Vous êtes ici :

L’assistance de plus en plus au cœur de la protection sociale en France : une évolution qui fait question

Texte de Nicolas DUVOUX

La fin du texte est parue dans la revue M3 n°6 : "Réconcilier autonomie et solidarité"

Nicolas Duvoux, maître de conférences en sociologie à l’Université Paris Descartes, membre du Cerlis - Centre de recherche sur les liens sociaux, est l’auteur de l’ouvrage « Le nouvel âge de la solidarité – Pauvreté, précarité et politiques publiques » (2012), et de » L’autonomie des assistés. Sociologie des politiques d’insertion » (2009). Il aborde ici deux questions intimement liées, celle de la montée du pilier de l'assistance en France dans notre système de protection sociale, avec les questions que cela pose, et celle des pistes qui se dessinent pour réorienter la protection sociale vers plus de continuité entre assurance et assistance d’un côté et plus d’égalité de l’autre, où il se place dans une posture propositionnelle.

Tag(s) :

Date : 01/06/2012

Le terme d’assistance symbolise pour l’opinion française la générosité dispendieuse et aveugle d’un État obsolète. Pourtant, l’assistance ne définit pas l’État social, ensemble des protections composées notamment du droit du travail et des services publics qui ont progressivement sorti les travailleurs de la vulnérabilité face à l’aléa au cours du vingtième siècle. Au contraire, elle résulte, dans une large mesure, de la décomposition de ses protections collectives. Loin de manifester un déclin de la valeur travail, l’extension de l’assistance continue marque le passage du système de protections universalistes érigé après la Seconde guerre mondiale à des politiques ciblées, centrés sur la pauvreté et l’exclusion.
L’extension du chômage de masse à partir des années 1970 et 1980 a conduit à chercher des solutions qui ne s’inscrivaient pas dans la continuité du projet de Sécurité sociale édifiée après-guerre. L’assistance a ouvert de nouveaux droits sociaux. Elle a incontestablement constitué un progrès et l’adoption du Revenu Minimum d’Insertion en 1988 a été un acte fondateur dans l’affirmation de la dette de la société à l’égard des plus faibles. Cependant, ce recentrage de l’action de l’État en matière sociale est ambigu. La France évolue vers une protection sociale à deux vitesses, coupée entre les protections du salariat et des prestations pour ceux qui sont durablement sortis de l’emploi ou dont l’intégration est trop fragile et qui reposent sur l’assistance. Il est aujourd’hui avéré que ces prestations organisent la précarité plus qu’elles ne la combattent. Elles entretiennent la perte d’autonomie des individus et l’éloignement du marché du travail qu’elles ont vocation à compenser. En retour, elles suscitent une très forte réprobation car nombre de salariés ne peuvent (ni ne veulent, quand ils le peuvent) profiter de ces nouveaux droits, ciblés sur des catégories particulières. Les politiques publiques sont alors contraintes à se réformer sous la pression du rejet de tous ceux qui n’en bénéficient pas. Mais comme les réformes ne s’attaquent pas aux causes d’une précarité sociale grandissante, elles créent autant de difficultés nouvelles qu’elles apportent de solutions.

Comment en est-on arrivé là ? Comment un pilier d’assistance s’est-il institué et développé dans la protection sociale française ? Comment réarticuler l’autonomie des individus avec la solidarité sociale et sortir par le haut de la crise de l’Etat social ?

 >>le texte sur l'évolution de l'assistance par Nicolas Duvoux