Parc de Parilly et domaine de Lacroix-Laval. Les années départementales
Étude
Les grands parcs apparaissent comme des espaces à part, qui proposent une nature organisée par l’homme et reflètent les préoccupations des époques qu’ils traversent.
Dossier
Le Grand Lyon dispose d'un patrimoine particulièrement riche. D'un côté, son patrimoine matériel : monumental, archéologique, religieux, naturel, industriel, scientifique, technique... De l'autre, un patrimoine immatériel, alliance de l'Histoire et de la mémoire collective, et dont la survie semble conditionnée à une valorisation permanente.
Lors d'un débat organisé par le Grand Lyon fin 2009, Nadine Gelas, vice-présidente du Grand Lyon, rappelait : "Il ne s'agit plus de penser le patrimoine dans une [seule] logique de conservation, mais dans un cadre plus large, celui du développement urbain". Comment, dès lors, le définir ? Comment concilier les impératifs de conservation et de régénération urbaine ?
Dans son acception de bien collectif, le patrimoine se définit comme l'ensemble des richesses culturelles (matérielles et immatérielles) appartenant à une communauté, marques de son passé et de son présent. Il est considéré comme indispensable à l'identité et à la pérennité d'une collectivité donnée et comme étant le résultat de sa spécificité. A ce titre, il est reconnu comme digne d'être sauvegardé et mis en valeur afin d'être partagé par tous et transmis aux générations futures.
Mais comment apprécier l’importance des éléments ? Comment se détacher d'une vision affective de l'Histoire qui nous pousserait à conserver ou détruire tel ou tel objet, bâtiment, quartier ? Quels critères s'imposent désormais à la puissance publique pour désigner et valoriser son patrimoine ? Comment se créé le sentiment d'une culture partagée entre les regards parfois contradictoires des scientifiques, associations, riverains et pouvoirs publics ? Souvenons-nous de l'Institut Lumière qui a failli ne jamais voir le jour et la sauvegarde in extremis du hangar où s'est tourné le premier film...
Le patrimoine, dans sa définition la plus large, serait donc aussi l'héritage que l'on choisit de retenir, pour donner sens au présent, pour définir les conditions du vivre ensemble et se donner des perspectives. Le patrimoine traverse les époques, tel un miroir, un révélateur de nos richesses communes et donne à la collectivité des devoirs ou des ambitions nouvelles, notamment lorsqu'elle sollicite la reconnaissance internationale de l'UNESCO ou simplement une certaine forme d'attrait touristique voire de simple identification de son territoire par ses habitants. La notion de biens communs peut compléter sa définition
Jusqu'à la Révolution, le patrimoine ne concerne qu'une catégorie savante. L'étude et la recherche des biens patrimoniaux français (mobiliers ou immobiliers) sont le fait d'une élite restreinte, le plus souvent aristocratique.
Le sens public du patrimoine est apparu le 2 octobre 1789 quand l'assemblée constituante, en mettant les biens du clergé à la disposition de la Nation, a crée l'idée de bien collectif. Elle instaure le pillage des biens privés (cléricaux et nobiliaires) pour enrichir le patrimoine national. Des mesures législatives permettent par la suite de préserver les œuvres d'art et d'instaurer les premiers musées nationaux. Avec le début du XXe siècle et après les premiers inventaires, les pouvoirs publics commencent à s'intéresser au petit patrimoine, dit vernaculaire...Suite aux destructions opérées après les deux guerres, on admet devoir préserver les biens nationaux dans des musées ou in situ. Commencent aussi les périodes de reconstruction, notamment des cathédrales et des centres-villes historiques...
Pendant que les mutations de la France, à l’œuvre dans les années 60, menacent le patrimoine rural et industriel, ces années sont marquées à Lyon par le culte de la modernité. C'est l'époque des grands chantiers dirigés par le maire Louis Pradel. Les mutations de la France menacent le patrimoine rural industriel. Le quartier du Vieux Lyon, grâce à l'action de l'association dirigée par Régis Neyret, devient le premier "secteur sauvegardé" de France tel que prévu par la loi Malraux de 1962.
Les années 1970 sont marquées par une soif de protection de la nature et d'environnement. L'Unesco formalise les conditions pour la protection d'un patrimoine mondial culturel et naturel. Et le président Valéry Giscard d'Estaing estimera que le patrimoine " est tout ce qui porte témoignage de l'homme au cours du temps". Mais sur le territoire lyonnais, la destruction des quartiers anciens se poursuit comme celui de la Grande Côte à la Croix Rousse notamment et les mobilisations de sauvegarde du patrimoine et de l’environnement se multiplient.
