Cette dimension migratoire, et l’aspect transnational des parcours, incite à se poser la question de la citoyenneté des personnes vivant en bidonvi...
question
reponse
Effectivement, cette question me semble centrale lorsque l’on aborde les enjeux de l’insertion de publics marginalisés, qu’il s’agisse de familles précaires mais aussi de nombreux autres publics. Dans le champ du handicap par exemple, de très nombreux débats sont ouverts ou à ouvrir en ce qui concerne la limitation de certains droits civiques comme le droit de vote, ou plus généralement la participation sociale, politique, citoyenne des personnes handicapées, qu’elles vivent ou non en établissement [7].
Elle peut être abordée sous l’angle de la participation des personnes concernées. En France la participation est très institutionnalisée. Néanmoins il y a des expériences intéressantes qui ont été faites comme ce fut le cas sur le bidonville de la Feyssine à Villeurbanne, avec un comité qui s’est monté : le Comité Feyssine. Il regroupait plusieurs structures associatives (AVDL [8], CLASSES [9], CCO [10]) avec l’implication des habitants du bidonville. Un projet de stabilisation du lieu et des perspectives en termes d’accès au logement et à l’emploi avait été monté avec une participation assez forte de personnes concernées. C’était il y a quelques années. Cela n’a pas empêché l’expulsion mais les acteurs avaient montré qu’une mobilisation des personnes était possible, même si au final leur projet n’a pas été retenu... Il y a eu une belle dynamique avec beaucoup de réflexions sur le lieu, le site, l’habitat, comment habiter, quoi faire… Cela avait été à mon avis très intéressant.
Autre exemple, avec l’association C.L.A.S.S.E.S. et l’École Santé Social du Sud Est (ESSSE), nous avions organisé un colloque à Vaise, intitulé « Sortir du bidonville ». Une table ronde était composée uniquement avec des personnes concernées qui étaient sorties de bidonvilles ou qui étaient à la frontière entre le bidonville et l’hébergement. Cela avait créé des réactions assez fortes des participants. Nous avons recueilli ces retours par questionnaire. Nous avions eu des retours clivés : d’un côté très positifs et de l’autre côté des personnes étaient gênées par le fait qu’elles ressentaient une instrumentalisation des personnes, que c’était inadmissible, que les propos tenus par les personnes étaient en méconnaissance des contraintes de travail... Ces retours étaient très intéressants. En conséquence, les organisateurs du colloque ont pris contact avec le collectif « soif de connaissances » pour créer une journée de formation sur le travail social à l’épreuve des bidonvilles [11]. Pour cela, nous avons constitué un groupe de personnes variées : 4 - 5 personnes sorties de bidonvilles qui avaient un parcours assez long, moi-même en tant que chercheur, des bénévoles de l’association C.L.A.S.S.E.S, une assistante sociale missionnée officiellement par la métropole et une formatrice de l’École Santé Social du Sud-Est. La Métropole nous a récemment demandé de déployer ce module de formation auprès des travailleurs sociaux du Grand Lyon. Il sera aussi présent dans le Diplôme Universitaire du logement d’abord. C’est un des seuls exemples de participation concrète des personnes sur les réflexions sur le travail social, les solutions possibles…
Bien sûr je ne suis pas entièrement objectif sur cette expérience, mais elle me semble vraiment intéressante dans les dynamiques qu’elle crée. Il ne s’agit pas de sacraliser la parole des personnes, ou de présenter une succession de témoignages, mais bien de créer les conditions d’un dialogue ouvert, constructif, parfois mouvementé, entre des acteurs d’un même territoire. Cette expérience entre en résonnance avec un ensemble d’initiatives visant à développer la participation des personnes précaires, notamment le projet confcap / capdroit [12], celui de la bagag’rue, le récent rapport de la fondation Abbé Pierre co-produit avec des personnes de la rue [13].
[7] Voir notamment à ce sujet les travaux menés au sein du projet Confcap / Capdroits, notamment sur l’agglomération lyonnaise.
[9] https://classes069.blogspot.com/
[10] https://www.cco-villeurbanne.org/
[11] Pour des extraits vidéos de la première séance de juin 2018 : http://www.collectif-soif.fr/juin-2018-le-travail-social-lepreuve-des-bidonvilles-retour-sur-la-seance-test-du-module-de
[12] https://confcap-capdroits.org
[13] https://www.fondation-abbe-pierre.fr/documents/pdf/experience_de_la_rue_def.pdf