d’assistance implique de mener des recherches, par nature, pluridisciplinaires. Pourquoi ? Parce que les apports des professionnels de la santé, de l'informatique, de la mécanique, de l'électronique sont nécessaires pour innover et répondre réellement aux besoins. Associer les usagers est même recommandé afin de prendre en compte la diversité et toute la complexité des déficiences. « Dans l'idéal, il faudrait que l'on ait l'ensemble de parties prenantes dès la phase de conception » résume Gérald Comtet, animateur du cluster I-Care Rhône-Alpes.
• Mais les robots sont-ils vraiment une (bonne) solution ?
On imagine ce que la robotique d'assistance peut apporter aux personnes handicapées ou en perte d'autonomie, et aussi aux aidants et soignants, qui seront dégagés de certaines tâches. Mais ces évolutions doivent nécessairement s'accompagner d'une réflexion collective, afin que les robots n'induisent pas de nouvelles inégalités, que les relations sociales soient maintenues voire améliorées, que la dignité des personnes soit préservée... Des réponses techniques à la dépendance ne suffisent pas (Pierre Ancet) car « ce qu’il manque à quelqu’un qui est en perte d’autonomie, outre la réalisation de quelques tâches routinières, c’est aussi et surtout une relation sociale » (Gérald Comtet).
Pour Samuel Gauthier, jeune villeurbannais handicapé utilisant au quotidien des systèmes automatisés ou robotisés, les robots pourraient contribuer à une meilleure intégration sociale des personnes handicapées. « Le handicap entraîne des incapacités physiques, mais également des contraintes d’aides, de soins, de suivis médicaux. Le mode de vie se plie donc à ces contraintes, ce qui favorise l’isolement social (en plus de la différence physique). Pour moi, les robots idéaux seront ceux qui effaceront au maximum les incapacités et les contraintes liées au handicap pour que le mode de vie en pâtisse le moins possible. L’intégration sociale viendra alors d’elle-même lorsque de plus en plus de personne en situation de handicap arpenteront les rues, les écoles, les universités, les lieux de travail, etc. ».
• Des règles s'imposent
Une machine n'est pas l'auteur d'un acte. Si elle « agit » avec des conséquences dommageables, le responsable ne peut être que le constructeur ou le propriétaire de la machine. Les questions légales se compliquent lorsqu’il s’agit de robots, qui outre le fait d’être mobiles et programmés, sont capables de prendre des décisions. Qui est alors responsable : le créateur, l’utilisateur, ou le robot lui-même ? Que se passe-t-il si le robot prend une décision dommageable, contraire à la volonté de son propriétaire ? Quel cadre doit poser la loi ?
notamment par Ryan Calo, chercheur à l’Ecole Légale de Stanford, et par Noël Sharkey, professeur en robotique à l'Université de Sheffield, qui appellent à tirer les leçons de l'explosion d'internet, insuffisamment encadrée, et donc à mettre en place rapidement des règles internationales pour une utilisation éthique des robots.
Des véhicules-robots se mêlant à la circulation, autonomes, capables de se passer de chauffeur, assurant la sécurité des occupants et respectant l'environnement... tels sont parfois envisagés les véhicules du futur. Connaîtrons-nous un jour ces véhicules-robots ?
• Des véhicules automatiques qui annoncent des « véhicules-robots » ?
Les premiers véhicules automatiques datent des années 1960 : il s'agissait de transports collectifs, tramways ou métros. Aujourd'hui, les métros sans chauffeurs sont devenus courants en Europe et dans certaines régions d'Asie. A Lyon, la ligne D fut la première ligne automatique à grand gabarit du monde, elle est utilisée en mode automatique depuis 1992.
Mais quand il s'agit de véhicules automatiques individuels, les projets peinent à aboutir. En France, on les appelle les cybercars. Parmi eux, on trouve l'emblématique prototype CyCab, issu des recherches de l'INRIA (Institut national de recherche en informatique et en automatique) présenté en 1996. Mais si les projets sont nombreux et largement relayés dans les médias qui ne manquent pas d'annoncer l'arrivée prochaine de la voiture du futur, les réalisations sont encore rares. On compte très peu de cybercars opérationnels. Le projet de véhicule individuel public automatisé VIPA, développé actuellement par le pôle de compétitivité ViaMéca, nous fera peut-être mentir...
• Résoudre les questions techniques ne suffit pas
Les progrès techniques ont été considérables en matière de capteurs, de systèmes de vision intelligente, de matériaux, de calcul, de géolocalisation, avec une réduction du coût et de la taille de ces éléments. Ces progrès rendent la perspective de véhicules autonomes plus crédible aujourd’hui qu’hier. En outre, cette solution répondrait à de nombreux enjeux : fluidifier nos villes engorgées, diminuer la pollution, améliorer la sécurité... Mais on ne peut sous-estimer les difficultés de la diffusion de ces nouvelles technologies au sein de la société. Bernard Favre, directeur du programme R&D « Systèmes de transport » du pôle de compétitivité Lyon Urban Trucks & Bus, nous l'explique : « Ce n’est pas seulement la technologie qui fera les solutions de demain, ce sera la réponse sociale. Les modes de transports automatiques se mettront en place si cela a un sens, si c’est utile, perçu au niveau individuel et collectif comme un apport, s’il y a un consensus, à commencer par celui des personnels d’exploitation et conducteurs… ».
Difficile d'envisager l’adhésion des conducteurs de bus et de camions envers des technologies susceptibles de les remplacer à long terme. C'est pourquoi la perspective actuelle n'est pas de se passer de l'homme mais de renforcer sa maîtrise tout en intégrant davantage d'automatismes. Dans cette évolution vers des transports intelligents, les interfaces homme-machine doivent être pensées de façon à ce que les hommes conservent la capacité de comprendre, d'intervenir, de décider...
