[Vidéos] Dix ans de la Métropole de Lyon : L’héritage du Département du Rhône

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Depuis 2015, la Métropole de Lyon assume les missions du département du Rhône. Zoom sur cinq sujets essentiels, à travers des vidéos.
Interview de Nicole DULAC et Jocelyne CANIATO
<< pour éviter à certains élèves de se retrouver en rupture scolaire, il y a une réelle nécessité de construire des parcours adaptés >>.
Interview de Mme Nicole Dulac, membre de la direction du collège Saint-Louis de la Guillotière, professeur principal de la classe de sixième de consolidation et de reconstruction scolaire, professeur d’histoire et de géographie, et de Mme Jocelyne Caniato , professeur des sciences de la vie et de la terre, à l’initiative de la classe de sixième de consolidation et de reconstruction scolaire.
Le collège St Louis de la Guillotière est un collège privé sous contrat rattaché au Groupe Saint-Marc à Lyon. Ce collège a un projet pédagogique basé sur l'épanouissement général de l'enfant.
Ce projet met en valeur les principes suivants :
- différenciation pédagogique.
- responsabilisation des élèves sur ses objectifs d'apprentissage.
- responsabilisation des élèves au niveau des méthodes à mettre en place pour atteindre ces objectifs.Explications et contenus de cet enseignement.
Madame Dulac, vous êtes membre de la direction du collège Saint-Louis de la Guillotière, rue du Béguin à Lyon dans le septième arrondissement, qu’est-ce qui caractérise votre collège ?
Ce qui nous anime, fondamentalement, c’est notre visée éducative centrée sur l'épanouissement général de l'enfant. C’est pourquoi nous veillons à accompagner l'enfant et l'adolescent dans sa scolarité mais aussi dans son projet d'avenir, son projet de vie. Trois principes d'orientation pédagogique peuvent caractériser notre établissement :
- La différenciation pédagogique : nous proposons aux élèves des parcours scolaires différenciés en proposant le choix du professeur, de séquences diversifiées et de la méthode de travail. Ainsi, et parce que les enfants sont tous différents dans leur manière d'apprendre, notre organisation scolaire offre une diversité de situations pédagogiques, différentes manières d'aborder un même programme.
- La responsabilisation des élèves : en leur laissant choisir des itinéraires d'apprentissage et leurs professeurs, en favorisant leur participation aux différents projets, ils apprennent à faire des choix et deviennent acteurs de leur scolarité.
- Une certaine conception du métier d'élève : à travers des situations de travail où l'élève devient un chercheur actif, nous lui donnons l’initiative afin qu'il mette lui-même en oeuvre les moyens d'atteindre les buts préalablement explicités et d'évaluer son parcours. La dynamique de notre projet est fondée sur l'implication de tous les partenaires du projet, enseignants, parents, élèves, personnels, membres de la direction, dans la réalisation des objectifs éducatifs et pédagogiques. Notre volonté permanente est de faire de Saint-Louis un espace efficace d'innovations pédagogiques (recherche, formation, expérimentation).
Ce souci d’innovation pédagogique n’est-il pas le fruit d’une histoire propre au collège Saint-Louis et aux hommes qui l’ont construit, de véritables et ardents passionnés de pédagogie ?
L'expérience menée au Collège Saint-Louis a commencé en 1973/74 quand les professeurs, effectivement passionnés par leur mission, ont souhaité développer les parcours d’apprentissage individualisés. Pour favoriser le "travail indépendant", chaque élève choisissait ses professeurs et décidait du nombre d'heures dont il avait besoin dans chaque discipline. De cette époque, les enseignants ont gardé le souci d'individualiser les itinéraires d'apprentissage, la certitude qu'il faut adapter la démarche aux besoins de chacun, la conviction qu'il faut multiplier les stratégies pour que le plus grand nombre accède à la connaissance. Avec l’arrivée de nouveaux enseignants dans l'équipe et notamment celle de Philippe Meirieu en 1976, la réflexion s’est encore enrichie. La systématisation du travail indépendant valorisait les exercices d'acquisition de mécanismes, mais négligeait l'expression orale et la communication, le processus de découverte, la part affective et créative de l'enfant. Pour y remédier, et en nous inspirant de la "pédagogie par objectifs", nous avons modifié nos pratiques. Ainsi, c'est à partir du projet initial enrichi de ces éléments nouveaux, que s'est élaborée l'orientation actuelle de notre travail : des objectifs communs, une exigence maximale pour vérifier l'acquisition par chacun de ces objectifs, la multiplication des moyens pour y accéder, la diversification des itinéraires d'accès.
