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Avec un certain nombre de chercheurs, vous proposez une autre approche du périurbain que celles habituellement usitées, notamment en termes de caté...

question

Avec un certain nombre de chercheurs, vous proposez une autre approche du périurbain que celles habituellement usitées, notamment en termes de catégorisation des espaces. Quels sont les typologies que vous proposez ?

reponse

Je suis tout à fait conscient de l’intérêt des catégories statistiques de l’INSEE, mais je pense qu’on peut leur ajouter un autre niveau de lecture. C’est le sens de mes travaux, de montrer qu’il y a des systèmes articulatoires plus complexes. Les catégories sur lesquelles on raisonne actuellement - métropole / périurbain / périphérie -, sont certes efficaces, mais elles nécessitent d’être mises à jour. On raisonne encore trop sur une distinction ville/campagne qui n’existe presque plus aujourd’hui.

Le point de départ de cette réflexion, c’est que l’urbain est généralisé aujourd’hui : le monde est sous condition urbaine, pour le meilleur comme pour le pire. Cependant, la distribution de l’offre urbaine, n’est pas similaire partout. Elle est fortement différenciée, et l’opérateur majeur de cette différenciation, c’est la mobilité, ainsi que son accessibilité. On peut donc distinguer trois grands types de situations, conditionnées par le couplage entre la morphologie et la mobilité :

-          l’hyperurbain, c’est “la ville à portée de main”

-          le suburbain, c’est le territoire “en bord de ville” (même si c’est évidemment un petit peu plus complexe que ça). C’est un espace d’articulation, qui génère un mode de vie articulant à la fois la proximité à l’hyperurbain, mais aussi différents systèmes de mobilité. L’individu suburbain est quelqu’un d’assez réticulaire ; le cœur de l’articulation suburbaine, c’est d’avoir accès à des réseaux de transports en commun tout en se plaçant un peu en retrait.

-          enfin, le périurbain, c’est la séparation ; il y a un vrai effet de seuil, de façon subie ou choisie, parce que l’on ne peut plus se loger en ville ou parce qu’on souhaite se passer de la ville dense.

A chaque fois que je dois travailler sur les périphéries, je m’appuie sur cette différenciation-là. Elle est très opératoire. Avec d’autres chercheurs, nous avons réalisé des cartographies basées sur cette structure couplant densité et mobilité. Cela produit des cartes très différentes du schéma radioconcentrique – dont la prégnance chez les acteurs me fascine d’ailleurs toujours autant. On continue à fonctionner par “couronnes”, mais nos cartes montrent que la réalité n’est pas “couronnée” (sic), qu’elle est beaucoup plus complexe que ça. On a des personnes qui peuvent habiter à 50 kilomètres de l’hypercentre, et être plus accessibles que des personnes situées à 10 kilomètres…

Il y a donc des situations périphériques multiples, mais qui sont essentiellement déterminées par l’accès aux réseaux de transport en commun. On l’a notamment montré dans nos travaux de recherche sur la mobilité alternative à Rennes et dans d’autres territoires de l’Ouest. Par ailleurs, quand on travaille avec les entreprises, on s’aperçoit qu’elles ont complètement intégré cette catégorisation. J’avais par exemple rencontré un distributeur de matériel informatique, dans le cas d’une enquête auprès des acteurs économiques du territoire rennais, et j’avais été frappé de découvrir qu’après s’être d’abord localisé en hypercentre, il allait à présent relocaliser ses points de retrait dans le suburbain. Le suburbain est donc une catégorie qui résonne pour les acteurs économiques, même s’ils ne l’appellent pas exactement ainsi.

citation

Le point de départ de cette réflexion, c’est que l’urbain est généralisé aujourd’hui : le monde est sous condition urbaine, pour le meilleur comme pour le pire