• Un environnement encore trop complexe à appréhender et un verrou réglementaire
Se passer de conducteur dans les bus, camions et voitures, paraît encore difficilement envisageable tant il y a d'impondérables en prendre en compte. « On ne peut reproduire en surface l’équivalent de la ligne D [la ligne de métro automatique de l'agglomération lyonnaise], située sous terre et sur une infrastructure dédiée. En surface, beaucoup trop de choses se passent pour que cela soit imaginable, les impondérables sont trop nombreux, un enfant peut traverser à tout moment ! En plus, l’enjeu n’en vaut pas la peine si on compare les investissements, la technicité nécessaire et le gain attendu » affirme Philippe Grand, responsable du programme de recherche « Architecture des systèmes de transport et confort » du pôle de compétitivité Lyon Urban Trucks & Bus.
L'autre verrou majeur est d’ordre réglementaire et concerne la responsabilité des exploitants : la Convention de Vienne de 1963 sur la circulation routière impose qu’il y ait forcément un conducteur dans un véhicule individuel.
• Des véhicules intelligents plutôt que des « véhicules-robots »
Les études prospectives s'intéressant aux nouvelles mobilités misent rarement sur la robotique. Parallèlement, la voie massivement empruntée par les constructeurs est celle de l’intégration d’intelligence dans les véhicules, dans une logique d’assistance au conducteur, et non celle de la robotique.
A l'heure actuelle, l'homme ne semble pas prêt à faire confiance à des véhicules disposant d’une autonomie décisionnelle, et la technique ne le permet pas encore dans des conditions réelles. Mais au regard des diverses expérimentations menées depuis une vingtaine d'années, il paraît vraisemblable que les véhicules automatiques occupent une place dans les villes sur des sites propres et/ou en complément des transports collectifs. A l'initiative du CyCab et coordinateur de plusieurs projets européens sur les cybercars, Michel Parent envisage désormais les véhicules automatiques en complément d'autres modes : « cette solution aura sa place à relativement court terme pour les petits trajets locaux, en complément de transports en commun ». D'autres solutions existent ou sont envisagées : celles assistant la conduite, celles améliorant la communication (entre véhicules, infrastructures, exploitants et opérateurs...), celles autour du partage de véhicules, celles autour du guidage/pilotage des véhicules, etc.
Dans ce contexte, les projets de véhicules-robots gardent une pertinence malgré tout. « Ce projet de voiture robotisée, c’est un peu comme l’horizon du robot humanoïde autonome : même si nous n’y arrivons pas, nous fixer cet objectif donne un horizon commun, stimule, et donne lieu à des multiples avancées » analyse Roger Pissard-Gibollet, ingénieur de recherche à l'INRIA-Grenoble.
Robot-jouet, robot-chien, robot éducatif... si l'utilité de ces robots n'est pas toujours perçue en Occident, ils semblent apporter beaucoup de satisfaction à leurs propriétaires. Les robots ludiques seront-ils la clé du marché grand public ? Les robots éducatifs entraîneront-ils une révolution à la hauteur de celle d'internet dans le champ de l'éducation ?
• Des robots sans prétention, ludiques et accessibles au grand public
Les observateurs annoncent que les robots ludiques pourraient bien trouver rapidement leurs places dans nos foyers, aux côtés des robots domestiques (robots aspirateurs, nettoyeurs de piscine...). Tout d'abord, la technique permet déjà de développer des fonctions intéressantes pour un jouet (effets sonores, marche, bras articulés...) et des interactions entre l'homme et le robot. Et à l'inverse, l'étude des usages pourrait doper la robotique ludique en multipliant les possibilités. « La problématique qui nous est posée est la suivante : quelles manières de jouer avec un robot peut-on imaginer ? Les réponses dépendent évidemment des capacités du robot. Mais avec trois capacités de base comme le déplacement, la reconnaissance des objets et l’émission de son, on peut déjà imaginer des gameplay amusants. En même temps, l’idéal serait de faire le chemin inverse : quels sont les usages ? Quelles nouvelles idées de jeux peut-on en tirer ? De quelles capacités faut-il doter les robots ? » interroge Emmanuel Rondeau, chef de projet R&D au sein du pôle de compétitivité rhônalpin Imaginove.
Ensuite, les progrès techniques ont permis de réduire leurs coûts. On trouve désormais des robots-jouets à des prix accessibles (moins de 100 euros). Leurs capacités sont modestes mais ils amusent, séduisent et ont le mérite de faire sortir la robotique du cercle des initiés. Enfin, les robots pourraient bénéficier du mouvement « open source » que l'on observe depuis quelques années dans le logiciel (accès au code source et possibilité de redistribution) et qui s'étend aujourd’hui à la robotique. Cet aspect pourrait bien jouer en la faveur de la robotique ludique en entraînant une dynamique créative. Pascal Franck, responsable développement projets au sein de l’entreprise lyonnaise, Robopolis Studio, mise notamment sur cette tendance : « nous proposons une boite à outils pour que les passionnés créent et partagent des applications. Nous cherchons aujourd’hui à démocratiser la programmation du robot à travers des interfaces logiciels très simplifiées et graphiques ».
Contrairement aux idées reçus, certains robots sont parfaitement adaptés au grand public. « Avec notre nouveau logiciel Risbee, nous avons radicalement simplifié l'interface de programmation pour que n'importe quel utilisateur lambda puisse programmer son robot » explique Pierre Seguin, fondateur et président de Pob-Technology.
• Les robots-animaux, les meilleurs amis électroniques de l'homme ?
