Dans le quartier de Mermoz, comme à Vaulx-en-Velin où vous exerciez ces dernières années, avez-vous constaté des phénomènes de repli communautaire...
question
reponse
Je ne constate pas de formes de repli communautaire particulièrement marquées. Les anciens immigrés ont vieilli et les jeunes sont plutôt bien intégrés. Par contre, je sens se développer une identité de quartier qui tient plus d’une histoire commune qu’à une appartenance ethnique ou communautaire. On est de « Mermoz », de « Vaulx-en-Velin », de la « Duchère », des « Minguettes » avant d’être d’origine italienne ou algérienne, avant d’être catholique ou musulman. Personnellement je suis d’abord perçue comme une habitante de Mermoz, et non comme originaire de Tunisie.
Il me semble que ce phénomène était moins prégnant auparavant, peut-être parce qu’en vivant au cœur d’un quartier, je ne le percevais pas, et probablement aussi parce nous étions moins mobiles. Nous avions moins besoin de l’être. On vivait et travaillait dans le quartier. Nos pères travaillaient dans les usines qui se trouvaient à proximité, et qui ont d’ailleurs toutes fermé, nous étions tous scolarisés dans les écoles du secteur et de fait, les quartiers de Vaulx-en-Velin comme celui de Mermoz, vivaient plus sur eux-mêmes. Les grandes familles sont restées dans les quartiers et les jeunes, même si aujourd’hui ils vivent ailleurs, gardent un lien fort avec leur quartier d’origine. Ce lien est d’autant plus fort que nombre de jeunes habitent souvent à proximité pour des raisons d’entraide familiale car ils sollicitent leurs parents notamment pour s’occuper de leurs enfants.
Le repli s’opère en ce sens quand il y a un manque d’argent ou de travail et que les gens ont besoin de se rapprocher de leur famille pour trouver de l’aide.
Mais si les jeunes reviennent vivre à proximité de leur quartier d’origine, c’est aussi parce qu’ils ont vu qu’ailleurs les solidarités n’étaient pas les mêmes. En effet, en quittant leur quartier populaire, les jeunes ont souvent été déçus par l’anonymat et l’individualisme qui règnent dans d’autres quartiers. Dans un quartier populaire on est connus comme la fille ou le fils de telle famille qui habite tel bâtiment et les solidarités entre les familles restent bien vivaces. Il existe de véritables réseaux d’entraide, et les anciennes familles ont un rôle important dans la pérennisation de cette tradition de solidarité.
Cependant, il est à craindre qu’avec la disparation progressive des grandes familles, le lien social ne soit plus le même, et ce n’est pas de la nostalgie, c’est une réalité. Déjà, il y a moins de mariages mixtes et moins de mixité à l’école ou dans le travail. Beaucoup de personnes de ma génération me disent qu’avant il y avait bien plus de mélanges.