Qu’est-ce que la théorie des pratiques sociales, en quelques mots ?
question
reponse
Cette théorie postule qu’une pratique sociale est la conjonction de trois éléments. Le premier relève du sens, de la signification, de l’imaginaire associé à une pratique : est-ce que c’est quelque chose qui est cool, légal, fashion, de vieux, de jeunes, bon pour la santé ou pas ? Le deuxième élément, c’est ce qui a trait aux compétences en lien avec cette pratique : est-ce que les gens sont outillés, formés à cette pratique, quelles sont leurs capacités ? Quant au dernier élément, il regroupe tout ce qui est environnement matériel et physique, infrastructure : est-ce que cet environnement permet de réaliser facilement cette pratique ?
L’exemple des pratiques alimentaires est éclairant. Il est impossible de régler un problème de santé publique comme l’obésité ou le diabète en réfléchissant au prisme des comportements individuels. On peut choisir d’agir par exemple au moment de la prise de décision individuelle pour un achat alimentaire. Il est tout à fait envisageable de déployer un nudge en matière de santé sur un distributeur de produits gras et sucrés, par exemple un sticker qui met en garde contre les dangers à manger entre les repas, ou un réglage automatique qui distribue moins de sucre dans son café. Pourtant, ce nudge ne va pas s’attaquer véritablement aux causes du problème. Le désir et la dépendance pour certains produits sont façonnés depuis des années et, par conséquent, il est très compliqué de les contrebalancer avec un petit message ponctuel. C’est à mon sens tout l’intérêt de la théorie des pratiques sociales. Elle considère la pratique alimentaire dans toute sa complexité pour comprendre les significations associées à certains produits, celles associées à d’autres produits « concurrents », elle revient en amont du moment de la consommation d’un aliment pour comprendre pourquoi la tentation d’en acheter est partout. C’est cette compréhension globale de la pratique qui permet de faire émerger les leviers les plus efficaces pour changer les comportements. On pourrait aussi prendre le cas du fait de se déplacer à vélo : vous pourrez toujours inciter à le faire, mais si on n’a pas de parking chez soi et au boulot, s’il n’y a pas de pistes cyclables sécurisées, si on n’a pas appris (à l’école par exemple) à changer une chambre à air, et si en plus les frais d’entretien et de réparation ne sont pas pris en charge par l’employeur, ça risque de ne pas suffire.