Comme les ordinateurs personnels furent au départ méprisés pour leurs performances médiocres, comme les premiers téléphones portables furent moqués en raison de leur faible portée et de leurs batteries trop lourdes, les robots-animaux pourraient faire partie de ces objets techniques dépréciés qui annoncent pourtant de grands changements. C'est en tout cas ce que pressentent des observateurs qui annoncent l'évolution prochaine des robots-animaux en compagnons de vie. Jouant sur l'affect, ces robots sont disponibles, à l'écoute, peu exigeants et programmés en général pour montrer leur intérêt aux hommes. Il n'est pas rare que les gens s'attachent réellement à eux. Signalons que la plupart des grandes entreprises mondiales semblent miser sur cette perspective car tous ont leurs propres projets de robots de compagnie : Honda, Mitsubishi, Phillips, NEC, Fujitsu, Microsoft, Electronic Arts, etc.
• Le robot éducatif, un nouvel outil d'apprentissage tissant un lien avec les élèves
Que peuvent apporter des robots en matière d'éducation ? Tout d'abord, ils peuvent contribuer à transmettre les habiletés ou savoir-faire, des savoirs difficilement « visualisables » par les outils traditionnels d'enseignement (cours magistraux, analyse de textes...). Les professeurs ayant déjà utilisé des robots dans un cadre pédagogique retiennent également la motivation accrue des élèves (ancrage dans le monde réel et relation émotionnelle à l'objet), l'amélioration des apprentissages des concepts scientifiques « abstraits » (tangibilisation des concepts) et le développement de l'esprit collaboratif et de l'intelligence émotionnelle (relationnel, confiance en soi, etc.). Ces aspects peuvent être complétés par des logiciels adaptés, bénéficiant du savoir-faire des jeux ludoéducatifs. Et pour aller encore plus loin, le robot, une fois connecté à internet, peut servir à la fois de centre de traitement, de base de données, de capteur d'informations à distance ou d'émetteur d'ordre sur des actionneurs distants comme des caméras, des sondes, etc. Ainsi, le robot permettrait aux élèves d'explorer des savoirs extérieurs à leur environnement direct et d'expérimenter sans risque.
• Se préparer aux collaborations homme-robot dès l'école ?
Des robots sont d'ores et déjà utilisés en France pour enseigner la robotique dans des classes de sciences de l'ingénieur, comme ceux de la société villeurbannaise Pob-Technology présents dans les académies de Versailles et de Grenoble. Mais doit-on aller au-delà ? Faut-il écouter les signes indiquant une évolution majeure d'une société des technologies de l'information vers un monde d'intelligence avec des robots ? Bruno Bonnell, dans son livre « Viva la Robolution », répond sans hésitation oui et plaide pour la mise en place d'un Plan robotique à l'école. « Il faut initier des réflexes et des habitudes de travail avec les robots. Le premier pas vers cette collaboration homme-robot est de banaliser la robotique dans l'enseignement. La préparation des enfants à leur quotidien de demain ne peut être ignorée (…) L'usage de la robotique en milieu scolaire induit un nouveau rapport à la machine nécessaire à la construction de la société de demain (…) Rien ne pourra être mis en place à grande échelle dans notre pays sans la volonté politique d'introduire des robots dans l'enseignement ».
Les services urbains font référence aux services de gestion de l'eau, aux services de la propreté et de la voirie. Tous concourent à rendre un territoire plus agréable à vivre. Quel serait donc l'impact de l'introduction de la robotique dans les services urbains ? Des robots sont-ils déjà à l'œuvre dans ces secteurs ou ne s'agit-il encore que de perspectives lointaines ?
• Les robots des villes
Des robots de petite taille sont d’ores et déjà utilisés pour explorer et réparer des canalisations. Il n'est plus nécessaire d'ouvrir la chaussée, ce qui réduit grandement le temps d'intervention et les nuisances, et évite aussi de devoir refaire la voirie après l'intervention. Différentes entreprises développent aujourd’hui ce type de système d’intervention, qui intéresse les collectivités locales, à l’exemple de Poitiers qui l'utilise pour réhabiliter les canalisations d’eau potable.
Des robots nettoyeurs de rues et des robots déneigeurs ont déjà été testé en Asie comme en Europe.
Des robots peuvent aussi intervenir dans la collecte des ordures ménagères. On pense à la collecte par aspiration pneumatique, permettant le transport des ordures du point de dépôt au point de traitement, évitant donc l'intervention de camions poubelles. D'ores et déjà, des installations de ce type fonctionnent en Europe (à Séville, Barcelone, Wembley,...), et bientôt en France (expérimentations en Seine-Saint-Denis, projets pour l'éco-quartier des Batignolles, les communes des Lilas et de Romainville...). Les camions de collecte peuvent aussi être équipés de bras robotisés qui soulèvent et vident les bacs d'ordures, comme certaines villes canadiennes, australiennes et néozélandaises, mais aussi européennes (Rome, Barcelone). La robotique peut aussi favoriser la traçabilité de la collecte, via des puces intégrées dans les bacs. Enfin, la robotique pourrait optimiser le tri, par exemple grâce à l'intervention de robots capables de distinguer les différents types de plastique (comme au Japon).
• Des robots à la place des hommes ?
Récurrente dans l'histoire des services urbains, cette question est de nouveau d'actualité comme les exemples précédents le montrent : les robots remplacent des êtres humains, diminuent leurs temps d'intervention ou changent même la nature des métiers. La diminution de la pénibilité est incontestable. Mais que deviennent les agents remplacés : les ripeurs, les cantonniers, les agents de tri ? Il n'est pas sûr que ces personnes puissent être toutes reclassées. « Ce qui est en jeu à travers la robotisation, c’est en fait avant tout la question sociale : celle de l’emploi d’une manière générale et de l’emploi de personnes non qualifiées en particulier, et celle de la cohésion sociale en laissant un nombre encore plus important de personnes à la marge de la société » rappelle Roger Paris (direction de la Propreté du Grand Lyon). En outre, « ôter le sentiment d’être utile est un acte lourd de conséquences » (Valérie Mayeux-Richon, direction de la Propreté du Grand Lyon).
