En quoi la fraude fiscale est-elle une déviance ?
question
reponse
La notion de déviance renvoie à la question des normes juridiques, sociales, politiques, morales transgressées et aux finalités de la société. Il y a d’abord un enjeu de labellisation par l’autorité publique de ce qui relève de la fraude fiscale ou non, sachant que les grandes entreprises multinationales et les particuliers les plus riches déplacent la frontière entre le légal et l’illégal, en utilisant habilement les textes ou leurs lacunes. Jusqu’ici, seule l’infraction à la loi, la fraude, était condamnable tandis que l’optimisation fiscale était jugée normale. Du côté des normes sociales, on constate qu’au-delà de quelques scandales, la condamnation morale est relativement faible en France et ailleurs. Seulement un peu plus de 50 % des français estiment que la fraude n’est jamais justifiable. On revient à la question de la légitimité : les impôts sont légitimes quand les institutions politiques sont légitimes. Or chez nous les institutions font l’objet d’une certaine défiance. D’après les enquêtes du Centre de recherches politiques de Sciences Po (CEVIPOF), plus de 80 % des Français pensent que les responsables politiques ne se préoccupent pas de leur avis. La confiance dans les institutions locales est un peu meilleure mais reste faible. Nous sommes face à un biais cognitif : les Français déplorent une fiscalité trop lourde mais condamnent peu la fraude et encore moins l’optimisation ! L’opinion publique ne fait pas le lien entre cette déviance et la crise des finances publiques. Or, si la déviance ne transgresse pas des normes claires, elle n’en constitue pas moins un affaiblissement de l’égalité devant l’impôt et délégitime l’impôt-contribution du citoyen aux politiques publiques : elle porte atteinte aux finalités sociales de la fiscalité.