L’archivage des documents électroniques, sans aucun doute. Pour la première fois depuis que l'homme sait écrire, les documents produits ne sont pas lisibles à l'œil nu. Cela change tout le métier de l'archiviste. Avant, il fallait juste avoir de bons yeux, savoir déchiffrer certaines écritures et connaître la langue. Aujourd'hui, vous passez impérativement par un média. Le papyrus, le parchemin, le papier, si vous prenez quelques précautions, traversent le temps sans problème. Mais là ce n’est pas juste une question de température et d'hygrométrie, c'est bien plus compliqué que ça.
La production des données n'est plus du tout la même. Les documents engageants ne sont plus produits de la même manière. Aujourd’hui, des engagements sont pris par mail pour « garder une trace », après des échanges professionnels par SMS ou sur WhatsApp. On sait sauver les mails, on sait les archiver, mais c'est compliqué car techniquement très lourd et onéreux.
Nous devons modifier nos modalités de collecte et anticiper davantage. On ne peut plus se permettre, comme nos prédécesseurs du 19e siècle, de dire que tant que les documents sont utiles à l'administration, ils restent dans les locaux de l'administration, et quand l'administration n'en voudra plus, elle nous appellera, ou d’aller les voir de temps en temps pour leur rappeler de nous confier leurs archives. Ce temps-là est fini car si on ne collecte pas les documents très vite, ils vont disparaître des ordinateurs.
Par exemple, le préfet Mailhos qui vient de quitter ses fonctions en janvier 2023, nous a versé les archives de son cabinet relatives à la gestion de la crise du Covid. Elles comportent des mails échangés avec le ministre, les réunions qui avaient lieu tous les deux jours, avec le préfet, le gouverneur militaire, le directeur régional de l'ARS, le maire de Lyon, le président de la Métropole de Lyon, le président du Département du Rhône… Même si ces archives étaient extrêmement bien organisées, cela représente quelques gigas. Leur caractère historique et stratégique explique qu’il fallait les récupérer.
Le nombre exponentiel de documents électroniques, la multiplication des formats, la complexité technique, le coût font que la collecte est plus difficile à mener qu’avec des documents papier. Cela nous oblige à redevenir très sélectif.