Bien sûr, la robotique crée aussi des emplois, directs et indirects. Au sein des services urbains, il est même probable que des nouveaux métiers en lien avec les évolutions des technologies (numérique, robotique) et des modes de faire (écologie) émergent.
• Un autre regard sur les services urbains ?
La diminution du nombre d'hommes de terrain, visibles par les habitants, comme la technicisation des métiers feront nécessairement évoluer l'image des services urbains. La présence progressive des robots sur l'espace public sera-t-elle vécue naturellement, comme l'installation de nouveau mobilier urbain (mais mobile), ou fera-t-elle événement ?
Et cette évolution sera-t-elle favorable au développement de la co-responsabilité des usagers vis-à-vis de la propreté, et plus généralement du bien vivre en ville ?
• A la croisée de choix financiers, écologiques et sociaux
Les services urbains ont déjà dû s'adapter à la mécanisation et à l'introduction de l'informatique et des systèmes automatisés dans leurs modes de fonctionnement. La question du recours à la robotique se pose actuellement, notamment pour répondre aux impératifs d'amélioration des prestations, de maîtrise des coûts et de réduction de la pénibilité des métiers. Mais l'équation n'est pas simple à résoudre puisque, comme pour toute innovation, il s'agit de prendre en compte les aspects financiers (investissement, fonctionnement), les aspects sociaux (nombre et nature des emplois, confort et sécurité des agents...) et les aspects écologiques (coût environnemental des robots/intérêt de leur utilisation). Chef de projet à la Direction de la propreté du Grand Lyon, Claude Horenkryg rappelle l'importance d'accompagner l'innovation technique dans les services urbains, en tenant compte de l'existant, des opportunités offertes comme des points de blocage. « Il est de la responsabilité de l’encadrement d’accompagner les changements qui demandent aux agents de se mettre dans de nouvelles situations, dans de nouveaux modes de travail, dans des systèmes relationnels différents. Cette adaptation aux changements ne peut se faire sans une prise en compte de la réaction naturelle des gens. Elle nécessite une analyse partagée, une appropriation progressive des projets ».
Les robots, en particulier les robots humanoïdes, fascinent et inquiètent à la fois. Cette ambivalence témoigne de préoccupations qui dépassent largement le cadre de la robotique : les relations entre l'homme et la nature, l'homme et la technique, la définition même de l'humain... Pour autant, les formidables progrès de la robotique posent également des questions inédites, dans le domaine de l’éthique et du droit en particulier.
• Pourquoi les robots humanoïdes nous fascinent-ils ?
Le marché de la robotique propose une grande diversité de produits : le robot aspirateur en forme de soucoupe volante, le robot chien, le bras robotisé à installer sur le fauteuil roulant d'une personne handicapée, les robots « invisibles » pilotant les métros automatiques, reconnaissant le visage de leur propriétaire ou encore les nanorobots... Mais les robots humanoïdes, imaginés depuis longtemps par la fiction arrivent aussi sur le marché. Il en existe déjà des prototypes comme les emblématiques Nao (Aldebaran), Asimo (Honda), ou encore le robot du Professeur japonais Ishiguro, qui lui ressemble trait pour trait. Pourquoi concevoir les robots à notre image ? Parce qu’étant destinés à devenir nos compagnons ou nos assistants, il est opportun qu'ils nous ressemblent afin de faciliter les interactions, expliquent leurs concepteurs. Mais est-ce la seule raison ?
Il y a un lien affectif entre l'homme et ses robots, mais c’est un lien paradoxal, tout à fait différent du lien avec l’autre humain. Il y a bien une dimension affective qui se crée entre robots et utilisateurs, comme d’ailleurs avec d’autres objets techniques. Mais si on part du principe que le robot est un dispositif qui obéit, alors cela pose une relation en termes de servitude entre humain et robot. En termes de passion, de relation amoureuse ou même dans le monde professionnel, cela soulève toute une série d’interrogations. Cela pose aussi la question de la place du robot. Est-ce nécessairement une place de dominé ? Pourquoi, dans la fiction, les robots en viennent-ils à se poser des questions, à se révolter ? Finalement, ils nous disent que ce que nous leur faisons n’est pas correct, n’est pas respectueux, et ils demandent l’accès à la dignité. Les œuvres de fiction nous aident à envisager et préparer un type de comportement et à amadouer des situations problématiques. Elles sont des expériences par procuration (...) » (Jérôme Goffette, Maître de conférences en Philosophie à l'Université Lyon 1).
• L'humain, des frontières de plus en plus floues
Dans la tradition occidentale, l'homme se considère comme un être à part dans la création, ainsi qu’en témoigne la Bible où Dieu donne la création à l'homme et lui commande de dominer la nature. Cette représentation d'un être à part (un sujet face à une multitude d'objets sur lesquels il peut faire valoir des droits de propriété) est confortée dans la philosophie, à partir du 17e siècle (Galilée, Bacon, Descartes), avec toutefois une autre explication. C'est la raison humaine qui, permettant de comprendre les mécanismes de la nature, offre les moyens d'en exploiter les ressources : devenir « maîtres et possesseurs de la nature » disait Descartes dans son Discours de la méthode (1637). Mais nous mesurons aujourd’hui les dangers de cette logique. La prise de conscience de l'épuisement des ressources et du changement climatique fait radicalement évoluer notre rapport à la nature. « Pour avoir avec la planète non des relations de parasite mais des relations de symbiose, il faut désormais passer contrat ». Michel Serres nous invite à clore la période où « la science et la technique prennent, lieu par lieu, maîtrise et possession du monde » pour passer « un contrat naturel » de réciprocité : « autant la nature donne à l'homme, autant celui-ci doit rendre à celle-là, devenue sujet de droit ».