Pendant la décennie 1980, le patrimoine est en fête. C’est la naissance des journées nationales du patrimoine qui deviendront européennes en 1991. C’est aussi la décennie où la désindustrialisation bat son plein dans l'agglomération lyonnaise. Alors que d’autres villes ou régions françaises et européennes (comme Londres, les Pays-bas, le Nord Pas de Calais…) qui se sont déjà saisies de la question du patrimoine industriel de manière forte pour appuyer leur développement local, l’agglomération lyonnaise amorce une valorisation de son patrimoine industriel : la Halle Tony Garnier se transforme en salle géante de spectacle, le Grenier d'Abondance est réhabilité, la caserne Villemanzy devient résidence hôtelière...
Au début des années 1990, la Communauté urbaine se renomme Grand Lyon et identifie un territoire commun propice à une mise en récit de l’agglomération. Cela se traduit par une (re)mise en valeur de la ville (plan lumières, réaménagement des places, patrimonialisation des fleuves...), la réintroduction du patrimoine urbain, la création des Zones de Protections du Patrimoine Architectural et Paysager.En 2001, le ministère de la culture institue le label « Patrimoine du XXè siècle » visant à valoriser et protéger les édifices et ensembles urbains qui « sont autant de témoins matériels de l’évolution technique, économique, sociale, politique et culturelle de notre société ». Ce label entrainera une démarche spécifique au niveau de la région urbaine de Lyon pour mettre en valeur sites patrimoniaux emblématiques des utopies sociales et urbaines du XXème siècle : Musée urbain Tony Garnier à Lyon, Gratte-ciel de Villeurbanne, Etoiles de Renaudie à Givors, Couvent de la Tourette près de l'Arbresle, et Patrimoine Le Corbusier de Firminy.
En 2003, l'UNESCO apporte le concept de patrimoine immatériel. Cette bascule ouvre des perspectives nouvelles pour l’agglomération qui peut envisager son avenir mêlant histoires et mémoires des communes et des populations. Le Grand Lyon prend la compétence des Journées Européennes du Patrimoine en 2005.
La prise en compte du patrimoine et des mémoires dans les projets urbains fait son chemin, telle l’expérience réalisée sur le projet du Carré de Soie à Vaulx en Velin et Villeurbanne, avec la mise en œuvre de la démarche « Esprit des lieux ». Par « Esprit des lieux », on entend l'ensemble des caractéristiques qui fondent l'identité d’un territoire et qui le distinguent d'autres secteurs urbains : histoire sociale et économique, mémoires des populations qui l'ont habité ou y ont travaillé, éléments de patrimoine matériel (architectural, industriel, urbain, naturel.), spécificités paysagères, dimensions sensibles et symboliques de l'espace construit.
La valeur culturelle et le génie des lieux
Parce que certains lieux sont porteurs d'une histoire commune et unique et bénéficient du croisement de cultures ou migrations diverses, l'agglomération espère une mise à jour de toutes les mémoires y compris celles ayant vécu à sa périphérie, hauts lieux de l'histoire industrielle comme à Vaulx-en-Velin. Xavier de la Selle (directeur du Rize, centre mémoires et sociétés de Villeurbanne) décrit ce patrimoine immatériel comme "cet ensemble de faits sociaux intimement liés aux consciences identitaires d'un groupe vivant sur un territoire, qui renvoient à la fois à des représentations du passé socialement partagées et à des identités présentes". C'est souvent l'engagement mené par le réseau associatif (comme l'association Patrimoine rhônalpin) et aussi par les habitants, marqués par cette volonté de se raccrocher à un passé commun alors même qu'ils ne l'ont pas forcément vécu. La prise en compte de « l'esprit des lieux » aide à valoriser une certaine forme du patrimoine.
La valeur esthétique ou artistique du patrimoine
Interrogé sur la réalisation de ses fresques réputées sur les murs de Lyon, Gilbert Coudène artisan peintre muraliste, co-fondateur de Cité Création, défend avec vigueur l'endimanchement des lieux parce que, dit-il, "cela permet aux habitants de considérer qu'ils n'habitent plus n'importe où et donc qu'ils ne sont pas n'importe qui. Ils ont envie de trouver ou retrouver leurs racines, de s'accrocher et de se nourrir d'une histoire collective, d'un vivre ensemble, de s'inscrire dans une continuité. Travailler sur cette mémoire, dit-il, c'est du soin préventif".
