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Les finalités sociales de l’impôt sont-elles en train de disparaître au profit de la dimension économique ?

question

Les finalités sociales de l’impôt sont-elles en train de disparaître au profit de la dimension économique ?

reponse

La redistribution est effective et permet un resserrement des écarts de revenus. Cela dit, cette effectivité résulte plutôt des transferts sociaux que de la fiscalité. Mais les inégalités de revenus et de patrimoine se sont creusées notamment du fait du très fort enrichissement des hauts revenus. Toute la difficulté est de taxer ces revenus qui bénéficient d’un côté d’exonérations fiscales, et de l’autre, ont des pratiques répandues de déviance sous la forme de la fraude ou de l’optimisation/évasion (usage du droit ou de ses lacunes pour minimiser l’impôt à payer). En conséquence, les ménages les plus riches contribuent insuffisamment et leurs efforts sont moins élevés que les ménages moins riches. De plus, la crise exacerbe le mécontentement de l’opinion public face aux privilèges économiques de certaines élites. La légitimité de l’impôt s’est dégradée et le système fiscal, perçu comme injuste, est rejeté. Par exemple, selon un sondage Ipsos du 7-10/13 pour Le Monde et Fondafip, 43 % ne pensent pas que payer l’impôt est un acte citoyen. Un chiffre qui atteint 56 % selon une enquête par sondage aussi d’Opinionway en novembre 2014 pour Finsquare. En conséquence, les comportements d’évasion et de fraude se banalisent. La priorité serait donc de rétablir un impôt équitable pour diminuer les privilèges des plus riches.

Le sentiment de justice sociale dépend de la justification des différences (visibles) entre les classes de revenus. Dans le cadre de sa fonction sociale, l’impôt progressif doit mettre fin aux privilèges croissants de la classe des hauts revenus en réduisant, par la redistribution, les inégalités. Il convient aussi d’équilibrer le traitement fiscal des classes populaire et moyenne en fonction de leurs capacités contributives, mais en conservant une distance raisonnable entre les revenus après impôts (et transferts sociaux) pour encourager la mobilité sociale. Il s’agit de ne pas trop prélever pour éviter d’instituer un impôt-tribut et de maintenir des différences en évitant les inégalités. Le sentiment de justice concerne aussi, comme on l’a dit, la reconnaissance par la fiscalité et/ou dépenses d’enjeux de société comme la santé, l’éducation, la dépendance, la famille sentimentale, le logement, l’écologie, etc. Or, aujourd’hui, l’équité du système fiscal est instrumentalisée dans des configurations sociales éclatées, comme l’atteste les traitements particuliers permis par les dépenses fiscales (incitations). Afin de sortir de cette fiscalité dérogatoire qui mine le rendement budgétaire et la redistribution, un principe de justice consisterait à sélectionner démocratiquement une liste limitée d’enjeux de société qui méritent une reconnaissance par les dépenses fiscales.

citation

La légitimité de l’impôt s’est dégradée et le système fiscal, perçu comme injuste, est rejeté.