Ces 20 dernières années ont aussi été celles d'une révolution culturelle silencieuse touchant aux frontières homme-animal. D'un côté, notre regard sur les animaux a changé : il n'est désormais pas rare qu'on leur prête de l'intelligence, des émotions, des qualités d'empathie et de solidarité, etc. De l'autre, les humains sont naturalisés du fait des découvertes des neurosciences, de la génétique du comportement, etc.
Parallèlement, l'idée d'améliorer le corps humain en lui implantant des objets artificiels monte en puissance du fait de l'augmentation des possibilités techniques, de la popularisation d'une médecine d'amélioration... Cette tendance est particulièrement prégnante dans les théories transhumanistes, qui prônent l'usage des sciences et des techniques pour améliorer le corps humain.
Quant aux robots, ils nous attirent autant qu'ils nous font peur. Leurs capacités d'interaction et d'autonomie expliquent sans doute pourquoi ils nous questionnent plus que tout autre objet technique.
Notre rapport à la nature, à l'animal, à la technique évolue donc en profondeur. Ces non-humains, si proches de nous en définitive (animaux, hommes augmentés, robots...) requestionnent les contours de l'humain. « Dès que nous introduisons de nouvelles réalités telles que les clones, les corps transformés, les cyborgs, les androïdes, etc. – cela crée de nouvelles interactions à la fois avec ces nouvelles réalités et évidemment entre nous en tant qu’humains. Cela redistribue l’espace de nos interactions ainsi que celui de notre devenir » (Sarah Carvallo, Maître de conférences en philosophie à l’Ecole Centrale de Lyon).
• Comment redéfinir l'humain ?
Il n'existe bien sûr aucune certitude en la matière. Les raisonnements basés exclusivement sur la distinction entre le biologique et le social, l'inné et l'acquis, la nature et la culture, ne fonctionnent plus. Soulignons aussi la difficulté pour les Occidentaux de faire ce travail de redéfinition au moment où l'homme tente de se réinscrire dans le règne animal. Tout en soulignant la complexité de la question, penseurs, philosophes et scientifiques proposent des pistes. Pour Axel Kahn par exemple, l'émergence de l'être humain a deux conditions : la possession d'un génome et « l'humanisation » au contact de l'autre. L'autre m'est indispensable pour prendre conscience de mon humanité et de mon individualité. Mais que se passe-t-il si cet autre n'est pas humain, si cet autre est une machine qui me ressemble, agit, parle, « comprend » mes réactions ?
D’autres, avec Antonio Damasio, en s’attachant à mettre en évidence le rôle des émotions dans nos comportements, nos relations et nos décisions, éloignent l’humain d’une définition par sa seule raison, tout en le tenant à distance du robot, qui calcule mais ne ressent pas. Mais est-ce si simple ? « Si l’on est face à une machine qui est capable de reconnaître des émotions et de les simuler, qu’est-ce qui me dit qu’elle n’en éprouve pas au fond ? Il est tentant de céder à la projection. Surtout si le robot est vraiment très semblable à un homme. Le langage, lui aussi, tend à ne plus être une caractéristique propre à l’humain. En effet, les robots sont de plus en plus aptes à utiliser un lexique abondant, une syntaxe élaborée. Ils savent imiter les accents, ils savent parfois simuler l’humour, l’ironie » (Jean-Michel Besnier).
Que dire à l’inverse de l'humain quand celui-ci participe de plus en plus activement à sa transformation, via l'augmentation des possibilités techniques et la popularisation d'une médecine d'amélioration ? Et que dire de l'humain qui participe à la création de la vie, via les techniques de procréation assistée, le clonage, et désormais la biologie de synthèse ?
• Se saisir des questions éthiques posées par les TIC, les systèmes intelligents, les robots...
L'éthique n'énonce pas des interdits, mais tente de répondre à la question du « bien-vivre ». Les technologies récentes (TIC, systèmes intelligents, implants artificiels, robots...) nous invitent à reposer cette question : « comment bien vivre avec ce que nous sommes capables de faire aujourd'hui, avec nos sciences et nos technologies ? Bien vivre, c'est vivre ensemble dans une communauté que l'on a choisie, c'est également vivre en sécurité. L'univers éthique est fait d'équilibre, d'harmonie, de cohérence, dans les comportements. A partir de cette vision, on peut dire que les technologies que l'on est en train de développer vont rendre difficile la vie éthique et sans doute constituer des fractures au sein de l'humanité» (Jean-Michel Besnier). Et à vouloir nous entourer de créatures infaillibles, sans aspérités émotionnelles, n'allons-nous pas perdre nos capacités d'empathie, de tolérance et de solidarité ? N'y a-t-il pas aussi des risques à déléguer à des systèmes intelligents des qualités aussi importantes que la mémoire, la culture générale, etc. ?
Il est important de se saisir de ces questions, et sans doute de bien d'autres, pour tenter de déterminer ce qui est souhaitable pour notre société, en gardant en tête que l'éthique n'est pas figée une fois pour toute, et ne l'est pas non plus pour tous. Ce qui est inacceptable aujourd'hui sera peut-être acceptable demain, une fois qu'un cadre sera posé et que la société se sera appropriée certains changements. Ce qui paraît inacceptable pour certains (confier l'assistance d'une personne handicapée à une machine), peut être souhaitable pour d'autres (la personne handicapée préférant gérer elle-même le bras automatisé qui la nourrit, plutôt que d'être aidée par un aide-soignant). L'éthique s'exerce donc au plus près de la société et du terrain.
