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Attaquons-nous au Personnalisme : à quelle notion ou à quel concept renvoie le terme de « personne » ?

question

Attaquons-nous au Personnalisme : à quelle notion ou à quel concept renvoie le terme de « personne » ?

reponse

Le Personnalisme ne s’efforce pas seulement de donner un statut philosophique à la « personne », c’est une doctrine de la « dignité » de la personne humaine. Il a ses sources, notamment, dans la philosophie kantienne. Mais cette philosophie kantienne ne peut être détachée de la configuration du piétisme protestant dans laquelle elle s’inscrit.J’en arrive par là au point qui me paraît essentiel. Une pensée, non de l’individu, mais de la personne, non des droits, mais de la dignité, s’inscrit sur le fond d’une pensée proprement théologique (l’idée même de théologie, c'est-à-dire d’une « science » du divin, étant chrétienne). Le propre du discours religieux chrétien est, en effet, de s’être construit dogmatiquement, en quatre siècles environ, par percolation de la tradition religieuse hébraïque, de l’enseignement d’un Messie palestinien et de ses disciples  et du gigantesque corpus philosophique que l’antiquité grecque et romaine avait élaboré.

Il m’importe, ici, de faire comprendre que nous sommes les héritiers d’une configuration théologique qui induit une représentation possible de l’être humain, deux fois constitué à la semblance du divin. L’être humain est constitué à la semblance du divin comme être relationnel, à l’instar des trois personnes divines elles-mêmes. Il faut y insister : la marque propre du Christianisme n’est pas le monothéisme mais la définition trinitaire de la divinité, définition qui oblige à penser la relation entre entités constitutives du divin. L’être humain est également constitué à la semblance du divin comme entité porteuse d’une marque insigne, la « dignité éminente » attachée à une filiation divine.

Le coup de force des Personnalismes des 19e et 20e siècles a consisté à actualiser ce dispositif  théologique, à en fournir une traduction philosophique, dans un contexte où il lui fallait répondre à deux exigences a priori contradictoires : d’une part, consentir à entrer dans l’espace philosophique et politique qu’avaient ouvert les Lumières, d’autre part contrecarrer et modifier l’étayage philosophique de cet espace. Mais tel est le paradoxe historique que cette position est également celle des écoles sociologiques en cours de développement. Les uns et les autres, à partir de présupposés distincts, voire opposés, s’accordent sur une position qui est celle que l’on nomme le « réalisme sociologique ».Ce réalisme sociologique invite, en premier lieu, à considérer le réel comme informé, non à partir d’isolats individuels, mais à partir des collectifs que sont les entités familiales, corporatives, économiques, administratives, territoriales… Il invite, en second lieu, à tenter de penser les relations de coopération ou de concurrence, d’antagonisme ou de complémentarité, de hiérarchie ou de subsidiarité, à quoi sont exposées ces collectifs.La modification de l’étayage philosophique antérieur tient, par ailleurs, à l’usage de la catégorie de dignité. On ne mesure pas assez à quel point cet usage réordonne l’espace de référence de nos dispositifs éthiques et juridiques. L’homme de la Déclaration des droits de l’homme tient l’éminence de son statut d’être « sujet de droit ». Ses droits sont dits « naturels » et, à ce titre, sont déclarés imprescriptibles et inaliénables. Mais l’exercice de ses droits est toujours conditionné : par l’âge, le sexe, la capacité intellectuelle ou mentale, par la nationalité, par la non-déchéance civile ou civique. 

A l’inverse, la dignité est inconditionnée : elle ne peut être que constatée.Je suis étonné, à cet égard, que l’on place la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 dans le fil de la Déclaration française des droits de l’homme et du citoyen de 1789, sans noter le changement de plan qu’induit la rédaction de l’article 1 de la Déclaration universelle. Dans cette rédaction, endossée par René Cassin et mise au point par son « secrétaire », le philosophe Jacques Maritain, tenant du Personnalisme et d’un Humanisme intégral référé à la révélation chrétienne, la dignité a préséance sur le droit : ce n’est pas l’effet du hasard !

citation

c’est une doctrine de la « dignité » de la personne humaine