Sur quoi repose votre critique de la propriété intellectuelle ? Et dans quelle tradition intellectuelle s’inscrit-elle ?
question
reponse
Il est très facile de repérer la philosophie politique d’un auteur sur de nombreux sujets de droit. Ce n’est absolument pas le cas pour la propriété intellectuelle (PI) ! Parmi les opposants à la PI, on trouve tant des altermondialistes que des « anarcho-capitalistes » (qui considèrent qu’il faut supprimer tout État et laisser le marché en charge de s’auto-réguler). Ce constat de disparité des opinions vaut au sein d’une même communauté, c’est le cas des libéraux en France où l’on trouve des positionnements radicalement opposés.
En réalité, il y a deux façons de justifier les droits de propriété intellectuelle. La première, qui relève de ce que les juristes appellent le « jus naturalisme », consiste à dire qu’une création intellectuelle, au même titre qu’une création physique, peut et doit bénéficier d’une protection. C’est la force de travail injecté dans le processus créatif qui lui confère ce privilège. A mon avis, cette position ne tient pas dans la mesure où comme l’a si bien expliqué Locke, la notion de propriété est fondée sur celle de rareté. Or, il n’y a pas de rareté dans le domaine de la création intellectuelle : plusieurs personnes peuvent avoir la même idée en même temps, une même idée peut se nourrir de l’apport de plusieurs inventeurs… La seconde façon de justifier les droits de propriété intellectuelle, c’est de faire valoir le fait qu’ils stimulent la création et contribuent ainsi au bien-être de la société. Cette position « utilitariste » est, de mon point de vue, la seule valable… à condition toutefois de démontrer que les droits de propriété intellectuelle stimulent effectivement l’innovation ! Or, la démonstration n’est pas faite : à ma connaissance, il n’y a aucune étude française qui chiffre l’effet des droits de propriété sur l’innovation.