Cette question résume la crainte relative à la prise de pouvoir des robots, dans notre futur, et d'ores et déjà dans les œuvres de fiction. Mais rappelons-nous quand même que « si les machines autonomes agissent par elles-mêmes, elles n'agissent pas pour elles-mêmes, afin de réaliser des buts qu'elles se seraient fixé seules (…) ce n'est que dans le feu de l'action, et du fait de leur complexité, que ces robots nous apparaissent doués d'une volonté propre, mais cela n'est qu'une illusion » (Jean-Gabriel Ganascia).
Nul, à ce jour, ne saurait le dire. Pour les machines, le droit considère traditionnellement que c’est celui qui contrôle la machine qui en est responsable tant qu’il n’y pas de dysfonctionnement. En cas de problème technique, c’est le constructeur qui devient responsable à condition que la machine ait été utilisée dans des conditions conformes au mode d’emploi. Mais dans le cas de machines autonomes, comme les robots, il existerait là « un vide de responsabilité » dans le sens où il est impossible de déterminer le ou les responsables.
Faut-il définir d'ores et déjà des règles ? Dans la fiction, dès les années 1950, le romancier Isaac Asimov imagine trois lois éthiques dédiées aux robots. Celles-ci sont conçues pour protéger les hommes contre un éventuel débordement de la part des robots. En 2007, la Corée du Sud a rédigé une « Charte éthique des robots » estimant que d'ici 2020, chaque foyer de ce pays devrait posséder un robot. De nombreux observateurs comme Bruno Jacomy, directeur du Musée des Confluences (Lyon), estime qu'on ne peut aller à l'encontre de l'évolution en cours. Les robots sont déjà présents dans nos vies et la tendance s'accentuera vraisemblablement. Aussi, est-il souhaitable de prendre quelques précautions : « la question qu’il faut sans cesse se poser est : est-ce parce que je peux le faire, que je dois le faire ? (…) L’un des objectifs de l’Homme occidental est de créer sans cesse du nouveau. Mais est-ce parce que l’on peut faire une innovation que nous devons la mettre en œuvre ? La frontière entre « je peux » et « je dois » est ténue. C’est le passage de l’ingénieur à l’homme politique ; de la technique à l’éthique ».
Aujourd'hui, la question est moins de savoir si la robotique de service va changer le monde, mais plutôt de savoir quand et comment elle va le faire. De nombreux professionnels se sont déjà engagés sur cette route, semée de nombreux défis techniques, sociétaux et réglementaires. C'est pourquoi nous avons donné la parole à des acteurs rhônalpins afin d'apprécier leurs visions de la robotique. Nous vous livrons ici quelques morceaux choisis de nos entretiens.
• R comme Robolution
Anticipant les transformations induites par les robots, Bruno Bonnell, auteur du live « Viva la Robolution », prévoit une « robolution » dans les 20 prochaines années. « A l’avènement des machines industrielles, mues par la vapeur puis l’électricité, au milieu du 19e siècle, on a utilisé le terme de révolution industrielle. Avec le recul de l’histoire, on a constaté que ça avait tellement transformé la société, qu’il s’agissait d’une révolution industrielle totale. Ici, j’anticipe sur cette révolution apportée par la robotique : cette intelligence accordée aux machines va effectivement transformer tout notre corps social ».
Mais certains acteurs restent prudents. Nicolas Beroud, responsable technologies-clés et territoires à l'Agence d'Etudes et de Promotion de l'Isère (AEPI), reconnaît davantage la montée en puissance de l'électronique et de l'intelligence qu'une robolution. « On pourra parler de rupture lorsque la robotique aura un impact important sur l’environnement de la vie quotidienne et les modes de vie. Plus largement, je pense que l’on assiste surtout à de l’intégration de plus en plus poussée d’électronique dans notre environnement, des capteurs, de l’intelligence embarquée, etc. L’évolution des ventes du robot aspirateur d’IRobot est un signe important mais l’idée de robolution est sans doute excessive. Il y a d’autres évolutions sur le plan technologique et industriel qui sont davantage porteuses de changement que la robotique ».
Jean-Christophe Simon, Directeur général de l'innovation du Groupe SEB, parle d'un tournant. A l'avenir de nous dire si les années 2010 sont celles d'une robolution ! « Nous n’en sommes plus à nous demander « est-ce que l’on a les technologies ? » parce que les technologies sont effectivement disponibles. On ne se demande pas « est-ce que le consommateur sera effrayé ou pas ? » parce que le consommateur est prêt à utiliser des produits robotisés. (…) Par ailleurs, sur le plan économique, il existe désormais des entreprises positionnées sur ce champ de la robotique de service et qui ont un modèle économique viable. Après, tout ne va pas se jouer en un an. Nous sommes dans une période de cinq ou dix ans par rapport à laquelle on pourra dire qu’il y a eu un avant et un après. »
sociologue au Centre d'études sur l'actuel et le quotidien de l'Université René Descartes-Sorbonne Paris V, nous sommes actuellement dans une période favorable à l'émergence du marché de la robotique de service en raison d'une évolution de notre perception des objets en général, et des robots en particulier, de la moindre influence de notre éducation judéo-chrétienne et notre évolution de notre rapport à la nature.