Est-ce ce souci de prise en compte réelle et personnalisée de chaque élève qui vous a conduit à créer une 6ème de consolidation et de reconstruction scolaire ?
Certainement, et parce que nous souhaitions mettre en place un dispositif pour les élèves en difficulté qui ne soit pas un "supplément" mais un "autrement". Notre volonté était, et demeure, d’adapter notre pédagogie et nos pratiques à la spécificité de ces élèves sans les stigmatiser en créant une classe "ghetto". C’est pourquoi nous avons créé, avec l’aide d’experts, un projet où l’élève puisse se sentir valorisé individuellement et au sein de la classe.
Comment fonctionne cette classe ?
Le début de l’année scolaire est un temps d’observation pour tous les élèves des six classes de sixième. À partir des résultats aux tests nationaux, aux tests lecture et d’orthophonie, nous menons un repérage des élèves qui nous apparaissent trop fragiles et pour qui une reconstruction scolaire semble nécessaire. Pour ces élèves, rajouter des heures de soutien ne sert à rien. Par contre, leur proposer une démarche différente, concrète et valorisante peut permettre de les remobiliser. C’est à ces élèves qu’est proposé, à l’issue de la fin de la première étape (vacances de Toussaint), un parcours en deux ans. Si les parents adhèrent au projet et que les enfants sont motivés, conditions indispensables, ils intègrent la sixième de consolidation et de restructuration scolaire qui se met en place début janvier. Cette classe, à effectif réduit de 15 à 18 élèves, regroupe donc les élèves en difficulté à certains moments de leur emploi du temps. Dans d’autres matières, Art, musique, EPS ainsi qu’en vie de groupe, ils continuent à appartenir à leur classe d’origine. À la fin de l’année de sixième de consolidation, les élèves intègrent une sixième "traditionnelle".
Quel est le profil de l’élève de sixième de consolidation ?
Celle-ci s’adresse aux élèves qui ont certaines difficultés scolaires, une relation tendue ou conflictuelle au travail et au monde scolaire, souvent peu d’estime d’eux-mêmes et qui, au regard des tests d’entrée en sixième et des comportements en classe durant notamment les deux premiers mois de l’année de sixième, présentent des risques d’échec certains. La sixième de consolidation permet d’éviter cette situation et de remettre en selle ces élèves. Ces derniers sont issus de tous milieux, ils n’ont pas assez développé les capacités qui leur permettraient un parcours scolaire normal. Ils ont toujours connu des difficultés, ils ont perdu confiance en eux devant une exigence ou une inquiétude de leurs parents trop fortes, ils rencontrent des difficultés importantes (en orthophonie, structure de la pensée, troubles nerveux….) qui, trop souvent jusqu’alors, n’ont jamais été détectées ou toujours cachées….
Concrètement, qu’est-ce qui est proposé dans cette classe ?
