Vous voulez dire que le mot communautarisme s’est appliqué à des groupes ou à des situations différentes ?
question
reponse
Il est initialement forgé à partir d’une double matrice : d’une part, une peur fantasmatique de l'islam, vu principalement à travers ses « réseaux internationaux » ou ses « modèles étrangers » ; d'autre part, la peur d’une colonisation par le libéralisme et le multiculturalisme nord-américain. La référence première de ce discours est donc « l’étranger » — le « modèle anglo-saxon », le Liban, la révolution islamique iranienne, etc. —, mais par la suite elle migre vers l’intérieur, avec l’idée que des « communautés », pensées comme des corps étrangers — l’immigration, l’islam en France…—, ou des traîtres — la gauche et sa supposée « politique multiculturaliste »...— constitueraient une menace intérieure larvée. L’idée d’une menace des « revendications communautaires » sur l’ordre intérieur est par la suite utilisée pour discréditer diverses revendications égalitaristes : le discours du communautarisme sert à discréditer le débat sur la parité en 1997, et certains dénoncent un « communautarisme féministe ». C’est aussi le cas du « communautarisme homosexuel », pour minoriser les manifestations de la Gay pride. Son aspect accusatoire va être appliqué à toute sorte de revendications minoritaires, ce qui confirme que c’est un discours du groupe majoritaire qui cherche à garder le monopole. Depuis 2015, alors que le mot est installé dans les discours publics, il commence à échapper un peu à son cadre initial : on voit apparaître la critique d’un « communautarisme national », qui veut ainsi décrédibiliser le discours nationaliste de l’extrême-droite. Mais comment discréditer le nationalisme en en reprenant la matrice ? C’est un peu étrange, si ce n’est que cela montre encore une stratégie de disqualification d’autres groupes pour garder le monopole du discours public légitime.