• I comme Intelligence
Gérard Bailly, directeur de recherche CNRS au laboratoire Grenoble Images Parole Signal Automatique (GIPSA), souligne combien il est important d'allier l'intelligence embarquée et la mécanique pour produire des robots capables de s'adapter à l'homme et l'environnement. « Si la France veut trouver sa place sur ce marché, il faudra jouer sur les deux tableaux : la maîtrise de l’intelligence embarquée et la maîtrise de la mécanique du robot. Il faut être en capacité de gagner le double pari de l’intelligence et de la solidité. (…) Pour moi, le principal défi de la robotique est là : faire en sorte que les robots puissent vivre dans un environnement humain, et non l’inverse ! C’est là un point fondamental. Un robot en contact avec l’homme ne peut pas se contenter d’être efficace dans la fonction qui lui est assignée, il doit aussi être capable de s’insérer dans l’univers des relations sociales, d’en percevoir les codes et la complexité, d’intégrer la culture sous-jacente et de décrypter la diversité des émotions. La communication verbale, visuelle et gestuelle du robot doit traduire cette immersion dans le monde humain ».
• U comme Usages
Jean-Christophe Simon, Directeur général de l'innovation du Groupe SEB, préconise une approche croisée reposant à la fois sur les usages en cours des consommateurs et les usages permis par les robots. « Il s’agit de s’interroger à la fois sur les nouveaux usages qui émanent des consommateurs et sur les nouveaux usages permis par les technologies robotiques, et de croiser ces deux approches. Par ailleurs, nous développons également une veille technologique pour avoir une connaissance exhaustive de ce qui existe pour chaque brique technologique robotique : les capteurs, les interfaces, etc. (…) Selon nous, dans l’univers de la cuisine, l’autonomie est une notion assez ambiguë. Où est le plaisir de cuisiner si l’on n’a plus le contrôle direct des tâches, si le robot se charge de tout faire à notre place ? Pour nous, il est essentiel de ne pas aller trop loin dans l’autonomie des machines destinées à des usages culinaires. A l’inverse, si l’on parle du repassage, la notion d’autonomie peut avoir un intérêt parce que l’on est dans le domaine de la corvée ».
Pointant du doigt les diverses définitions données à la robotique de service, Fabien Soler, directeur du cluster Edit, défend également une approche centrée sur les usages et l'utilisation de « living labs » : « quels sont les services que les usagers sont prêts à accepter de la part d’un robot et sous quelles formes ? Il faut placer les usages au centre de la conception et de la validation des concepts de robots sans quoi, nous aurons certainement de très beaux robots mais qui ne servent à rien ! La couche « logiciel » du robot se constituera en fonction de ce qu’en attendront les usagers et non l’inverse. C’est la raison pour laquelle je défends le modèle des living labs. Nous sommes peut-être trop dans une approche techno-centrée en ce qui concerne les robots, or ce sont les usages qui nous guideront sur les services robotique de demain. C’est une position que nous partageons avec la Cité du Design de Saint Etienne avec laquelle nous travaillons (Action design et logiciel) ».
• H comme Humanoïde
Pour expliquer l'ambivalence des Occidentaux vis-à-vis du robot de forme humaine, Michel Faucheux, Maître de conférence en Littérature française et histoire des idées à l'Institut National des Sciences Appliquées (INSA) de Lyon, nous explique le concept de la « vallée de l'étrange ». « Lorsqu’un robot se rapproche trop de l’homme, lorsqu’il lui devient trop semblable, le phénomène d’adhésion qu’il provoque disparaît pour faire place à la défiance, au malaise, au doute. Le robot illustre la dialectique du même et de l’autre. Le même renvoie à une altérité et une étrangeté qui deviennent angoissantes. Est-ce qu’il y a des figures du robot complètement positives ? Oui, dans la fiction. Mais, elles sont souvent contrebalancées par des figures négatives ».
Le robot humanoïde nous invite à nous repenser en tant qu'humain. Pour Jérôme Goffette, Maître de conférences en Philosophie à l'Université Lyon 1, « le robot anthropomorphe est un laboratoire et fonctionne comme une expérience de pensée incarnée. Les simulations qui nous sont proposées sous forme de fictions les mettant en situation nous permettent de jouer avec cette idée. On se questionne sur la question de savoir si on doit leur attribuer la même dignité que l’homme. On cherche à comprendre la manière dont on doit les considérer. Finalement, on se projette dans le robot pour se voir différemment. »
Le robot humanoïde est aussi un outil de recherche, comme Peter Ford Dominey, directeur de recherche en neurosciences et robotique (ICSC-CNRS) à l'INSERM de Lyon-Bron, l'explique. « Notre robot est avant tout un outil de recherche au service des sciences cognitives. La méthode scientifique s’appuie sur l’élaboration d’hypothèses (par exemple, sur le rôle du regard dans la communication humaine). Nous traduisons ensuite ces hypothèses dans un programme robotique. Le robot devient, comme dans toute démarche scientifique, un modèle qui va nous permettre de tester nos hypothèses. Dans nos recherches sur les interactions homme-homme par exemple, nous substituons une personne par le robot pour faire des tests. Dans les neurosciences, il nous permet aussi de comprendre comment perception, action et langage s’articulent dans le cerveau humain ».
Emmanuel Mazer, PDG de Probayes (société développant des solutions d'aide à la décision basées sur une technologie innovante) voit un intérêt inattendu aux projets centrés sur les robots humanoïdes conçus pour devenir des compagnons de chaque instant... « La robotique est l’affirmation d’une série de buts plus ou moins irréalistes. Cela dit, la recherche a aussi besoin de fantasmes et d’horizons un peu utopiques pour donner un sens, une motivation aux efforts des uns et des autres. »
Directeur de recherche CNRS au laboratoire Grenoble Images Parole Signal Automatique (GIPSA), Gérard Bailly considère le robot humanoïde comme un « porte-drapeau » de la robotique. « Les robots humanoïdes qui existent à l’heure actuelle, comme le robot Asimov de Honda, font des démonstrations dans un milieu qui est complètement maîtrise. Vous changez la hauteur de la marche ou la pente du sol et le robot se casse la figure ! Pour autant, c’est bien cet aspect démonstratif qui fait l’utilité actuelle du robot humanoïde. C’est un magnifique faire-valoir pour des entreprises qui veulent afficher leur puissance en matière de hautes-technologies. Il concentre de multiples technologies tout en les rendant visibles ! ».
