En restant sur ce volet politique, quelles peuvent être les solutions pour reconnaître et endiguer les inégalités sociales ?
question
reponse
Si l’on veut réduire ce décalage entre les revenus et l’utilité sociale, dans le secteur public cela passe par des choix de politiques de dépense publique. Par exemple si l’on veut mieux rémunérer les aides-soignantes cela nécessite simplement d’augmenter les budgets des hôpitaux. On peut considérer que l’État a la main sur ce point.
En revanche si l’on veut améliorer les conditions de travail dans le privé, par exemple des caissières d’une grande entreprise ou pour améliorer les conditions de travail des aides à domicile, employées par telle ou telle entreprise de service à la personne, cela nécessite de poser des questions douloureuses comme la répartition des richesses et l’équilibre entre capital et travail. Ce sont aussi des questions d’organisation et de construction d’un secteur d’activité. On peut tout à fait se battre concrètement pour que dans le secteur des services à la personne on reconnaisse un certain nombre de qualifications, qu’il y ait des conventions collectives qui ne soient pas au ras du code du travail, qu’il y ait des possibilités de formation et de progression en cours de carrière. Ainsi, ce sont des choses qui s’organisent à la fois au niveau des secteurs d’activité, et qui nécessitent également un changement de modèle économique. Si on rémunère 300 euros par mois de plus une caissière, ce sont 300 euros qui ne vont pas dans la rémunération du capital. Ces problématiques nous mènent à la nécessité de penser un nouveau modèle économique.
Biographie
Camille Peugny est sociologue à l’université Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, membre du laboratoire Printemps et corédacteur en chef de la revue Travail et Emploi. Ses recherches s’articulent autour des thématiques de la stratification et des inégalités sociales, du travail, des classes sociales, et abordent également les questions des jeunesses et des générations. Après la publication d’un premier ouvrage sur le "Déclassement" (2009, Paris, Grasset), issu de sa thèse de doctorat, il s’est intéressé à la reproduction sociale dans "Le destin au berceau. Inégalités et reproduction sociale" (2013, Paris, Seuil).
Bibliographie indicative
- Aron R., 1969, "Les désillusions du progrès : essai sur la dialectique de la modernité", Paris, Calmann-Lévy.
- Boudon R., 1973, "L’inégalité des chances: la mobilité sociale dans les sociétés industrielles", Paris, Armand Colin.
- Bourdieu P., 1978, « Classement, déclassement, reclassement », "Actes de la recherche en sciences sociales", 24, 1, p. 2‑22.
- Chauvel L., 1998, "Le destin des générations. Structure sociale et cohortes en France au XXe siècle", Paris, Presses universitaires de France, 301 p.
- Ichou Mathieu, 2018, "Les enfants d’immigrés à l’école : inégalités scolaires, du primaire à l’enseignement supérieur", Paris, PUF.
- Merle P., 2012, "La ségrégation scolaire", Paris, Découverte, coll. « Repères Sociologie », no 596.
- Peugny C., 2007, "La mobilité sociale descendante : l’épreuve du déclassement", thèse de doctorat, ENSAE ParisTech.
- Peugny C., 2009, "Le déclassement", Paris, Grasset.
- Peugny C., 2013, "Le destin au berceau : inégalités et reproduction sociale", Paris, Seuil.
- Peugny C., 2018, « L’évolution de la structure sociale dans 15 pays européens (1993-2013) : quelle polarisation de l’emploi ? », "Sociologie", vol.9, n°4, p. 319-416.
- Poullaouec T., 2010, "Le diplôme, arme des faibles : les familles ouvrières et l’école", Paris, Dispute (L’enjeu scolaire), 147 p.
- Schwartz O., 2011, « Peut-on parler des classes populaires ? », La Vie des idées, p. 1‑49.