Cette dernière commence par un séjour à la montagne. Ce temps collectif fort permet de mieux se connaître, de constituer le groupe classe et de partager des expériences qui seront utilisées comme support de travail tout au long de l’année. Au programme de ces journées : PEI (Programme d’Enrichissement Instrumental), activités de découvertes (déconnectées du programme mais pas des matières), vie collective et même de la sophrologie. Elle se poursuit par différents projets concrets faisant chacun référence à des compétences particulières et donnant lieu à une production (rédaction d’un texte sur le séjour en montagne, élaboration d’un dossier sur sa commune, réalisation d’un plan de village imaginaire, exposition …) présentée en fin d’année. D’autres déplacements en cours d’année à Ebuliscience, au théâtre, en échange avec un autre collège ou dans les traboules lyonnaises sont également des supports de travail. Pour chaque projet des objectifs clairement définis sont à atteindre. Par ailleurs, pour certaines matières, (musique, dessin et EPS), les élèves restent dans leur classe d’origine et de fait en lien avec d’autres camarades. Dans cette classe, moins de travail à la maison, pas de note mais une évaluation en quatre niveaux (de 1 à 4), une exigence de qualité de travail et de productions et des évaluations régulières auxquelles prennent part les élèves eux-mêmes.
Quels objectifs sont évalués ?
Communiquer par écrit, communiquer par oral, mémoriser, prendre et traiter de l’information, raisonner, curiosité et créativité, prise d’initiative, estime de soi, coopérer et travailler en groupe, réaliser techniquement, maîtriser et utiliser son corps, repérage spatio-temporel, métier d’élève (matériel à disposition/tenue des cahiers/rendu des travaux/respect des règles de prise de parole) sont autant d’objectifs évalués par chaque professeur, mais aussi par les élèves de façon très régulière.
Pour que le dispositif fonctionne, n’est-il pas indispensable que les parents, l’élève et les enseignants s’engagent ensemble ?
La collaboration entre les enseignants et les parents est effectivement essentielle. Il est important de constituer un cadre éducatif cohérent autour de l’élève pour le conforter dans son choix et l’accompagner dans son parcours. C’est pourquoi nous rencontrons souvent les parents individuellement et à l’occasion de réunions communes.
Quel bilan en tirez-vous ?
Très majoritairement, à l’issue de cette première année, les élèves sont réconciliés avec eux-mêmes et avec l’institution scolaire. Ils sont confortés par l’acquisition de compétences nécessaires à toutes situations d’apprentissage et ainsi abordent les années collège dans de meilleures conditions, avec de réelles chances de réussite. Grâce à cette «sixième autrement » l’élève est valorisé et accompagné et non sanctionné par un redoublement où on lui demande de « refaire » après une année difficile et un échec révélé. Au lieu de «punir », on anticipe le redoublement par un valorisant processus individualisé de consolidation et de reconstruction. Quantitativement, sur la promotion 2001/2002, l’ensemble des élèves est entré en 5e et près de la moitié d’entre eux ont continué jusqu’au brevet. Les autres ont intégré une quatrième aménagée (2 élèves) ou une classe à caractère professionnelle (4 élèves).
Quelles sont les conditions de réussite et les limites d’un tel projet ?
Pour qu’un tel projet soit vraiment bénéfique aux élèves, il est indispensable de constituer un groupe cohérent. Ce dispositif est particulièrement adapté aux élèves qui n’ont pas de trop gros handicaps scolaires ou comportementaux. Il est nécessaire aussi d’avoir une équipe d’enseignants motivés et aptes à intervenir dans ce type de projet. De plus, enseigner dans une classe comme celle-ci demande un fort investissement personnel en temps et en énergie. Et, même si l’intérêt pédagogique est avéré et les retours en fin d’année gratifiants, il n’en 4 demeure pas moins que cet investissement est peu encouragé par l’institution et les différents partenaires financeurs. Dépendant de la seule volonté d’enseignants, de tels dispositifs restent de fait très fragiles.
Un tel projet devrait-il être généralisé ?
Le projet en lui même, ce n’est pas certain, mais ce dont nous sommes sûres, c’est que pour éviter à certains élèves de se retrouver en rupture scolaire, il y a une réelle nécessité de construire des parcours adaptés où l’enjeu n’est plus les savoirs, le programme et les notes mais l’acquisition de compétences indispensables à toute forme d’apprentissage et au développement personnel de l’élève.
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