D'autres comme Dominique Sciamma, Directeur du Développement et de la Recherche au Strate Collège, pensent que le développement de la robotique de service passera nécessairement par les objets du quotidien. "Les robots seront partout, là où on ne les attend pas, sous des formes que l'on n'imagine pas, assurant des services que l'on ne soupçonne pas. Une chaise par exemple détectera mon humeur et sera susceptible de délivrer ma musique préférée au bon moment, celle que je n'arrête pas d'écouter sur Deezer. Mon étagère me rappellera que j'ai acheté ce livre depuis un moment et que je n'ai pas encore pris le temps de le consulter en me projetant un extrait du texte sur le mur de mon bureau, etc.
• R comme Rhône-Alpes
Pour de nombreux acteurs, les compétences nécessaires à l'essor de la robotique de service sont présentes en Rhône-Alpes. Mais tous soulignent l'importance de les intégrer, de constituer une filière organisée et de les renforcer pour l'avenir, afin de pouvoir se positionner à l'international.
Pour Bruno Bonnell, président de Syrobo, le syndicat européen de la robotique, la polyvalence de la région Rhône-Alpes fait sa force. « Je pense clairement que Rhône-Alpes est un berceau naturel pour une activité robotique à 20 ans (...) Je crois énormément à la convergence des industries au sein de la robotique. Or, en Rhône-Alpes, nous avons de la plasturgie (dans la plaine de l’Ain et en Haute-Savoie), des nano-technologies (à Grenoble), de la mécanique à Saint-Étienne, des logiciels et un bassin universitaire lourd entre Lyon et Grenoble. On a donc au sein de la région tous les composants essentiels de la réussite d’une industrie robotique ».
Pierre Seguin, fondateur et président de Pob-Technology, appelle à préparer l'avenir de la robotique locale dès aujourd'hui. « Je pense que l’un des enjeux est de former les professionnels de demain de la robotique. Les entreprises en auront besoin ! Toutes les formations pour développer un robot existent sur Lyon mais elles ne sont pas orientées sur la robotique ! Nous avons besoin d’une multitude de spécialistes pour faire un robot, mais surtout que chaque spécialiste soit capable d’appréhender la complexité du robot dans son domaine de spécialité (…) Il faut introduire de la transversalité dans les disciplines d’enseignement pour constituer des équipes capables de travailler sur des robots ».
Pour Gérard Bailly, directeur de recherche CNRS au laboratoire Grenoble Images Parole Signal Automatique (GIPSA), l'organisation de la filière rhônalpine reste à faire et sera déterminante pour l'avenir. « Ce que je souhaite c’est que la recherche robotique se structure également à l’échelle régionale. Il faut profiter de l’effet de levier du projet Robotex pour créer un pôle robotique régional au niveau de la recherche académique. Il faut que l’on soit capable de rassembler les forces grenobloises et lyonnaises, notamment le GIPSA Lab, l’Inria-Grenoble, le laboratoire TIMC, le LIG, l'équipe RCL de l’Inserm et le LIRIS. On doit se donner un horizon de dix ans et réfléchir collectivement à ce que l’on a envie de faire, à la manière avec laquelle nous souhaitons nous différencier des autres centres de recherche robotique en France. Il s’agit de s’affranchir de ce que l’on fait aujourd’hui pour se projeter dans l’avenir. C’est en nous mettant en mouvement de cette manière que l’on pourra dépasser nos différences et faire apparaitre les convergences possibles ».
Comment Rhône-Alpes peut-elle contribuer intelligemment à une stratégie européenne autour de la robotique de service ? André Montaud, Directeur Général du centre de ressources sur la robotique Thésame, appelle dès aujourd'hui les acteurs concernés à répondre à cette question-clé pour l'avenir. « Si nous avons une certitude en la matière, c’est qu’il faut rester particulièrement modeste lorsque l’on aborde ce champ de la robotique de service. Rhône-Alpes n’en est qu’à ses balbutiements, nous avons des briques technologiques de tout premier ordre mais nous n’avons pas du tout de filière constituée. (…) Pour moi, la question essentielle est donc de se dire comment Rhône-Alpes peut-elle contribuer intelligemment à une grande stratégie européenne autour la robotique de service. Cela ne doit pas nous décourager ou nous laisser immobiles. Tel que je l’ai évoqué, il y a des niches que nous pouvons intelligemment occuper et sur lesquelles nous pouvons tenir une place de leader. De plus, si l’on se place à un horizon de dix ans, je suis persuadé que la robotique sera un facteur de croissance essentiel pour toutes les entreprises et c’est maintenant que nous devons monter dans le train ! ».
Étude
Vivre la Ville Intelligente (11)
Étude
Vivre la Ville Intelligente (10)
Étude
Vivre la Ville Intelligente (9)
Étude
Orchestrer la Ville Intelligente (8)
Étude
Comprendre la ville intelligente (4)
Comprendre, orchestrer et vivre la ville intelligente.
Comment les acteurs de la mémoire appréhendent-ils le passage d’une mémoire culturelle classique à une mémoire numérique ?
Étude
Comment soutenir une dynamique d'innovation au sein de la métropole lyonnaise ?
Étude
Quels sont les différents modèles de villes intelligentes ? Comment ceux-ci s’articulent-ils aux différentes finalités de la ville ?