La valeur d'usage ou l'architecture du réemploi
On peut fabriquer la ville en recréant du patrimoine à partir du patrimoine. Cela nécessite une interprétation permanente des œuvres (cf. le récent débat sur la destination de l’Hôtel-Dieu). A l'occasion du projet urbain du Carré de Soie à Vaulx-en-Velin, s'est posée la question de la conservation de l'ancienne usine TASE et plus largement de la difficulté de l’agglomération à assumer une partie de son passé. Pour Adriaan Linters, secrétaire général de l'association European Federation of Associations of Industrial and Technical Heritage, "la survie des bâtiments est possible seulement si ceux-ci jouent un nouveau rôle et retrouvent un nouvel usage". La collectivité pourrait donc définir les conditions matérielles qui permettent la réhabilitation de ces bâtiments pour de nouvelles vocations culturelles, muséales ou communautaires… Ce choix impose des arbitrages entre les partenariats privés, l'efficacité publique et le devoir de mémoire des populations. Le cas du musée Mérieux peut en être une illustration.
Une nécessaire articulation entre patrimoine matériel et immatériel
A l'évidence, il apparaît que tout patrimoine est un condensé de matériel et d'immatériel. Le patrimoine bâti ne prend sens qu'avec les valeurs qu'il véhicule ou les personnes illustres qu'il a abrité ; le patrimoine immatériel se pérennise et s'incarne dans des signes visibles et acceptés, comme le sont par exemple les emblèmes de notre agglomération, mais aussi les événements fédérateurs que sont devenus dans le Grand Lyon la Fête des Lumières ou les Biennales (de la danse et d'art contemporain). Tels sont à ce jour, pour le politologue Philippe Dujardin, les enjeux du processus de patrimonialisation. L'important n'est plus seulement le patrimoine mais la mise en patrimoine des possibles comme l'affiche des Journées Européennes du Patrimoine.
La reconnaissance de tous les patrimoines
Maintenant que la sauvegarde du patrimoine culturel est encadrée juridiquement, certains auteurs suggèrent d'agréger l'histoire de certaines de nos entreprises au patrimoine collectif. Or, Bernadette Angleraud, docteur en histoire, chercheur au LARHA, indique que, bien qu'il y ait une politique des archives incitant les entreprises à faire des versements, les histoires de certaines grandes maisons nous échappent (entreprise Grammont, entreprise Guimet, entreprise Morel Journel, Rhône Poulenc...). Anne-Françoise Garçon (Professeur des universités en histoire des techniques, Paris I - Panthéon Sorbonne) rappelle que les collectivités devraient s'emparer de leur patrimoine culturel technique pour le valoriser et l'externaliser.Demain, grâce au progrès de la numérisation et des projets collaboratifs, le patrimoine de l'écrit quant à lui devrait prendre de la valeur grâce aux efforts conjugués des universités, bibliothèques, collectivités locales...
Un patrimoine construit par l'apport collectif
Chacun d'entre nous peut amener sa pierre à l'édifice (associations, élus, particuliers, universités, archives...). Ainsi, les élus de la Région Urbaine de Lyon ont proposé une stratégie collective de valorisation du patrimoine architectural du 20è siècle. A propos des touristes, ils deviennent des acteurs de révélation de lieux et de parcours. Thierry Marcou, directeur du programme Villes 2.0 à la Fing (Fondation Internet Nouvelle Génération), nous indique que " grâce à l’analyse des traces numériques de leurs photos mises en ligne sur Flickr, il a été possible de retracer leurs parcours, de regarder ce qu’ils regardaient, les limites urbaines qu’ils ne franchissent pas, les endroits qui ne les intéressent pas…".A propos des archives, Tristan Vuillet, nouveau chargé des recherches aux Archives municipales de Lyon, voit dans le rapprochement avec les musées, les laboratoires de recherche ou d'autres centres à vocation historique une des conditions de la collecte et de la diffusion des ressources. C'est sans doute par la création d'un nouveau tissu urbain mais aussi par une mise en projection de l'espace public réalisée en croisant les savoirs, les pratiques et les expériences de l'architecte, du designer, de l’urbaniste, du géographe, du paysagiste, de l'artiste, du sociologue que nous saurons réinterpréter le patrimoine actuel pour le transmettre aux générations futures.
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