Vous seriez-donc plutôt critique des mécanismes de « familialisation » des aides sociales ?
question
reponse
C’est plus compliqué que cela, parce que à ATD Quart Monde, nous mettons l’accent sur l’importance de la famille, de la solidarité familiale, de cette interdépendance. Mais on se rend compte qu’actuellement, les minima sociaux ne sont pas faits pour soutenir cette cellule familiale. Tels que sont actuellement conçus les droits sociaux, autour notamment du RSA, de l’AAH, ce mécanisme de familialisation ne soutient pas la cellule familiale mais complique les volontés d’entraide entre les proches. C’est dans cette mesure que nous défendons l’individualisation.
À l’inverse, certaines mesures d’individualisation peuvent présenter des défauts assez pénibles, malgré leurs bonnes intentions. Notamment lorsqu’elles ne sont pas suffisamment bâties en concertation avec les personnes concernées elles-mêmes.
Par exemple, la ministre de la famille a mis en place quelque chose autour de l’allocation de rentrée scolaire : il s’agit de ne plus verser l’allocation de rentrée scolaire à certains parents d’enfants placés et scolarisés, mais de la mettre de côté, jusqu’à la majorité de l’enfant. L’idée est que ces jeunes bénéficient ensuite d’un petit pécule, lorsqu’ils atteignent leurs 18 ans. L’idée est sympathique a priori, mais elle aboutit à réduire encore les liens qui peuvent exister entre un enfant placé en famille d’accueil et ses parents : l’allocation permettait aux parents d’acheter « quelque chose » pour la rentrée, un cartable, de préparer la rentrée scolaire… C’est une manière de s’investir et d'être reconnu dans le lien de parentalité qui existe avec l’enfant. Sans ça, les parents se retrouvent privés de ce moment, de cette possibilité. Il y en a un certain nombre qui nous disent : « mais on nous enlève tout, en fait ». Alors l’intention est bonne, je l’entends, mais les résultats ne sont pas bons.
Donc entre individualisation et familialisation, c’est une sorte de balancier, un équilibre difficile.